Publicité digitale : malgré un nouveau sursis, n'entrons pas dans l'ère du survivalisme cookies

Utilisé tant pour le ciblage, l'optimisation, la personnalisation, la maîtrise de la pression publicitaire et la mesure des campagnes, le cookie tiers est devenu la matière première des publicitaires. De plus en plus contesté, il est aujourd'hui dans la ligne de mire des utilisateurs, des navigateurs et des législateurs.

Début 2020, Google indiquait ainsi souhaiter l'éliminer de Chrome dans les deux ans. Une annonce ayant eu l'effet d'une bombe dans l'écosystème adtech. Le moteur de recherche détenant plus de 65% des parts de marché, au vent de panique initial a succédé une importante levée de boucliers, avant que l’on ne voit émerger de nouvelles initiatives alternatives. Si le géant du web a récemment annoncé un répit de 18 mois supplémentaire à l’usage des cookies, plaçant l’échéance à mi-2023, il serait fortement dommageable pour les différents acteurs publicitaires de repousser l’avancée du « dossier cookieless ». La fin programmée des cookies, même retardée, reste en effet une réelle opportunité pour le marché de se réinventer, qu’il lui convient de saisir de sorte à être moteur de son destin plutôt que de le subir !

L’après-cookies : FLoC & ciblage contextuel ? Oui, mais pas que !

Depuis l’annonce de son apocalypse cookies, le navigateur du géant du web, Chrome, travaille sur une initiative clé-en-main permettant de passer du ciblage individualisé au 1-to-few targeting : la Privacy Sandbox. Un schéma non plus basé sur un utilisateur unique mais sur une cohorte d’un minimum de 5000 utilisateurs ayant des profils et comportements similaires. En créant un écran de fumée entre l’utilisateur et l’annonceur, cette approche - appelée FLoC[1] - permet ainsi de proposer différentes fonctionnalités publicitaires : attribution, confidentialité, (re)ciblage, etc. C’est donc officiellement pour prendre le temps de parfaire sa solution que Google vient de reporter son entrée en vigueur de 18 mois, prolongeant ainsi l’espérance de vie des cookies tiers. Dans les faits, cette dernière – surveillée de près par les autorités de la concurrence de nombreux pays – n’a pas pu être testée en Europe en raison de sa non-conformité au RGPD, imposant au GAFA un délai supplémentaire.

Si cette annonce est un soulagement pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème adtech, d’aucuns sont tentés de céder à une solution de facilité, visant à poursuivre leur usage des cookies as usual jusqu’en 2023 avant de se tourner vers le ciblage contextuel. S’il est l’une des plus anciennes fonctionnalités du marketing digital, ce dernier – en ce qu’il n’implique aucun cookie – a en effet un bel avenir devant lui. De plus en plus pertinent et performant, il consiste en la diffusion d’une annonce publicitaire à côté de contenus éditoriaux traitant de sujets préalablement définis par l’annonceur pour une campagne. Néanmoins, si cette alternative peut être une solution complémentaire, elle ne pourra être l’outil central venant en remplacement des cookies tiers, ne répondant ni aux attentes – notamment de limitation des expositions publicitaires similaires – des utilisateurs, ni aux enjeux de personnalisation ou encore de mesure des performances. Le ciblage contextuel ne peut donc être la (seule) réponse aux annonces de Google.  Preuve s’il en fallait que ce report ne doit en aucun cas inciter les acteurs publicitaires à se reposer sur leurs lauriers !

Vers 2023 et au-delà : le marché publicitaire post-cookies se prépare dès aujourd’hui

S’ils sont aujourd’hui encore essentiels aux sociétés de l’écosystème publicitaire pour affiner leurs cibles et leur adresser les messages créatifs les plus pertinents, les cookies – en ce qu’ils sont centrés sur un navigateur unique – ne sont pourtant plus en mesure de répondre parfaitement aux enjeux marketing liés aux évolutions des habitudes des consommateurs, notamment au regard de l’essor des comportements cross-device. En signant la fin de l’ère des cookies tiers, Google a ainsi conduit à une accélération du développement d’alternatives, jusqu’alors émergentes, permettant tout à la fois d’assurer la pérennité de l’écosystème digital et de répondre aux exigences et attentes des internautes. 

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la fin du cookie tiers n’est pas synonyme de mort du ciblage individualisé. D’abord, car le cookie n’existe pas dans un environnement In-App où la collecte des informations repose sur le Device ID, un identifiant unique basé sur l’appareil lui-même et ayant l’avantage de ne pas nécessiter de synchronisation. Aussi, pour élargir ce fonctionnement à d’autres supports, certains acteurs travaillent aujourd’hui à faire correspondre cet identifiant avec celui d’un navigateur. Ensuite, car il existe déjà des possibilités techniques pour contourner les contraintes liées à la fin des cookies tiers : le Local Storage, qui permet de changer l’emplacement où l’on stocke la donnée traditionnellement contenue dans un cookie pour s’affranchir du blocage des navigateurs ; et le CNaming, qui permet de déposer les cookies de son site web sur un sous-domaine dédié du site de l’annonceur (faisant du cookie tiers un cookie first party). De nombreuses initiatives concrètes, reposant sur ces technologies et visant à la création de nouveaux identifiants (uniques, mutualisés, Identity Platform, etc.), ont ainsi vu le jour… ce alors qu’elles ne semblaient même pas imaginables il y a encore 18 mois ! De quoi rassurer sur la capacité des acteurs du marché à collaborer.

En maintenant le rythme de développement actuel, ces innovations pourraient être opérationnelles pour des tests à grande échelle dans les semaines à venir. Un cap qu’il est essentiel de garder malgré ce nouveau sursis. En cours d'implémentation au sein des plateformes d'achat, la clé de leur succès sera leur adoption par le marché (éditeurs, annonceurs et acteurs adtech). En effet, le sujet se complexifiant, les annonceurs seront tentés de modifier la structure de leurs investissements au profit des grandes plateformes. Nous devons donc absolument, acteurs du marketing digital, mettre à profit le temps supplémentaire donné par le géant du web. D’une part pour faire émerger des solutions multiplateformes efficaces. Ainsi seulement, nous serons en mesure de proposer des campagnes et dispositifs digitaux pertinents, qui répondent réellement aux besoins des annonceurs en s’affranchissant des contraintes en place. D’autre part pour évangéliser le marché et rassurer les annonceurs, perdus et effrayés à tort dans le marasme ambiant sur le sujet cookieless, tout comme les internautes, confondant encore trop souvent le souhait de ne pas partager leur données et celui d’accepter uniquement une publicité pertinente et personnalisée.

2023, c’est déjà demain, ne l’oublions pas.