Le difficile équilibre entre protection de la vie privée et pertinence de la publicité sur Internet

La spécificité de la publicité vient du fait que plus elle est pertinente pour le consommateur, plus elle a de la valeur. Mais comment parvenir à atteindre ce juste équilibre entre pertinence de la publicité et protection de notre vie privée sur Internet ?

Comment Internet s’autofinance-t-il ? Cette question a d’abord déplu aux éditeurs de journaux et de magazines qui ont transféré leur contenu sur le Web dans les années 1990. La question n’est pas moins épineuse aujourd’hui, mais ne concerne plus seulement les éditeurs de journaux. Elle s’adresse aussi aux sociétés de musique, stations de radio, sociétés de jeux, chaînes de télévision et bien d’autres. Et c’est une question qui est au cœur des débats politiques émergents sur le rôle des géants de la tech tels que Facebook et Google, ainsi que des préoccupations croissantes concernant la vie privée des consommateurs. 

Pour certains, comme Netflix, un système d’abonnement payant peut fonctionner. Mais dans le vaste monde d'Internet, ces histoires de réussites basées sur un abonnement sont des exceptions. Et elles vont devenir de plus en plus rares. La dernière étude de Deloitte suggère que près de la moitié des consommateurs américains commencent déjà à se lasser de leurs abonnements. Pour tous les autres, Internet est financé avec la publicité. Et ce n’est pas différent de la façon dont le contenu est monétisé depuis des siècles. Qu’il s’agisse de producteurs de savon qui vendaient leurs produits auprès des ménagères des années 1950 à l’heure de leurs séries télévisées quotidiennes, ou de Pepsi qui sponsorisait la mi-temps du Superbowl aux US, la quasi-totalité du contenu destiné aux consommateurs était associée à une publicité. C’est la contrepartie. 

La spécificité de la publicité, cependant, est que plus elle est pertinente pour le consommateur, plus elle a de la valeur. Le journal Le Monde peut facturer plus cher à une agence de voyage haut de gamme pour un spot publicitaire digital bien précis sur lemonde.fr si elle est certaine que ce spot sera vu exclusivement par des voyageurs de luxe. Et ces publicités premiums, à leur tour, aideront à payer plus de journalistes et donc plus de contenu de haute qualité. 

Mais c’est là que se situe l’épineuse question de la protection de la vie privée qui fait actuellement rage dans l’industrie des technologies du marketing digital.

Lorsque Facebook s'est rendu au Capitol Hill pour expliquer, en partie, comment les données sont utilisées pour comprendre les audiences de façon granulaire, les politiciens ont commencé à comprendre le fonctionnement du marketing digital et la richesse des données de consommation qui sont exploitées.

Apple a vu l'opportunité de se positionner. Même si nous leur accordons le bénéfice du doute, ils recherchent une position de supériorité. Ils ont limité la durée d'utilisation des cookies sur leur navigateur Safari. L'intention était d'empêcher l'annonceur d'en savoir trop sur le consommateur. En conséquence, le consommateur doit désormais entrer ses informations de connexion beaucoup plus fréquemment lorsqu'il utilise Safari. Le résultat c’est qu’aujourd’hui Safari n'est ni un moteur majeur de revenus publicitaires, ni un navigateur comparativement largement utilisé.

Mais l'action d’Apple a mis Facebook et Google sur la défensive. Facebook est confronté à une pression politique incessante pour repenser son approche sur la confidentialité et des données des consommateurs. Google de son côté a récemment été poussé à apporter des améliorations à son navigateur Chrome, le leader du secteur, donnant au consommateur plus de contrôle.

Ces améliorations sont suffisamment habiles pour pouvoir protéger la vie privée des consommateurs sans mettre en péril l’énorme base de revenus venant des annonces digitales de Google. Google a tout intérêt à rendre Internet meilleur, et non pire. Dans le même temps, Google comprend le rôle fondamental que les annonceurs jouent dans la monétisation de contenu et dans le financement d’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui.

En fin de compte, ce que Google et les annonceurs du secteur de la publicité digitale ont compris est que la confidentialité et la pertinence peuvent coexister. Ils sont de moins en moins intéressés par l'identité même du client que par la probabilité qu'un segment de consommateur potentiel soit intéressé par un produit ou un service donné. Les progrès de l'IA aident les annonceurs à trouver l’équilibre idéal sans compromettre les données des consommateurs ou la confidentialité. Ils peuvent utiliser l’intelligence artificielle, associée à des identifiants d’appareils digitaux, pour créer une copie du comportement du consommateur et prédire si un ensemble de consommateurs spécifique similaire est susceptible de répondre à une annonce donnée. Cela améliore l'expérience du consommateur, et nous verrons peut-être enfin le temps où nous ne devrons pas avoir à être exposés à des centaines de nouvelles annonces de voitures lorsque en réalité seulement une portion de la population recherche activement une nouvelle voiture à un moment donné.

Bien qu’il y ait une pression politique et sociale compréhensible sur les géants d’Internet d’aujourd’hui pour prouver qu’ils peuvent protéger et gérer les données des consommateurs de manière responsable, cela peut cependant être accompli tout en garantissant l’accès gratuit à Internet dont nous bénéficions tous. Et en tant que secteur d’activité, les entreprises technologiques du marketing digital peuvent faire un meilleur travail pour articuler cet équilibre. Après tout, vous lisez cet article car cette publication est en grande partie financée par des annonceurs. Il est dans l’intérêt de l’annonceur de rendre son produit aussi pertinent pour vous que possible et de rendre votre expérience Web la meilleure. Dans le même temps, ils ont un intérêt direct et la capacité technologique à garantir la vie privée des consommateurs.