Data 1st, privacy et contenu : un meilleur Web dans un monde post-cookie est à notre portée 

La disparition des cookies n'est pas une fatalité pour un marché pub qui dispose de bien d'autres atouts dans sa manche.

Éditeurs, agences et annonceurs poids-lourds de notre marché croient, plus que jamais, à l’émergence d’un écosystème publicitaire bien meilleur dans l’ère post-cookie. Pour beaucoup d’entre eux, la décision de Google de ne plus accepter dans son environnement des cookies publicitaires tiers d’ici deux ans n’est pas une surprise, mais un soulagement !

« Nous savions que c’était la bonne chose à faire et que cela allait arriver », avoue Karen Eccles, directrice senior d’innovation commerciale du Telegraph. « Cette annonce contribuera à rectifier l’industrie afin qu’elle tienne davantage compte du consommateur », analyse Jo Holdaway, chief data officer chez ESI Media. « Cela offrira aux marketeurs plus de clarté sur ce qu’ils achètent », ajoute Lucy Marchington, directrice des médias du Financial Times.

Karen Eccles, Jo Holdaway et Lucy Marchi étaient parmi les sélectes panelistes du colloque « Make Possible », organisé fin avril en ligne par Permutive. Pour analyser l’avenir du media trading et l’importance grandissante des données éditeurs, Make Possible a rassemblé des représentants seniors d’annonceurs, agences et publishers de première importance au Royaume Uni, parmi lesquels News UK, The Telegraph, Condé Nast, ESI Media et The Financial Times.

Cookie, privacy et reach

Le premier constat que j’ai pu dresser lors de cette rencontre est l’incroyable convergence de points de vue autour des nombreuses limites inhérentes aux cookies. Pour tous ces acteurs, la manière dont l’écosystème de la publicité en ligne a été structuré – avec le cookie pour pièce maîtresse – pose de nombreux problèmes, ne serait-ce qu’en matière de ciblage et de suivi cross-canal (nous le savons, les cookies ne passent pas en environnement in-app !).

« Soyons honnêtes, depuis longtemps le paysage numérique n’est pas un endroit où nous pouvons travailler en toute fluidité, que ce soit dans les applications ou à l’intérieur et en dehors des walled gardens », en a convenu Alexis Faulkner, patronne de l’agence FAST UK chez Mindshare, « tous les problèmes dont nous discutons aujourd'hui, nous les avons depuis longtemps, c’est juste que cela est exacerbé à mesure que le volume de cookies diminue ».

La nécessaire protection de la vie privée des individus met de fait en lumière une limitation majeure des cookies : la baisse radicale du reach pour les annonceurs. Ce problème ne fera que s’intensifier, comme l’illustre l’exemple de William Hill. Ce grand annonceur, leader britannique des paris sportifs, ré-évalue en ce moment même tous ses partenaires technologiques et médias sous le prisme de la conformité au respect de la vie privée.

Si le ciblage n’est plus possible en l’absence du consentement de chaque individu, il est désormais une évidence que le modèle doit changer. Il doit se concentrer sur ce qui est légitime : la donnée que l’utilisateur accepte de partager avec les éditeurs. Ces derniers ont d’ailleurs bien compris l’intérêt stratégique des données de leurs audiences : plus que de chiffres, ces informations peuvent être davantage analysées et explorées pour améliorer le ciblage publicitaire mais également le développement des abonnements grâce à une offre éditoriale améliorée.

Dean Robinson, responsable de programmatique et de display chez William Hill, exhorte les éditeurs à travailler avec les annonceurs afin de faire correspondre leurs données propriétaires sur une base partagée. « Ce serait terrible si tout redevenait cloisonné. » Pour ce marketeur, la mort du cookie offre l’opportunité de tout simplifier : « Profitons-en pour trouver une solution qui convienne à tout le monde. »

Reconstruire un web meilleur

Interrogé sur ce à quoi le web pourrait ressembler dans deux ans, Ben Walmsley, directeur commercial de News UK, a déclaré : « Idéalement, le consommateur aura une maîtrise totale sur ses données. » Les données personnelles n’appartiendront pas à une seule entité commerciale : les éditeurs n’auront accès qu’aux informations que leurs lecteurs voudront bien partager !

Ce préalable explique pourquoi de nombreux éditeurs, à l’instar de News UK, se sont mis à développer des tactiques intelligentes d’échange de valeur grâce auxquelles leurs audiences sont plus susceptibles d’autoriser l’accès à leur propre data. « Avec The Sun, nous travaillons sur la manière d’inciter nos lecteurs à nous donner leur adresse e-mail, à se connecter et à nous parler de leurs centres d’intérêt. » Dans le cas du Times, en revanche, explique-t-il, « l’échange de valeur a lieu à l’avance via un abonnement assez cher payé, raison pour laquelle nous devons faire très attention à ce que nous demandons à l’utilisateur ».

Une seconde voie dans le développement de ces données 1st party, par définition non dépendantes des cookies, se trouve dans l’alliance entre plusieurs éditeurs. Le projet Ozone, cité par Ben Walmsley, qui vise à renforcer le reach en réunissant plusieurs éditeurs, en est une illustration.

Quelle que soit la solution choisie, la clé se trouve dans la qualité du contenu proposé à ces audiences. Ce n’est qu’ainsi qu’un véritable échange pourra s’établir. Pour Chris Austin, directeur data et insights de Condé Nast, c’est comme si l’industrie tout entière déménageait vers un lieu où faire de la publicité supposait d’abord de penser au contenu. « C’est une bonne chose pour l’industrie et une bonne chose pour les éditeurs d’avoir un peu plus de contrôle sur ces discussions. »

Le moment est venu de se consacrer davantage à la qualité de ce qui est véhiculé qu’au mirage d’une approche data purement mécanique. Nous pouvons d’ores et déjà nous tourner vers un meilleur web, un monde tout à fait à notre portée !