Thomas Jamet (Mediabrands France) "Les clients de Mediabrands ne lèvent pas le pied sur leurs investissements publicitaires"

Incertitudes économiques, guerre en Ukraine, Covid-19... Le contexte actuel ne semble pas favorable au marché publicitaire. Thomas Jamet, patron de Mediabrands France, analyse une situation inquiétante pour les investissements.

JDN. L'heure est à la décélération de l'économie. Les clients de Mediabrands revoient-ils leurs projections d'investissements médias pour cette année ?

Thomas Jamet. Non, nos clients ne lèvent pas le pied parce qu'ils font partie pour la plupart d'un écosystème digital et transactionnel qui les préserve. Pendant la crise sanitaire ils ont augmenté leurs investissements médias. Entre 2021 et 2020, alors que nous n'avions pas encore entièrement quitté la crise, leurs investissements ont progressé de  36% (chiffres Kantar bruts, c'est plus que la croissance de 17% des investissements enregistrée en 2021 pour l'ensemble du marché de la publicité, des médias et de la communication, mesurée par le Bump, ndlr).  

Vous êtes également vice-président de l'Udecam et aux premières loges pour prendre la température du marché. Les annonceurs revoient-ils à la baisse leurs investissements ?

Il y a des marques qui freinent, bien sûr, mais le marché ne fait pas état d'une baisse radicale des investissements. Les nouvelles prévisions de Magna des dépenses publicitaires pour l'année en France et au niveau mondial devront sortir très bientôt. On s'attend à ce que ces prévisions soient revues à la baisse (c'était déjà le cas des prévisions de Magna pour le marché américain diffusées fin mars, revues à la baisse en raison de l'incertitude économique et géopolitique, ndlr). C'est normal, cela va refléter la décélération de l'économie que nous vivons. Le marché est plutôt dans une position prudente et attentiste. Même si les prévisions de croissance sont à la baisse, les investissements devraient rester supérieurs à 2021.

Comment analysez-vous  le contexte général (économique, sécuritaire, politique) et le positionnement des marques face aux changements en cours ?

Les facteurs d'incertitude sont en effet nombreux : guerre en Ukraine, risque d'inflation voire de stagflation, décélération de l'économie, fin encore incertaine de l'épidémie de Covid-19 dans le monde… sans parler des conséquences de la pandémie que nous devrons payer pendant des années encore. Le contexte est par conséquent bien moins favorable qu'en début d'année. Or en début d'année, on croyait que la page se tournait... Le fait est que la réalité a changé et les marques font face à une double révolution. La première, qu'elles ont pour la plupart su anticiper pendant la crise, c'est l'accélération de la logique transactionnelle. Nous passons à une ère post publicitaire où le message n'est plus là pour faire vendre, mais pour vendre directement. Tous nos clients se demandent comme vendre et non comment faire du média. Les entreprises doivent désormais penser la communication et la transaction en même temps. Ce changement de focus s'accompagne d'une réflexion de fond très importante de leur transformation en matière de responsabilité sociétale (RSE). Tout cela dans un contexte de crise…

Que conseillez-vous à vos clients et aux annonceurs en général dans une telle conjoncture ?

Couper ses investissements publicitaires serait une erreur. Nous vivons une époque où l'incertitude règne. Nassim Nicholas Taleb parle des cygnes noirs, ces événements statistiquement quasi impossibles qui se produisent quand même. Dans un monde où tout devient possible, le meilleur comme le pire, les marques doivent intégrer l'incertitude dans l'équation. Il faut à la fois êtres très réactif sur le court terme et se projeter sur le moyen et le long terme au travers de différents scénario. Dans toute transformation il y a une part d'inconnu et une approche future-proof devient indispensable.