5G : les opérateurs doivent relever le défi de la valeur ajoutée

Raisonnable, le montant des enchères 5G n'a pas hypothéqué la capacité des opérateurs à déployer leur réseau. Il leur reste toutefois à relever un défi de taille : mettre en œuvre un écosystème 5G porteur de valeur pour les grands comptes.

Jeudi 1er octobre, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) annonçait que la mise en enchères des premières fréquences 5G à destination des opérateurs français a rapporté la somme totale de 2,786 milliards d’euros à l’État. Certains observateurs estiment que cette levée de fonds est insuffisante et que les pouvoirs publics auraient dû faire monter ces enchères. Ils ont tort. Certes, les enchères 5G ont rapporté 6,5 milliards d’euros à l’État italien et à peu près autant à l’Allemagne. Mais on se fourvoierait en considérant ces résultats plus satisfaisants. En réalité, le cas italien était l’exemple à éviter. Pourquoi ? Parce que ce montant de 6,5 milliards d'euros, une somme colossale pour le marché transalpin, est un choix à court terme, celui de disposer immédiatement d’une manne financière. Avec comme conséquence inévitable un déploiement de la 5G plus lent en Italie que dans d’autres pays.

L’État a fait un pari sur l’avenir

L’autorité de régulation française n’a pas fait ce choix. On ne peut que s’en féliciter. La 5G va se révéler coûteuse en infrastructures et nécessiter de transformer le cœur du réseau, avec un investissement bien plus important qu’il ne l’a été pour la 4G de la part des opérateurs. Ainsi, à travers les enchères du 1er octobre — et l’attribution en seulement trois jours de 11 blocs de fréquences — l’État a fait un pari sur l’avenir : celui que les opérateurs pourront déployer rapidement leur réseau 5G. Non seulement ces enchères ont été équilibrées, en étant représentatives des parts de marché des opérateurs (Orange a remporté quatre blocs supplémentaires de 10 MHz, SFR trois, Bouygues Telecom et Free deux), mais elles vont permettre à ceux-ci d’investir. Une marge de manœuvre capitale. Au bas mot, en effet, près de 10 milliards d’euros devraient être nécessaires pour satisfaire l’obligation de couverture en contrepartie de cette allocation des bandes de fréquences : couvrir 25% des besoins en antenne d’ici 2025 sur le territoire français.

Le défi désormais : bâtir un écosystème 5G

Pour les opérateurs toutefois, la vigueur de l’investissement dans le réseau physique ne constitue pas le seul défi. Autre enjeu, de taille : celui de l’écosystème 5G à bâtir. Et cette construction doit se faire dans un but précis : développer des services véritablement porteurs de valeur. Les opérateurs ne pourront pas y arriver seuls. Il va leur falloir nouer des liens avec des structures plus agiles —notamment des start-up bien sûr — afin de déployer des services capables de soutenir la croissance des grandes industries, ETI ou PME/TPE et de séduire le grand public.

Pour Orange, SFR, Bouygues Télécom et Free, il est donc crucial d’investir en R&D sur tous ces sujets, qu’il s’agisse de développer le véhicule autonome ou la télémédecine, pour ne prendre que ces exemples. Et bien sûr favoriser le développement de l’IoT. Une grande partie de cette valeur ajoutée de la 5G devant se porter sur les applications industrielles et BtoB, l’enjeu pour les opérateurs est de renforcer leur partenariat avec les grands comptes afin de développer ensemble ces services innovants. En creux, ils doivent garder en tête leur rendez-vous manqué avec la 4G, autour de laquelle ils n’ont pas su trouver les ressorts pour capter la valeur générée par les applications qui ont exploité les caractéristiques de la 4G, au profit des services OTT (Over the top).

Industriels : la 5G pour gagner la bataille de la modularité

Les opérateurs sont conscients de cet enjeu. Ils ont commencé à des degrés divers à investir sur certains services pour mieux adresser les entreprises. Ainsi Orange, leader sur le marché hexagonal, s’est emparé du thème de la cybersécurité, dans un contexte de nécessaire sécurisation du IT liée à la transformation des organisations l et de recrudescence des attaques.  Or pour un client industriel par exemple, l’intérêt de la 5G réside notamment dans la possibilité qu’elle offre d’intégrer la modularité des outils de production.

Mariées aux nouvelles capacités de débit et de latence, la connectivité et la modularité de l’IoT vont permettre aux industriels d’adapter leur offre de produits et de services quasiment en temps réel aux évolutions de la demande. Différentes expérimentations et proofs of concept sont déjà en cours. L’octroi des bandes de fréquence n’est donc qu’une étape. Ne représentant plus une incertitude pour les opérateurs, elle sécurise leurs investissements et leur ouvre de larges perspectives pour l’avenir, à la condition d’édifier avec agilité cet écosystème crucial.