Confinée et ratatinée : la pub digitale a chuté de 8% en France au premier semestre

Confinée et ratatinée : la pub digitale a chuté de 8% en France au premier semestre Display, search et social ont tous souffert du confinement, selon l'Observatoire de l'epub. Les régies espèrent une reprise en septembre.

Le verdict est enfin tombé : -8%. C'est la performance du marché publicitaire digital français au premier semestre, selon l'observatoire de l'epub réalisé par le SRI, l'Udecam et Oliver Wyman. Sur la lancée d'un exercice 2019 réussi, le marché pub digital français avait pourtant connu un très bon début d'année 2020. Mais le confinement est passé par là, entraînant l'effondrement des investissements publicitaires dès la mi-mars.

Aucun acteur n'a été épargné. Pas même Google et Facebook. Le search (-9%) et le social (-5%) sont en effet en décroissance sur un an pour la toute première fois. Le marché de la vidéo, autre vecteur habituel de croissance, a lui aussi connu une forte baisse (-18%). "En même temps qu'elles ont stoppé leurs budgets TV, les agences médias ont coupé ceux qui étaient alloués à l'offre de catch-up des chaînes", déplore la présidente du SRI, Sylvia Tassan-Toffola. Le secteur de l'affiliation, des comparateurs et de l'emailing est le seul levier publicitaire encore dans le vert. Les investissements y ont crû de 4%. "Dans cette période de crise sans précédent, les annonceurs ont recentré leurs investissements vers les leviers qui délivrent de la performance à court terme", observe Gautier Piquet, le président de l'union des agences médias, l'Udecam.  

Le display (-17%) est, sans trop de surprise, durement touché. C'est particulièrement vrai du côté des sites d'informations et ceux des TV et radios où les investissements consacrés à ce format chutent de 22 et 21,6%. "Les audiences de ces sites n'ont jamais été aussi fortes mais ils n'ont jamais eu aussi peu de publicités", regrette Sylvia Tassan-Toffola. En cause notamment, le zèle des outils de brand safety qui excluaient du périmètre d'achat des marques tous les articles intégrant des mots clés anxiogènes comme "coronavirus" ou "covid". De sorte que les sites de news font de plus en plus peur aux annonceurs. Cela se voit aussi dans l'évolution des investissements alloués à un format très apprécié des sites d'infos pour doper leur inventaire pub vidéo : l'outstream. Ce dernier chute de 25% au premier semestre.

"L'écart entre les médias et les grandes plateformes se creuse"

"La crise n'a fait qu'accélérer des tendances que l'on a identifiées depuis un bon moment, analyse Sylvia Tassan-Toffola. Le recours au programmatique se démocratise et l'écart entre les médias et les grandes plateformes se creuse." La part de marché du search et du social, en d'autres termes de Google et Facebook, est désormais de 80% des investissements en pub digitale, contre 78% en 2019. Forcément inquiétant pour Sylvia Tassan-Toffola. "Le quatrième trimestre va être décisif, prévient-elle. Si les agences médias ne font pas de vrais efforts, certains médias vont rester au bord de la route." "On n'investit pas en média pour faire du mécénat mais pour servir les intérêts des marques, lui répond Gautier Piquet. Mais les annonceurs ont compris qu'il était important de préserver la pluralité de l'écosystème." Le patron de l'Udecam en veut pour preuve l'évolution des investissements alloués aux régies Digital Ad Trust (DAT), label qui valorise ceux qui s'engagent dans des pratiques publicitaires responsables. La part de marché des régies DAT est passée de 19 à 22% entre 2018 et 2019, selon les estimations de l'Udecam. "Cela représente une hausse de 15% en valeur", se félicite Gautier Piquet. "C'est un pas dans la bonne direction, reconnait Sylvia Tassan-Toffola. On reste, néanmoins, encore loin de l'objectif d'un tiers des impressions pubs display et social que nous nous sommes donnés."

"Le label DAT progresse mais on est encore loin de l'objectif d'un tiers des impressions pubs display et social que nous nous sommes donnés"

Difficile, alors que certains experts redoutent une deuxième vague du coronavirus en septembre, de se projeter sur le reste de l'année. L'observatoire, appuyé par des recherches d'Oliver Wyman, s'y essaie pourtant. Il table sur une baisse des investissements de 6,7% en 2020. Une prévision en ligne avec celles des autres acteurs du marché (IAB, WPP, Magna, Udecam) qui anticipent eux une baisse comprise entre 5 et 10%. Le manque à gagner devrait être d'environ un milliard d'euros sur l'exercice.

A quand le retour à la normale ?  Il est prévu pour 2021 selon Oliver Wyman, qui prévoit que le marché français de la publicité digitale retrouvera alors ses couleurs de 2019. Il devrait capter près de 6 milliards d'euros d'investissements l'année prochaine. "Le digital devrait mettre un an à se relever de cette crise, contre deux à trois ans pour les médias historiques", estime Sylvia Tassan-Toffola. La patronne du SRI note en tout cas que "ça repart bien en juin et juillet". Mais Gautier Piquet est un peu plus mesuré. "Les grandes plateformes vont vite renouer avec la croissance mais il va falloir regarder dans le détail pour les autres. Car les investissements médias suivent l'évolution de l'activité et je ne suis pas sûr que le PIB de 2021 soit égal à celui de 2019." Le patron de l'Udecam table plutôt sur un retour à la normale en 2022.

D'autant que les sujets réglementaires, qui influeront forcément sur l'évolution de l'écosystème publicitaire digital, seront nombreux dans les mois qui viennent. La Cnil doit faire entrer en vigueur son projet de recommandation sur les cookies et autres traceurs. Le règlement e-privacy devrait, lui, être adopté en 2021. L'interprofession craint que ces deux sujets n'entravent la bonne reprise du marché. "Il va falloir que nous continuions à collaborer intelligemment, comme nous l'avons fait sur le sujet du cookie wall", prévient Sylvia Tassan-Toffola. La Cnil voulait interdire cette pratique qui consiste à bloquer l'accès à ceux qui ne consentent pas à partager leurs données personnelles. Le Conseil d'Etat, sollicité par les principales associations du marché, lui a donné tort. "C'est indispensable de ne pas diaboliser un modèle publicitaire qui représente la grande majorité des revenus des éditeurs", conclut Sylvia Tassan-Toffola.