Quand mécanicien rime avec Européen

Les deux nouveaux patrons de la Grèce et de l'Italie viennent de la techno-structure européenne. Une bonne ou une mauvaise chose ?

Osons ajouter un commentaire à la récente nomination de Lucas Papademos à la tête du gouvernement grec et de Mario Monti à la direction des affaires publiques en Italie. Le premier venant de la Banque centrale européenne (BCE), le second de la Commission européenne (souvent surnommée pour résumer et à tort "Bruxelles" dans les médias).
Voilà donc deux acteurs de la techno-structure européenne chargés de jouer "les mécanos de la générale", les sauveurs des pays les plus fragiles et dangereux de la zone : la Grèce parce qu'elle a mis le feu aux poudres, l'Italie parce que sa déflagration, plus que celle du Portugal voire de l'Espagne, risque de faire imploser tout le système, jusqu'aux Etats-Unis et au Japon.
La première réaction facile est de se gausser en se disant que les institutions dont ils viennent ont plutôt contribué aux fragilités de l'Europe qu'à son renforcement : diktat monétaire sans moyen de peser sur la gouvernance de la zone pour la BCE, diktat de la concurrence et du consommateur (Mario Monti a d'ailleurs été Commissaire européen à la concurrence) au détriment du renforcement d'acteurs économiques européens solides, face aux concurrents des autres pays occidentaux et désormais des émergents, pour la Commission.
Cela est vrai.
Mais envisageons les choses sous un autre angle - avec un peu d'optimisme qui manque tant à nos médias (leur affaiblissement viendrait-il en partie de là) qui passent leur temps à nous annoncer des catastrophes qui finissent par ne jamais arriver à 99%, le 1% restant rimant de Fukushima à Xynthia. Et si pour convertir de gré ou de force la Grèce et l'Italie à la discipline indispensable pour vivre dans une même zone euro - par exemple en arrêtant de ne jamais payer les impôts sous prétexte que les fonds européens s'y substitueront - il ne leur fallait plus compter que sur ces légionnaires de l'Europe, ces hommes versés dans les intérêts supérieurs du continent monétaire plus que dans les intérêts court-termistes et passéistes de leur seule nation ?
Croisons les doigts et faisons en le pari, même si la rue, notamment en Grèce, est très loin de partager cette vision.
Si tel n'est pas le cas, si les mécanos ne peuvent remettre leur train sur les bons rails de l'Europe ou si leurs peuples le refusent, niant au passage les années confortables du début de la zone euro avec des taux d'intérêt plus bas qu'ils n'auraient jamais pu en rêver grâce aux locomotives Triple A comme l'Allemagne, il faudra en tirer les conséquences : l'Union européenne ne sera que la zone de libre échange dont ont toujours rêvé les Anglo-saxons et la zone euro devra se concentrer sur un noyau dur.
Ce jour là, la France devra cravacher pour en faire partie et y demeurer. Les discours actuels de rigueur n'ont pas d'autres buts. Quand au sort de la Grèce et de l'Italie, ce sera une autre histoire, pas forcément triste, comme le film "retour vers le futur", avec une économie plus rurale, moins industrielle, servicielle et commerciale, où le troc, le travail au noir, l'Etat minimal seront les règles.