Après avoir boudé la 5G, les entreprises françaises sont-elles prêtes à voir le monde en 6G ?

Si les contours de la 6G demeurent encore assez flous, des enjeux commerciaux et industriels conséquents sont à la clé.

"S’il y a des équipementiers, des startups ou des laboratoires de recherche européens ou français qui souhaitent investiguer la question, il faut que les choses puissent être faites. Il faut que la France et l’Europe puissent être au rendez-vous pour l'arrivée de la 6G", déclarait le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O en juillet dernier, à l’occasion de la présentation par le gouvernement d’un plan "d'accélération" pour la 5G en France. Ce plan vise à soutenir des projets industriels et à financer la recherche durant les cinq prochaines années, notamment via des investissements publics à hauteur de 735 millions d’euros. 

Si les contours de la 6G demeurent encore assez flous, des enjeux commerciaux et industriels conséquents sont à la clé. Cette intervention du gouvernement montre que la France ne souhaite pas seulement être utilisatrice de la prochaine norme, mais être impliquée dans son élaboration, à travers sa recherche et son industrie. Près d’un an après le lancement commercial de la 5G l’engouement est encore modéré. Comment notre pays compte-t-il embarquer les fleurons de l’industrie hexagonale dans la course à la 6G ?

Rattraper le retard de la 5G

Les usages sur la 6G restent à inventer, mais sont notamment attendues des répliques virtuelles hautement fidèles, des hologrammes de réalité mixte accrue, de multiples robots mobiles et drones, avec des débouchés dans le domaine médical, les villes connectées, les transports autonomes et bien sûr l’industrie. Autant de révolutions qui vont façonner le monde de demain. Toutefois, avant d’entamer la course à la 6G, force est de rappeler que la 5G n’a pas encore remporté l’unanimité chez les industriels. Plus d’un an après son lancement commercial en France, les industriels peinent à utiliser la technologie pour moderniser leurs lignes de production. En cause notamment, les fréquences radio. Selon un rapport de Philippe Herbert, président mission 5G au Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, les industriels n’ont pas eu suffisamment facilité accès à cette ressource critique finalement réservée aux telcos.

Face à ce constat, le rapport a conclu qu’il était nécessaire d’élargir l’accès à des fréquences dédiées pour créer « un appel d’air pour les projets industriels ». Une conclusion prise au sérieux par le gouvernement qui s’est dès lors engagé à revoir les règles d’attribution dans la bande 2,6 GHz. Une stratégie payante puisque depuis début janvier, les ventes européennes de smartphones 5G, dont la France, ont pour la première fois dépassé celles de mobiles 4G, selon les dernières statistiques du cabinet Counterpoint.

Tirer parti du potentiel de la 6G

Alors qu’elles mettent tout en œuvre pour rattraper leur retard vis-à-vis de l’adoption de la 5G, la France et l’Europe sont en parallèle sur le pont pour ne pas manquer le train de la 6G. En mars dernier, la Commission européenne alertait à ce propos que « l’Europe devait à présent investir si elle voulait être à l’avant-garde des réseaux 6G ». En effet, les européens ont bien compris combien la 6G pouvait être un moteur de croissance et d’innovation pour les entreprises. Jumeaux numériques, téléprésence, voiture autonome sont autant d’usages qui viendront donner un coup de fouet à l’industrie européenne et française. Dans ce cadre, la Commission européenne a lancé le 1er janvier dernier  Hexa-X , un projet de recherche sur la 6G. L’initiative, dirigée par les deux seuls équipementiers télécoms européens Nokia et Ericsson rassemble 25 industriels et universités dont l’opérateur français historique Orange. L’objectif ? Ne pas perdre de terrain par rapport aux concurrents internationaux.

Mais au-delà d’une course technologique, les acteurs européens souhaitent tirer partie de la 6G pour répondre aux besoins environnementaux et sociétaux qui se profileront d’ici à dix ans. L’enjeu n’est pas tant de répondre au besoin d’un plus grand débit mais de bénéficier d’un réseau plus résilient, capable de faire face à des circonstances climatiques différentes d’aujourd’hui et qui s'adaptera en temps réel à nos besoins de connectivité ambiante. Selon les chercheurs du projet Hexa X, l’efficacité énergétique sera un critère de conception majeur dans l’élaboration de la 6G qui sera beaucoup plus économe en énergie. Par exemple, elle désactivera les composants et réduira la capacité lorsque la demande sera plus faible. Cet important volet écologique se mettra au service des entreprises qui sont nombreuses à s’être fixées 2030 pour atteindre une totale neutralité carbone de leurs activités.

La 6G s’annonce donc comme une révolution aussi bien numérique que sociétale. Un rendez-vous immanquable pour les fleurons de notre industrie, mais aussi un vaste programme, à l'heure où une partie de la société n'est toujours pas prête à accepter la 5G, et s'interroge sur la réelle nécessité de déployer, encore, un nouveau réseau mobile. Prévue à l’horizon 2030, il reste néanmoins près de huit ans à la 6G pour convaincre les plus réticents.