Eleonore Morlas (Ebay) "Notre ad-exchange propose aux annonceurs des données relatives aux intentions d'achats"

La responsable du display pour 5 marchés de l'e-commerçant en Europe explique comment son ad-exchange se différencie de celui des éditeurs.

JDN. Pourquoi avez-vous décidé de lancer votre ad-exchange ?

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Eleonore Morlas est responsable du display chez Ebay, pour 5 de ses marchés européens. © S. de P. Ebay

Eléonore Morlas. Notre décision de lancer notre ad-exchange en Europe procède d'un simple constat : la bipolarisation d'un marché de la publicité en ligne qui se segmente progressivement, avec d'un côté des opérations spéciales qui valorisent l'image de la marque et de l'autre, l'essor du real-time-bidding, qui réduit la complexité de l'achat et de la mise en œuvre des campagnes. Le RTB, comme en atteste les derniers chiffres de l'observatoire e-Pub réalisé par le SRI et Capgemini Consulting (NDLR : hausse de 146% des investissements vers les ad-exchanges en France en 2012) fait aujourd'hui figure de levier de croissance dans l'industrie du digital. C'est pourquoi nous avons décidé de nous appuyer sur la plateforme REVV de Rubicon Project pour permettre à nos annonceurs d'acheter en temps réel et de manière ciblée sur notre site.

En quoi votre statut d'e-commerçant influence-t-il votre proposition de valeur sur un créneau où l'essentiel de la concurrence est composé d'éditeurs ?

Notre grande force réside dans la data que nous possédons. Là où les sites éditeurs ne peuvent généralement proposer que des données socio-démographiques, nous pouvons nous appuyer sur des données qui préfigurent de véritables intentions d'achat. Nous permettons à l'annonceur de cibler l'internaute selon son parcours sur eBay, en fonction des catégories qu'il a consultées, des produits qu'il a achetés... J'ajouterai que rares sont les sites à pouvoir proposer un ciblage géolocalisé aussi efficace que le nôtre. Les personnes qui s'inscrivent sur eBay ont tout intérêt à communiquer leur bonne adresse si elles veulent être livrées. C'est également une information recherchée par les annonceurs.

Aussi, nous pouvons nous appuyer sur un taux d'engagement moyen largement supérieur à celui des sites éditeurs. Le nôtre avoisinant les 50 minutes par mois, en moyenne, contre 15 minutes pour les autres. Ebay est aussi un site de lèche-vitrine.

Vous avez sans doute quelques contraintes ?

Même si je ne peux pas vous donner de répartition particulière, vous vous doutez bien que nos revenus publicitaires restent une activité secondaire pour notre business. Par conséquent, nous appréhendons ce service avec beaucoup de restrictions. La première, et non des moindres, c'est qu'on ne peut bien évidemment pas laisser un concurrent direct venir faire sa publicité chez nous.  On part du principe que l'utilisateur peut ne pas trouver son bonheur chez nous et que, dans ces cas-là, il est pertinent de lui proposer des publicités cohérentes, en lien avec ses recherches. Pas question, pour autant, de venir cannibaliser notre activité d'e-commerçant en mettant en avant la concurrence.

Nous tâchons également, dans l'intérêt de l'annonceur et de l'internaute, d'assurer dans la mesure du possible une cohérence entre le contexte et la nature de la publicité. Proposer une publicité qui n'a aucun rapport avec la rubrique consultée serait contre-productif. Aussi, nous effectuons un travail de veille permanent sur les créations qui pourraient ne pas rentrer dans nos critères.

Concrètement comment fonctionne votre ad-exchange ?

Pour vous donner un ordre de grandeur, nous distribuons près d'1 milliard d'impressions par mois en France. Dans cet inventaire, seuls les formats d'opérations spéciales et la home ne sont pas commercialisés sur notre ad-exchange. Au final, ce sont donc près de 80% des impressions du site qui sont disponibles en RTB.

Du point de vue de la commercialisation, nous avons décidé de scinder l'ad-exchange en deux avec d'un côté une place ouverte sur laquelle quiconque peut enchérir et, de l'autre, des espaces privés au sein desquels ceux-qui ont ceux qui ont payé pour, accèdent à des impressions qualifiées. Concrètement, on peut imaginer plusieurs maroquiniers enchérir sur un espace privé pour toutes les impressions consultées par des femmes, âgées entre 25 et 35 ans, ayant recherché des sacs à main sur notre site. C'est dans notre intérêt que l'acheteur sache pour quoi il dépense de l'argent, en enrichissant son impression de data propre et fraîche lui permettant un ciblage plus précis.

Vous avez annoncé, à l'instar d'Amazon, un service d'extension d'audience grâce auquel les annonceurs pourront utiliser votre donnée hors d'eBay. N'est-ce pas risquer de galvauder votre atout majeur, la data ?

Je ne suis bien évidemment pas très à l'aise avec l'idée de vendre ces données si précieuses à des tiers. C'est pourquoi nous allons travailler main dans la main avec un trading desk et proposer des "cookies pool" aux annonceurs via un budget qu'ils devront dépenser sur eBay et en dehors d'eBay.  Nous voulons garder le contrôle sur la façon dont la data sera utilisée, d'où notre décision d'opter pour ce genre de partenariat, plutôt que de nous poser comme un simple vendeur de data tierce, afin de ne pas détruire la valeur de nos informations.

Eléonore Morlas est en charge des revenues publicitaires d'Ebay pour 6 marchés européens du groupe (Autriche, Belgique, France, Irlande, Pays-Bas et Suisse). Elle a rejoint l'e-commerçant en 2011, après 4 années passées chez AT Kearney. Elle est diplômée d'HEC.