Thibaud Rivals (Danone France) "Danone aimerait que les outils d'ad verification s'intéressent à l'attention"

Danone concentre sur la vidéo la majeure partie de ses investissements en achat média digital en France. Thibaud Rivals, responsable média et digital chez Danone France, partage ses priorités en matière de vérification de la qualité publicitaire.

Thibaud Rivals, responsable média et digital chez Danone France. © Danone

JDN. Les outils d'ad verification suffisent-ils pour couvrir tous vos besoins en vérification de la qualité publicitaire en vidéo ?

Thibaud Rivals. Ces outils sont indispensables pour protéger les marques tout en évitant de pénaliser un inventaire qui leur serait pertinent et de qualité. Nous sommes également bien équipés pour poursuivre des KPI de visibilité. Par ailleurs avec Integral Ad Science (IAS), notre partenaire d'ad verification, nous essayons d'aller plus loin que le seul indicateur de visibilité, en nous intéressant au temps passé sur un format publicitaire. Mais même cela ne suffit pas et nous aimerions que les outils d'ad verification s'intéressent également à la notion d'attention.

Aujourd'hui, notre outil remonte les taux de visibilité sur la base des standards du marché. Demain, j'aimerais que nous puissions vraiment mesurer l'attention car nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas prêter attention aux bannières et aux vidéos même en les voyant sur la page. Une impression est comptée comme étant visible, mais en réalité elle n'est pas vue par l'internaute. Nous discutons avec IAS sur ce sujet. D'autres propositions commencent à émerger sur le marché basées sur les technologies d'eye tracking. En France, nous en sommes aux prémisses, il n'y a pas encore de solution industrialisée.

Où déployez-vous la majorité de vos investissements d'achat média vidéo ?

Nous sommes très orientés télévision et vidéo. La moitié de nos investissements d'achat média 2021 ont été dirigés vers le digital et la vidéo représente entre 60% et 70% de nos investissements digitaux. Nous sommes également fortement présents en programmatique où passent 65% de nos achats média digitaux, avec là aussi des investissements majoritaires en vidéo.

Sur le digital, nous travaillons avec deux principales catégories d'acteurs en vidéo. D'une part les "big 4" qui captent 50% de nos investissements en vidéo digital, à savoir la catch-up TV, YouTube, Meta et Teads. L'autre moitié est investie auprès d'une quinzaine d'acteurs parmi lesquels Seedtag (format vidéo in-image, ndlr), des acteurs de la data retail et d'autres plateformes sociales. Depuis le début de l'année nous sommes également en tests avec TikTok.

Où en êtes-vous en CTV ?

Nos investissements ne sont pas fléchés dans du pur CTV (hors IPTV, ndlr). Nous savons seulement a posteriori que 30% de ce que nous investissons en YouTube sont consommés sur un écran de smart TV. Nous avons mené des tests avec Rakuten dans la même logique de test & learn que nous avons sur TikTok. Comme pour les plateformes sociales, nous souhaitons bien sûr aller sur la CTV mais en étant rassurés sur la présence de garde-fous à l'égard de la fraude, de la visibilité et de la brand safety.

Que pensez-vous du niveau actuel de la brand safety et de visibilité des campagnes vidéo en ligne sur les environnements que vous privilégiez ?

"En 2021 toutes plateformes confondues, nous avons enregistré 75% de visibilité sur la vidéo et 90% de brand safety"

Quand vous regardez les indicateurs globaux, tous formats et plateformes confondus, ils sont généralement très corrects. A titre d'exemple, en 2021 toutes plateformes confondues, nous avons enregistré 75% de visibilité sur la vidéo et 90% de brand safety. Dans le détail, en revanche, la situation est différente selon chaque plateforme. Sur YouTube, nous sommes à plus de 95% de brand safety, sur Teads à 85%. Ce sont des données que notre outil IAS remonte pour nous. En revanche, nous ne savons rien sur Meta, car ce type de donnée n'est pas disponible. Nous dépendons de la volonté des plateformes de nous fournir cette donnée, c'est un enjeu important.

Le 100% brand safe est-il une utopie ?

Nous sommes malgré tout à des niveaux très élevés. Il existe différentes formes de faire de la brand safety. Nous pouvons établir des listes de mots-clés à éviter et de sites à écarter d'emblée. Depuis un an, nous mettons également en place avec IAS des segments de brand suitability. Ce sont des segments contextuels qui tiennent compte du sentiment généré par le contenu – positif, neutre ou négatif. Le mot "vol" peut être interprété tout à fait positivement s'il se trouve sur une vidéo évoquant le voyage. Il nous faut être capable de faire ce genre de distinction pour ne pas écarter des inventaires pertinents pour la marque.

La montée en puissance des fake news notamment sur les réseaux sociaux rend-elle la tâche de la garantie de brand safety plus compliquée ?

La désinformation prend de l'ampleur partout dans le monde. NewsGuard et Comscore estiment à 2,6 milliards de dollars le montant des investissements publicitaires versés aux sites de désinformation chaque année par les annonceurs en programmatique. C'est un enjeu très important pour les marques de réussir à éviter ces environnements. Or, c'est très difficile d'identifier ces sites, car ils peuvent être mouvants et camouflés pour passer sous les radars. Nous travaillons avec le Global Desinformation Index (GDI), via IAS, sur la détection des sites de désinformation sur les places de marché. C'est un travail quotidien, chaque jour un nouveau site de fake news peut se développer tout comme des pages ou courants d'informations qui stigmatisent des communautés et des minorités.

Prenons l'exemple des réactions haineuses que nous avons observées en France à l'égard des personnes d'origine asiatique au moment de la pandémie de covid-19. Il nous fallait éviter ces contextes en mettant en place des listes de mots-clés et de black listes d'url. Or, en même temps, Danone étant une entreprise à mission, ce qui suppose aussi pour nous de contribuer à l'existence d'un écosystème média de qualité, nous ne souhaitions pas tout bloquer et risquer de passer à côté d'inventaires de qualité ou de sites qui préservaient ces minorités. L'outil de brand suitability a été pour nous d'une très grande utilité en ce sens.