The Trade Desk vs SSP : les éditeurs en sortiront-ils gagnants ?

The Trade Desk vs SSP :  les éditeurs en sortiront-ils gagnants ? Avec OpenPath, The Trade Desk court-circuite les SSP et suscite leur colère. Le JDN fait le point sur les arguments de chacun.

The Trade Desk, plateforme demand side (DSP) parmi les plus importantes du marché mondial de la publicité programmatique, propose depuis début 2022 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni une intégration directe avec une centaine de grands éditeurs tels que Reuters, The Washington Post et Forbes. L'offre intitulée OpenPath serait d'après nos sources déjà activement testée en France, ce que dément The Trade Desk, tout en reconnaissant que des essais devront avoir lieu sans qu'une date de mise sur le marché ne soit fixée.

Vu l'adhésion suscitée par l'offre auprès de grands éditeurs en dehors de l'Hexagone, tout mène à croire qu'elle ne tardera pas à arriver en France, avec pour principe de permettre aux traders achetant sur The Trade Desk (soit l'écrasante majorité des agences médias et grands annonceurs) de disposer d'un accès direct à des inventaires très premium. Cela se fera par conséquent sans l'intermédiaire des plateformes supply side (SSP), agrégateurs historiques de l'offre.

"L'initiative OpenPath vise notamment à supprimer les inefficacités souvent présentes dans la chaîne d'approvisionnement programmatique comme les privilèges opaques et néfastes des walled gardens", explique au JDN David Lu, directeur de partenariats éditeurs pour les pays EMEA de The Trade Desk. David Lu fait allusion à Google et notamment à sa solution Google Open Bidding (GOB), que le DSP a désactivé en février, en même temps qu'il annonçait le lancement d'OpenPath. GOB est le module de connexion de header bidding intégré à l'ad server de Google Ad Manager. Pour les nombreux éditeurs qui se servent des technologies Google pour monétiser leur inventaire, GOB prend le relais pour intégrer les autres SSP voulant prendre part aux enchères. C'est en deux mots la réponse de Google à prebid, à la différence près que sur GOB c'est Google qui gère les priorités sans que l'on sache vraiment avec quel degré de neutralité. L'éditeur doit de plus rémunérer Google pour cela, ce qui en fait un intermédiaire supplémentaire…

Les SSP montent au créneau

Sans surprise, les SSP montent au créneau pour dénoncer l'initiative de The Trade Desk. Exemple avec Magnite, acteur référant du marché servant en France des régies comme M Publicité, 366, Prisma Media et Mediasquare. "OpenPath néglige la valeur des SSP et vient ajouter de la complexité à l'écosystème", déclare au JDN Valérie Latronche, directrice générale de Magnite en France. "Notre valeur est directement liée à la diversité de services que nous apportons aux éditeurs, parmi lesquels des fonctionnalités de yield management, de création de deals et de places de marché privatives, de reporting et forecasting, de contrôle de la qualité des créas des annonceurs, etc. Sans compter notre capacité à accéder à une multitude de sources de demande différentes simultanément (140 DSP chez Magnite, ndlr.) afin de créer une forte densité de demande et de permettre aux éditeurs d'en tirer le meilleur parti", explique-t-elle.

Des arguments que The Trade Desk ne contredit pas : "Nous avons l'intention de maintenir les chemins des SSP vers l'inventaire des éditeurs, même lorsque nous établissons une intégration directe avec les éditeurs, parce que ces relations sont bien établies et importantes pour les éditeurs et les annonceurs", précise David Lu. Il confirme que The Trade Desk ne fournira pas de services, comme le yield management, aux éditeurs. Mais il affirme : "Si OpenPath est largement adopté par des éditeurs de premier plan, nous espérons que les principaux SSP y verront une opportunité de contribuer à résoudre les problèmes de coût, d'opacité, de complexité et d'inefficacité qui ont inspiré la création d'OpenPath."

Les éditeurs seront-ils gagnants ?

Loïc Sfiligoi, cofondateur de Pubstack, plateforme d'optimisation de revenus publicitaires qui accompagne près de 70 publishers (médias, retailers, telcos, etc.) en France et en Europe voit dans le lancement d'OpenPath une initiative cohérente avec les dynamiques du marché. Il rappelle que des initiatives de supply path optimisation (SPO), consistant à réduire le nombre d'intermédiaires et le coût d'accès aux inventaires des éditeurs, se multiplient, sans parler de Criteo et d'Amazon, parmi les premiers à adopter ce genre d'intégration directe avec les publishers. "Il est naturel qu'un acteur de la taille d'un The Trade Desk cherche à rationaliser ses coûts et surtout à marquer son indépendance à l'égard de Google", dit-il.

Les plateformes SSP ont-elles raison de se plaindre ? Il convient surtout de s'interroger sur l'impact pour les éditeurs au bout du compte. "Je ne suis pas sûr que les éditeurs seront gagnants", atteste Loïc Sfiligoi. "Un SSP a surtout le rôle de défendre la valeur de l'inventaire des publishers, il a tout intérêt à ce que ces emplacements soient bien vendus. Où passera la valeur avec OpenPath ?", s'interroge-t-il. L'expert attire l'attention sur le fait que ce type d'intégration directe engendre des coûts pour les éditeurs, ne serait-ce que pour créer et développer des équipes en interne à même de gérer les prix planchers, une tâche stratégique portée par les SSP entre autres. "Les SSP prennent des marges plutôt basses et tout à fait justifiées par les services qu'elles rendent aux éditeurs. N'oublions pas que le rapport de forces entre les équipes tech des éditeurs et celles d'un acteur comme The Trade Desk n'a pas vocation à être très équilibré. Pas sûr que la valeur obtenue pour la vente de ses inventaires suffise pour amortir ces coûts", conclut-il.