Penser la publicité digitale sans cookies : un changement législatif majeur, plusieurs alternatives et une seule solution ?

La publicité digitale doit être repensée en lien avec les nouvelles réglementations concernant l'usage des données personnelles des utilisateurs.

214 millions d'euros : c’est le montant des amendes reçues par Google en 2021, soit une hausse de 55% en un an. Décidées par la CNIL, ces contraventions sanctionnent la politique du groupe en matière de cookies. Perçu comme une pratique intrusive, l’usage des données personnelles inquiète les internautes qui cherchent alors à protéger les leurs. 

Selon une étude de l’IFOP réalisée en 2020, 70% des Français estiment indispensable une loi comme le RGPD. Néanmoins, si la réglementation a longtemps fermé les yeux sur ces pratiques, elle est désormais appliquée avec rigueur, forçant l’écosystème web à s’aligner. Ces réglementations témoignent d’un virage concret : l’ère de la fin des cookies tiers et donc, le début d’une nouvelle conception de la publicité digitale.

La fin des cookies, oui, mais comment ? 

Plusieurs méthodes alternatives ont été élaborées, comme le ciblage sur les données propriétaires, qui permet d’éviter la commercialisation des data - mais reste basée sur le même principe de collecte. Google, dont les revenus dépendent en grande partie de la publicité, leur préfère un autre modèle, la Privacy Sandbox, qui cible des groupes - cohortes - de personnes aux caractéristiques communes, sans identifier d’individu spécifique. Enfin, le fingerprinting consiste, lui, à collecter les informations des utilisateurs, mais sans les stocker. À noter que si ces alternatives ont l’avantage d’être conformes aux réglementations, elles demeurent basées sur la monétisation des données personnelles, donc de la vie privée des internautes. Or, la CNIL souligne que « le développement de techniques alternatives aux cookies tiers ne peut se faire aux dépens du droit des personnes à la protection de leurs données personnelles et de leur vie privée » - ce qui pose la question de la pérennité de ces alternatives.

Combiner respect des données personnelles et performance

Dans le respect des nouvelles réglementations, la publicité digitale doit donc trouver un nouveau cadre qui garantit à la fois efficacité et respect de la vie privée. La solution existe en réalité depuis plusieurs années avec le ciblage contextuel - qui cible des pages web selon leurs contenus, pour y associer des encarts publicitaires pertinents. Outre le fait de n’utiliser aucune donnée personnelle, elle gagne en pertinence par sa capacité à diffuser une publicité en cohérence avec le contenu visité, ce qui augmente sa performance tout en permettant une meilleure expérience utilisateur.  

Mais la publicité contextuelle, simple dans son principe, requiert des technologies très avancées comme des intelligences artificielles de reconnaissance de texte et d’image, pour comprendre le contenu des articles et garantir un bon niveau de brand safety. Ces technologies peuvent être associées avec des capacités de DPO - optimisation du placement publicitaire -, qui permettent de placer automatiquement l’encart où il aura le plus de chance d’être remarqué, grâce à l’analyse de la structure de la page web et les modes de visite des utilisateurs (temps passé sur la page, vitesse de défilement…). Enfin, la publicité peut être intégrée directement dans les contenus d’illustration des articles, pour ne pas surcharger la page de stimuli visuels : c’est l’in-image, ou in-video, advertising.

Une étude de Nielsen pour Seedtag a montré que le ciblage contextuel multiplie par 2,5 l’intérêt pour une publicité en ligne par rapport à un encart diffusé sans ciblage. Les publicités sont plus remarquées : 87% de vues contre 61% pour les publicités non ciblées. Elles sont également visionnées plus longtemps, 3,2 secondes en moyenne contre 1,8 secondes. Un ciblage qui permet donc d’améliorer la perception des publicités, tout en s’adaptant aux nouvelles exigences de la publicité digitale. 

Un changement plus global

Changer la manière dont est conçue la publicité digitale, c’est changer comment le web se conçoit. Si l’interdiction de l’usage des données impose de modifier les stratégies publicitaires, elle est également l’opportunité de développer une nouvelle vision de la publicité en ligne, qui ne soit plus basée sur la vie privée des personnes. Mais cette redéfinition du système publicitaire doit s’intégrer dans une remise en question plus large. En effet, au-delà du ciblage publicitaire, la fin des cookies oblige les éditeurs à trouver des moyens alternatifs pour financer leurs contenus, mais aussi de mieux prendre en considération les internautes - dans la gestion de leurs données mais aussi la sélection publicitaire, pour plus de cohérence avec leurs contenus et des encarts mieux insérés, sans gêner l'expérience de lecture...