L'alcool banni de la publicité en ligne "L'interdiction de la publicité en ligne pour l'alcool a transformé les producteurs en victimes"

Nous avons attaqué Heineken en justice à l'occasion de la Coupe du monde de Rugby, dont Heineken était l'un des sponsors internationaux. A l'occasion de cette compétition, Heineken avait créé sur son site de marque un univers ludique assimilant la marque au rugby. Or la loi Evin interdit d'une part les discours qui ne décrivent pas objectivement les produits alcoolisés (composition, etc.) et d'autre part le sponsoring sportif par des marques d'alcool. Heineken avait donc doublement tort. La justice nous a donné raison. 

En faisant condamner Heineken, nous ne pensions pas pour autant interdire la publicité pour l'alcool sur Internet. Avec du recul, cette décision de justice a surtout donné une superbe occasion aux producteurs d'alcool de se placer en victimes et de nous faire passer pour des prohibitionnistes, ce que nous ne sommes pas. Nous aurions pu engager d'autres procédures, mais nous ne l'avons pas fait. Nous sommes conscients qu'il est impossible de maintenir la situation actuelle. L'Anpaa n'a pas le point de vue extrémiste que certains lui prêtent. 

Nous ne sommes d'ailleurs pas opposés à l'autorisation de telles publicités. Mais à plusieurs conditions : d'une part il faut que les discours des marques soient encadrés, comme ils le sont sur d'autres supports. D'autre part, la publicité pour l'alcool ne doit pas être intrusive et être exclue d'office des sites n'ayant pas de rapport direct avec l'alcool ou de ceux visant les enfants. Nous ne sommes pas opposés à l'affichage de bannières, à condition qu'elles ne disposent pas de liens : la visite d'un site de marque d'alcool doit relever d'une démarche volontaire. 

Pour montrer notre bonne volonté, nous avons accepté de participer au groupe de travail créé conjointement par les ministres de la Santé et de l'Agriculture et chargé de trouver une issue acceptable à la question de la place du vin sur Internet. Or l'amendement à la loi de modernisation de l'économie déposé par le sénateur Gérard César (cet amendement n'a pas été adopté par le Sénat, ndlr.), qui participe également à ce groupe de travail a contribué à retarder les travaux de ce groupe. Je suis cependant optimiste quant à l'aboutissement d'une solution de compris entre des intérêts économiques bien compris et une attitude responsable face à un problème de santé publique. 

Alain Rigaud, psychiatre, président de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa).