Le numérique n'est pas un domaine de l'économie, c'est l'économie

Lors de son discours du 14 septembre 2020, le Président de la République rappelle son ambition de faire du numérique un levier de croissance. Plus que jamais dans ce contexte de crise du COVID, le gouvernement met l'écosystème tech et innovation français au centre de la relance.

France Relance : une enveloppe pour le numérique et l’innovation

France Relance, c’est 100 milliards d’euros injectés par le gouvernement dans tous les secteurs, dont 7 milliards pour l’écosystème tech et innovation français. Par un effet de levier et parce que l’innovation et la tech sont au cœur du progrès, ces 7 milliards permettront de donner l’impulsion aux autres industries. Car aujourd’hui, le numérique est le dénominateur commun de notre société : de la place de la France sur la scène internationale à la mobilité, en passant par l’éducation et l’innovation -et donc la croissance- des entreprises. 

Le numérique : l’incontournable de la reprise

Le numérique n’est plus un domaine à part de l’économie, mais l’économie-même. C’est l’économie, l’éducation, le divertissement, la mobilité, les relations sociales, l’administration et surtout, le travail. C’est ce que le confinement a permis de mettre en exergue. Pour survivre, une multitude d’entreprises qui étaient jusqu’ici restées « offline » se sont appuyées sur le numérique pour la poursuite de leur activité (salles de sport, primeurs, bars et restaurants).

Le confinement nous l’a rappelé : sans internet ou compétences numériques minimales, c’est le travail et l’éducation qui étaient à l’arrêt. La poursuite de l’activité aurait été impossible pour 28% des personnes en emploi et en télétravail en région parisienne lors des grèves, et jusque 45% lors du confinement. Avec la totalité des écoles et universités fermées, sans matériel ou point d’accès, pas d’éducation pour les étudiants, et ce, pendant plusieurs mois.

Sans numérique, pas de croissance à l’échelle nationale

Aujourd’hui, aucune entreprise ne peut se développer à un niveau national -et davantage international- sans numérique. Plus une entreprise poursuit sa croissance, plus le numérique fait partie intégrante de sa chaîne de valeur : de la production (machine high-tech) à la distribution (e-commerce), en passant par la promotion (marketing digital). C’est ainsi que les grandes entreprises traditionnelles de tous secteurs se sont adaptées : la grande distribution est accessible en ligne (E.Leclerc, Monoprix, Auchan), le luxe se positionne en innovateur (LVMH), l’industrie s’appuie sur la French Fab (organisme qui vise à transformer le tissu industriel français).

Par ailleurs, si nos treize licornes françaises représentent une multitude de secteurs, leurs Business Model reposent pour la très grande majorité sur le numérique : SIRH (Talent Soft), jeux sur smartphone (Voodoo) analyse de comportement du consommateur en ligne (Contentsquare), prise de RDV santé en ligne (Doctolib) ou encore soutien de cette explosion du digital par l’hébergement de sites et d’applications (OVH).

Même si certaines belles réussites font exception à la règle (Ynsect), le numérique est sans conteste le facteur clef de succès du passage à l’échelle.

Le numérique pour une reprise nationale, et non exclusivement francilienne

Le numérique, en tant que facteur clef de succès du passage à l’échelle, représente ainsi l’incontournable de la reprise nationale. Pour faire de la France le territoire d’innovation -et donc de croissance- que décrit Emmanuel Macron, il faut homogénéiser l’ensemble du territoire, et ainsi se fixer l’objectif de décloisonner les zones économiques françaises. Il faut construire une France décentralisée de Paris, où des villes de provinces rayonneraient sur l’ensemble de la région, comme Paris sur l’Ile-de-France.

Pour repenser la carte de France et y multiplier les centres économiques puissants, à l’instar de Sophia-Antipolis, il faut attirer les talents et les entreprises. Cette transition sur un modèle allemand (où 4 villes figuraient en 2018 sur les 100 villes les plus attractives du monde où travailler : Munich, Hambourg, Stuttgart, Francfort) ne peut se faire sans le numérique, condition sinequanone à l’installation des entreprises et donc des talents.

L’attractivité parisienne à répliquer en région : choix et facilité

Pour les talents, nécessaires aux entreprises, quelles sont les raisons de l’attractivité de Paris ? Le choix et la facilité. Il y a d’abord plus de choix en termes d’emplois, et la majorité des sièges sociaux étant franciliens, les salaires y sont tirés vers le haut. Les écoles et universités de prestige s’y concentrent également. Ensuite, il est plus facile de s’y déplacer (hors période de grèves), de s’y divertir et de pratiquer arts et sports. Et pour souvent, la technologie joue un rôle prépondérant à cette facilité d’accès.

Le numérique améliore l’offre de mobilité (trottinettes et vélos en libre-service via QR code, VTC via application, agrégateurs de trajets de transports public comme CityMapper, disponible seulement à Paris et à Lyon), l’accès au divertissements ou aux restaurants est incomparable (Frichti n’est disponible qu’à Paris, UberEats et Deliveroo visent l’expansion nationale mais dans certaines villes moyennes, l’offre se limite à une dizaine de restaurants) et côté sport, pour utiliser des application révolutionnaires comme GymLib il faut habiter une grande ville, ou Paris intra-muros pour ClassPass.  

Pour dynamiser les régions, les individus comme les entreprises doivent avoir accès aux mêmes technologies qu’à Paris et en Ile-de-France. Sans quoi ni les talents ni les entreprises ne franchiront le pas de s’y localiser, malgré l’envie de partir en région qui pour beaucoup de franciliens a été réveillée par le confinement. L’arrivée d’une entreprise dans une région a un impact positif dont le retard numérique ne peut plus, en cette période de crise, être un frein. On connait les impacts positifs en termes de création d’emploi (Hermès qui s’installe en Auvergne va par exemple créer 250 emplois ) et d’externalités positives de l’ouverture d’entreprise, ainsi que les impacts négatifs de la désertion économique de certaines régions. Le numérique peut redonner l’impulsion.

Un gouvernement qui souhaite une French Tech inclusive dans une France exclusive

Depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, le message du gouvernement est qu’une croissance significative ne peut se faire sans l’écosystème French Tech. Comme le rappelle le cofondateur de Voodoo lors de l’introduction du discours du 14 septembre, les startups ne sont que des TPE-PME, sur lesquelles reposent ainsi des créations d’emplois. Mais si le gouvernement annonce ne pas vouloir d’une French Tech en tant que “secteur de bobos urbains d’un certain quartier », la situation n’en est pas loin.

Car l’illectronisme” (ou illettrisme du numérique) touche d’après l’INSEE 17% de la population française. Si le numérique est l’économie, relancer la croissance ne peut pas se faire sans une réduction de ce qu’on appelle la « fracture du numérique » : l’absence de réseau internet de qualité, et l’incapacité à maitriser les outils numériques.

Le président de la République annonçait ce 14 septembre la transformation des administrations, dont l’objectif de 2022 du passage en ligne de 250 démarches administratives. Ce qui ne sera au début qu’une option, deviendra la norme – à l’instar des impôts en ligne ou de l’attestation de sortie QR code sur mobile lors du confinement.

Quid alors des populations en marge ? Là où l’INSEE décrit les compétences numériques de base comme désormais aussi importantes que « lire et compter », peut-on ignorer le frein à l’emploi, à l’autonomie, et à la mobilité salariale que cela représente ?

Le « New Deal mobile » : un début de solution

Alors que la moyenne nationale en couverture 4G était de 82% en 2019, certains territoires dépassent en réalité à peine les 50% (Lozère, Ariège, Alpes de Hautes Provence…). Là où l’agglomération de Paris compte 8,2% de foyers sans équipements internet, les chiffres grimpent à 12% pour les communes rurales et à 19,4% pour les DOM hors Mayotte. Dans une carte interactive rendue disponible par l’ARCEP (autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), il est possible d’accéder au taux d’équipements en fibre optique de la France et des DOM-TOM : la carte, éparse, traque l’accès des foyers mais aussi des entreprises.

Côté infrastructures, l’enjeu est plutôt compris par le gouvernement qui annonçait en 2018 son « New Deal Mobile » qui vise à équiper l’ensemble des centres-bourg en 3G et 4G à 100% d’ici 2022. Les entreprises télécoms se sont ainsi engagées main dans la main avec le gouvernement : au 27 juin 2020, les quatre opérateurs français avaient réalisé 75% des objectifs en livrant à eux quatre 340 nouveaux sites (l’objectif étant de 449).

Des chiffres qui illustrent une belle réussite de l’atteinte d’objectifs étatiques grâce aux entreprises. Fort des enveloppes allouées par le gouvernement et du partage de sa vision, c’est désormais aux entreprises de se positionner en acteur de la relance.

Le gouvernement a partagé sa vision, aux entreprises d’être acteurs

Les acteurs de l’économie -traditionnelle et numérique- restent les entreprises. Le plan de relance de 100 milliards contient une enveloppe de 800 millions d’euros pour réduire la fracture numérique. Comment les entreprises peuvent-elles à leur échelle contribuer ? En commençant par comprendre que c’est dans leur intérêt.

Ensuite, en imaginant des plans pour inculquer une culture numérique, ainsi que des formations aux bases de l’informatique (mails, Excel, Word et navigation). Car chaque secteur, de l’agriculture au juridique en passant par la santé ou le textile connait de profondes transformations. Chacun a ses innovations de procédés, d’offres, d’expérience client...

Sans pour autant se devoir de les adopter, sans chercher à tout bouleverser, il parait bénéfique d’informer les salariés des avancées de leur secteur. Être au courant de ce qui se fait de plus innovant dans son secteur -en France ou à l’international- permettrait aux salariés (cadres et opérationnels) de se construire une culture d’innovation. En même temps, l’entreprise renforcerait l’ouverture d’esprit des salariés sur les moyens de faire évoluer leur organisation : du gagnant-gagnant, donc.

Quant aux retraités, alors que les projets de réformes de retraites sont au cœur des débats politiques, au sein des entreprises, les initiatives d’accompagnement au départ sont diverses : transfert de compétences vers les juniors, explications des démarches administratives, mi-temps salariat/associatifs … Pourquoi ne pas intégrer à ces programmes d’accompagnement des modules sur les bases du numérique ? Les retraités constituant une part significative de la population en marge du numérique, anticiper le phénomène avant même le départ constituerait une solution viable.

Miser sur le numérique peut accélérer la reprise. Pour faire de cette relance une reprise nationale et non pas exclusivement francilienne, il faut miser sur la construction sur le long terme de centres économique en régions. C’est là encore le numérique le facteur déterminant, première barrière à l’entrée de la localisation en région des entreprises et des talents. Le gouvernement a partagé sa vision, alloué une enveloppe, c’est maintenant aux entreprises de s’investir dans le processus.