Le paiement fractionné se refait une jeunesse

Le paiement fractionné se refait une jeunesse Après s'être focalisé sur le commerce en ligne, les acteurs historiques et les fintech se lancent notamment sur le paiement en trois ou quatre fois en magasin.

Payer au comptant ou à crédit, il faut choisir. Ou pas. Entre les deux, il y a le paiement fractionné (en trois ou quatre fois), très populaire dans l'Hexagone. Plus d'un Français sur deux connait ce type de paiement, et 67% d'entre eux l'utilisent, selon une étude menée par Oney. Côté marchands, l'engouement est aussi de mise puisqu'il permet d'augmenter le taux de conversion, renforcer la fidélisation, et réaliser un chiffre d'affaires additionnel. Tout cela grâce à des technologies de plus en plus simples à utiliser. Les acteurs historiques français, Banque Casino, Cetelem, Cofidis et Oney ont beaucoup investi dans des solutions omnicanales et mobiles adaptées à tout type de marchand. "Nous avons fait en sorte qu'il soit aussi simple de payer en quatre fois qu'en une fois", résume Marc Lanvin, directeur général adjoint de Banque Casino, qui compte une centaine d'enseignes clientes et plus de deux millions de clients finaux par an. "On branche un marchand par semaine en ce moment", précise le dirigeant. Son principal concurrent, Oney (rachetée par BPCE en avril dernier), revendique 450 marchands partenaires et 7,6 millions de clients finaux à l'année.

"Nous avons fait en sorte qu'il soit aussi simple de payer en quatre fois qu'en une fois"

Ces acteurs s'adressent majoritairement aux grandes enseignes. Chacun a son flagship : Cdiscount pour Banque Casino, Showroom Privée pour Oney, Amazon pour Cofidis, Ikea pour Cetelem… Les PME, sont quant à elles délaissées. Oney et Banque Casino ont pourtant noué des partenariats avec des éditeurs de solutions de boutique en ligne comme PrestaShop, Magento ou Oxatis. "Cela a moins bien décollé car cela demande de l'assistance", confie Marc Lanvin. 

C'est pourquoi Alma, start-up lancée en début d'année, s'est spécialisée sur le créneau des petites et moyennes entreprises. La solution est très rapide à intégrer (les volumes des PME sont moins importants). Une heure contre 4 à 6 semaines chez les acteurs historiques. D'autres fintech vont bientôt proposer du paiement fractionné pour leur propre compte à en croire Treezor, plateforme de banking-as-a-service derrière des start-up comme Lydia ou Qonto. Elle vient tout juste de mettre à disposition une API de paiement fractionné. "Nos clients fintech sont très friandes du paiement fractionné et du crédit. Ce sont des revenus en plus, les clients sont prêts à payer pour ce service", explique Eric Lassus, CEO de Treezor.

Le paiement fractionné en magasin

Le paiement fractionné rentre aussi progressivement dans le monde physique, qui représente un chiffre d'affaires dix fois plus élevé que l'e-commerce. Depuis plus d'un an, l'application Casino Max propose de payer en 4 fois en présentant son téléphone mobile. "Il est aussi possible de faire du paiement différé. Un peu comme on faisait avec les chèques auparavant", fait remarquer Marc Lanvin. Pour bénéficier de cette solution, le consommateur doit cependant être enrôlé dans l'application et activer la fonction 4 fois. La fintech Pledg, d'abord positionnée sur du paiement partagé, a aussi opté pour une solution intégrée à une application. Elle a par exemple signé avec le Stade Français pour permettre aux spectateurs d'acheter leurs abonnements au guichet en trois ou quatre fois. De son côté, Oney intègre les solutions au système de caisse. C'est le vendeur qui demande quelques informations au client (nom, prénom, numéro de carte bancaire...), sauf s'il est déjà client. Ces différentes initiatives ne sont pas aussi fluides que ce qui est proposé en ligne. Pour avoir une expérience encore plus simple, Oney teste actuellement une solution sur mobile et une autre sur le terminal de paiement mais celle-ci ne sera "pas destinée à tous les parcours", précise Corinne Hochart.

Cetelem propose, quant à lui, une solution opérationnelle qui marche sur les terminaux de paiement. La filiale de BNP Paribas a lancé en mars dernier Cpay, une carte bancaire Mastercard gratuite qui permet de payer en plusieurs fois mais sous forme de crédit renouvelable. Il y a donc des frais pour le client (contrairement au paiement fractionné en général gratuit) mais il peut aller jusqu'à 20 mensualités. Gros avantage de cette solution : le marchand n'a pas besoin d'être partenaire de Cetelem. Depuis le lancement, "les personnes qui ouvrent une carte Cpay sans financement immédiat sont majoritaires sur le site", assure Renaud Ferran, responsable du marketing digital chez Cetelem.

Les spécificités de l'international

Le paiement fractionné devient de plus en plus automatisé, en particulier l'onboarding client. "C'est le nerf de la guerre", lâche Louis Chatriot, qui peut intégrer un client en une demi-heure. "On a pour ambition d'onboarder au maximum les petites entreprises en self-service", explique le dirigeant. Pour les acteurs historiques c'est plus compliqué mais Oney assure "automatiser l'onbaording commerçant pour simplifier la qualification du commerçant et le déploiement chez lui, que ce soit en ligne ou en magasin." En revanche, la filiale de BPCE, a développé une API qui permet à un marchand de proposer du paiement fractionné dans cinq pays de façon simultanée (Belgique, Espagne, Portugal, France et Italie). "Notre usine gère les spécificités des pays. Par exemple, en Belgique, on peut faire du trois fois, mais pas du quatre fois", illustre la DG France d'Oney, partenaire de Décathlon en France et en Espagne.

"Ce n'est pas évident de partir à l'international. On ne peut pas faire un copier-coller"

Les autres acteurs historiques sont franco-français. "Ce n'est pas évident de partir à l'international. Le paiement fractionné ressemble à du crédit, ce qui implique de définir des profils de défaut et de fraude. On ne peut pas faire un copier-coller", estime Louis Chatriot. "Les acteurs européens comme Klarna et Paga Mas Tarde ont du mal à s'exporter. En France par exemple, il n'existe pas de fichier positif des crédits à la consommation, ce qui rend difficile la création d'un moteur de scoring", ajoute le dirigeant. La solution de Pledg est disponible dans sept pays européens, France comprise. "Nous n'avons pas encore de déploiements dans ces pays mais nous sommes en discussions avancées avec des marchands. De plus, nous sommes déjà présents au Royaume-Uni avec notre produit de paiement partagé", indique Benoît Liénart, cofondateur de Pledg.

Aller au-delà du 4 fois

Côté business model, pas de grosses évolutions à venir. Tous les acteurs, anciens et nouveaux, appliquent une commission sur transaction comprise entre 0,5 et 2% pour les paiements fractionnés avec frais (le client a donc aussi des frais) et entre 2 et 4% pour le sans frais (le client ne paie rien, le marchand prend tout en charge). Banque Casino assure être rentable sur cette activité mais "on gagne de l'argent à la marge", précise le directeur général adjoint de Banque Casino, dont la gamme de produits est vaste (crédit, assurances, cartes bancaires…). "Le paiement fractionné n'est pas l'unique levier de rentabilité, de même pour le paiement, de façon générale. L'enjeu est de proposer aux clients des moyens de financement complémentaires, du crédit long", témoigne Corinne Hochart.  

Oney a par exemple lancé un crédit long entièrement digitalisé. En 2018, la filiale de BPCE a testé un crédit affecté, c'est-à-dire que le montant est affecté à l'achat. Elle est actuellement en train de le généraliser auprès de ses marchands partenaires. Banque Casino réfléchit à d'autres solutions qui permettent d'embarquer de plus gros montants et de plus grandes durées. "C'est un casse-tête car il faut être capable de rendre le même service encore plus industriel, être conforme à la réglementation et répondre rapidement au client et au marchand", note Marc Lanvin. Paiement fractionné ou crédit, il faut parfois choisir.

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