La BCE abaisse ses taux : le financement des entreprises au cœur du débat

Pour relancer la croissance européenne, le financement de l’économie réelle, et donc des entreprises, est une priorité.

Après l’arrivée du Crowdfunding, l’annonce de l’entrée en bourse d’Euronext et du Plan Ambition ETI 2000 de la BCI, c’est aujourd’hui la Banque centrale européenne (BCE) qui prend le taureau par les cornes avec une décision historique : elle va pratiquer un taux de dépôt négatif afin d’inciter les banques à prêter davantage aux entreprises européennes.

Un taux de dépôt négatif : la mesure « choc » de la BCE

Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé une série de mesures pour contrer les difficultés économiques de l’Union européenne et espérer atteindre les 2 % tant espérés d’inflation. L’une d’entre elles fait particulièrement sensation : la BCE pourrait abaisser à -0,1% son taux de dépôt. Autrement dit, déposer de l’argent à la BCE signifiera pour les banques perdre une partie de leur argent. Une décision historique qui a souvent été évoquée sans jamais avoir été mise en application, mais cette fois-ci, les dés semblent avoir été jetés. Cette politique tranchée vise à inciter les banques à placer leurs capitaux dans les entreprises et les ménages par le biais de prêts bancaires et ainsi aider au financement de l’économie réelle, seule solution possible à la déflation qui menace l’Union européenne.
Jusque là, les entreprises se finançaient principalement grâce aux crédits bancaires, mais les nouvelles règles prudentielles et la contraction des volumes a eu raison de l’indulgence des banques. Désormais, les banquiers sont extrêmement prudents et exigeants, particulièrement sur les dossiers des PME et sur le financement du besoin en fonds de roulement (BFR). Ils préfèrent placer leur argent en sécurité à la Banque centrale européenne. Obtenir un crédit pour une entreprise est devenue un véritable parcours du combattant. « Avec un apport de 15 à 20 % du besoin en financement, six ou sept banques sur dix donnaient leur accord il y a dix ans. Aujourd’hui, c’est au mieux deux ou trois » constate Stéphane Kirsch, associé fondateur du courtier CréditRelax. Si la BCE tente de pallier les nouvelles règles prudentielles des banques, les entreprises sont de leur côté de plus en plus nombreuses à se tourner vers les marchés financiers régulés, alternative aux banques pour le financement de l’économie réelle qui fait ses preuves depuis plusieurs années.

Les marchés financiers réglementés, un enjeu stratégique pour l’industrie

La crise des subprimes de 2008 a démontré que les produits qui ont été créé par certains intermédiaires se sont avérés toxiques. Ces mêmes produits sont d’autant plus risqués lorsqu’ils sont négociés en dehors du marché régulé. C’est ce qui s’est passé lors de la faillite de Lehman Brothers, les banques qui travaillaient alors dans l’opacité sont toujours en train d’essayer d’identifier ces produits toxiques. Pour Dominique Cerruti, « Il faut donc distinguer la finance régulée et transparente – qui a montré qu’elle fonctionnait comme moteur de l’économie – et la finance opaque, extrêmement risquée. » Le positionnement du directeur général d’Euronext à ce sujet ne surprend personne, mais ces arguments n’en sont pas pour autant sans intérêt. Les marchés financiers ne sont pas obligatoirement synonymes d’opacité et de risque pour les entreprises. Les places boursières d’Euronext, parce qu’elles sont réglementées, assurent une transparence qui séduit les investisseurs, et donc les entreprises, intéressées par de nouvelles sources de financements. On assiste à une véritable désintermédiation du système de financement des entreprises. Les contraintes imposées par les banques aux entreprises sont telles que l’option des marchés est clairement à considérer. Certes, les taux sont un peu élevés, mais les investisseurs sollicités dans les appels publics à l’épargne sont attirés par les meilleures rémunérations des marchés, quitte à prendre quelques risques. Des risques mineurs aujourd’hui grâce aux obligations de transparence des informations financières des entreprises imposées sur les marchés européens.
En parallèle, l’IPOd’Euronext, en relocalisant la souveraineté des besoins de financement de l’économie réelle en Europe, pourrait également s’avérer positive pour les entreprises et les investisseurs. D’autant qu’aujourd’hui, les entrées en bourse ne sont plus réservées aux grandes entreprises et des solutions innovantes se développent pour permettre aux PME, ETI et start-up de se financer et par la même occasion, d’aider au financement de l’économie européenne. On observe en effet aujourd’hui une reprise des projets d’introduction en bourse des PME et ETI, principalement du fait d’initiatives comme EnterNext (dont l’objectif est de positionner la bourse comme source de financement de la croissance des entreprises) il y a un an, et la sphère économique européenne commence à prendre conscience de l’intérêt du financement des petites entreprises pour l’économie réelle.
PME, ETI et start-up, des solutions émergent
Jusque là, chercher des investisseurs quand on est une PME, ETI ou start-up s’apparentait à un parcours du combattant. Aujourd’hui, l’introduction en bourse offre de réelles solutions de financement. La désintermédiation du financement se concrétise également par d’autres solutions, comme le crowdfunding. Son principe est simple : mettre en relation presque directe l’entreprise et le particulier, investisseur d’un jour, via une plateforme Internet. Un nouveau mode de financement qui permet de lever jusqu’à un million d’euros et dont le succès est tel qu’une réglementation devrait voir le jour cet été. Une révolution notable dans un secteur dont le pessimisme économique fait souvent la Une des médias.
Selon une étude de la Banque publique d’investissement de France (Bpifrance), les ETI françaises possèdent un « très fort potentiel de croissance ».  Alors que leurs moyens sont largement inférieurs à ceux des grands groupes, elles souffrent cependant des mêmes contraintes réglementaires que les grandes entreprises et trouver des financements leur est ainsi d’autant plus difficile. Face à ce constat, la Bpifrance n’est pas restée insensible et pour ceux qui ne souhaiteraient pas s’introduire en bourse, il y a désormais le plan Ambition ETI 2000 : un investissement de 3 milliards d’euros en fonds propres de la Banque publique d’investissement et l’objectif de doubler le montant de crédits d’ici à 2020.
Face à l’émergence des marchés financiers et de nouveaux vecteurs de croissance comme le Crowdfunding, les banques réagissent et ce sont les entreprises et les particuliers qui s’en frottent les mains.