MiCA et TFR : une future régulation européenne sur les cryptomonnaies autant applaudie que crainte

MiCA et TFR : une future régulation européenne sur les cryptomonnaies autant applaudie que crainte Le Conseil européen et le Parlement ont trouvé un accord provisoire qui doit encore être définitivement adopté avant de s'appliquer dans toute l'Europe. Pour le meilleur comme pour le pire.

Les discussions auront été âpres et tendues, tant les textes sont importants pour l'avenir de l'écosystème des cryptomonnaies en Europe. Deux accords ont finalement été trouvés ces 29 et 30 juin, respectivement pour les futurs règlements TFR (Transfer of Funds Regulation) et MiCA (Market in Crypto-Assets). Ces deux accords entre la présidence du Conseil européen et le Parlement sur la base des textes proposés par la Commission européenne sont dits "provisoires" car il leur reste à "faire l'objet de la procédure d'adoption formelle", écrit le Conseil.

Provisoires ou non, certains s'en félicitent déjà alors que d'autres sont vent debout contre des textes qui vont, selon eux, mettre à mal l'écosystème des actifs numériques européen.

Que sont MiCA et TFR ?

Le règlement MiCA

MiCA est un projet de règlement datant de plusieurs années. Son objectif est de fixer un cadre juridique clair pour les cryptomonnaies au sein de l'Union européenne. Il est aux actifs numériques ce qu'est le RGPD aux données personnelles. En effet, actuellement, il n'y a aucune harmonisation à l'échelle européenne. Entre le cadre juridique clair de la France et le vide juridique de nombreux autres Etats membres, l'Europe se devait de réagir. MiCA englobera la régulation des actifs numériques, incluant les obligations liées aux plateformes d'échange (vérification d'identité, mesures de lutte anti-blanchiment…), l'émission de stablecoins ou encore la protection des consommateurs.

Le règlement TFR

Si TFR ne s'applique pas aux seules cryptomonnaies, il n'aborde qu'une seule thématique : celle de la lutte anti-blanchiment de capitaux et financement du terrorisme (LCB-FT). L'objectif est de s'assurer que les prestataires de paiement prennent toutes les mesures pour la LCB-FT. Certaines des mesures sont applicables au secteur des actifs numériques, dont la responsabilité incombe principalement aux plateformes d'échange. Si ce n'est pas déjà fait, les plateformes vont devoir renforcer la vérification d'identité de leurs clients résidents de l'UE, ainsi que la vérification de l'origine et de la destination des fonds. C'est notamment ce dernier point qui pose un important problème aux yeux des acteurs du secteur.

Quels sont les changements apportés par MiCA et TFR ?

Les changements apportés par MiCA

Le règlement MiCA est assez large et nous allons seulement vous présenter les éléments le plus importants. Tout d'abord, MiCA s'appliquera aux seuls actifs numériques comme le bitcoin (BTC) ou l'ethereum (ETH), mais pas aux NFTs (tokens non fongibles). En tout cas pour l'instant.

Ensuite, toute entité dont l'activité principale concerne les actifs numériques (achat, vente, conservation, etc.) devra obtenir une autorisation préalable afin de pouvoir proposer ses services dans l'Union européenne. Les autorités compétentes auront trois mois pour délivrer ou non l'autorisation. En d'autres termes, c'est l'équivalent du PSAN en France. Enfin, les stablecoins seront fortement réglementés, limitant drastiquement la possibilité pour une entité européenne d'émettre des stablecoins répliquant l'euro.

Les changements apportés par TFR

TFR s'attachant exclusivement à la LCB-FT, la réglementation s'appliquera quasiment aux seules plateformes d'échange.

Tout d'abord, la plateforme aura l'obligation d'effectuer la vérification d'identité (KYC pour Know Your Custumer) avant toute transaction. En effet, cette vérification d'identité sera nécessaire pour l'ensemble de transactions impliquant les cryptomonnaies, soit dès le premier euro. La plateforme devra ainsi appliquer les règles de la LCB-FT pour toutes les transactions.

Ensuite, TFR s'appliquera aux portefeuilles non hébergés (unhosted wallets), de type Ledger ou MetaMask. Ainsi, dès qu'une valeur de 1 000 euros par transaction est atteinte, la plateforme d'échange aura l'obligation de s'enquérir de l'identité du titulaire de ce portefeuille pour tout transfert depuis ou vers ledit portefeuille. Concrètement, si vous voulez transmettre l'équivalent de 1 500 euros par exemple vers une adresse Ledger depuis une plateforme, cette dernière devra vérifier en amont l'identité derrière l'adresse publique Ledger ou bien refuser la transaction.

MiCA et TFR : la nécessaire séparation du bon grain de l'ivraie

Une évolution attendue pour les consommateurs

D'un point de vue pratique, une harmonisation à l'échelle européenne était nécessaire. En effet, entre un Etat à la réglementation lourde comme la France et d'autres où elle est quasi inexistante comme Malte, il était important d'agir. On pense notamment au PSAN, qui commençait à devenir un problème pour les acteurs français.

Il est également louable de vouloir protéger le consommateur des nombreuses arnaques liées au secteur. Ces dernières pullulent encore sur les réseaux sociaux. Désormais, ces personnes ne pourront plus agir en toute impunité. D'une manière générale, toute mesure prise pour protéger le consommateur face à ces problématiques est importante.

Enfin, on notera également la prise en compte de l'empreinte environnementale du secteur. Cela incitera les acteurs à se tourner de manière durable vers les énergies vertes, en permettant parfois de rentabiliser certaines installations produisant des surplus d'énergie si des partenariats sont noués.

Une réglementation suicidaire selon les acteurs du secteur

Une grande partie de la réglementation, notamment celle de TFR, irrite l'ensemble de l'écosystème des cryptomonnaies. En effet, en voulant axer la future législation sur la LCB-FT, le régulateur omet deux points essentiels. Le premier, c'est que les cryptomonnaies ne sont quasiment pas utilisées à des fins illicites, du fait de la traçabilité de la technologie blockchain. Le second, c'est que ces mesures sont potentiellement inapplicables.

Les acteurs du secteur pointent notamment le cas des portefeuilles non hébergés, qui ne collectent pas de données nominatives lors de la création dudit portefeuille. Comment sera-t-il alors possible de vérifier l'identité de son détenteur ? En outre, il est possible de remonter des transactions suspicieuses grâce aux adresses publiques de ces portefeuilles. Ces mesures étant presque inapplicables, les plateformes pourraient tout simplement interdire ce type de transfert pour leurs clients basés dans l'UE.

Par ailleurs, l'application des mesures de LCB-FT pour toutes les transactions, donc dès le premier euro, est très lourde à mettre en place. Cela va donc renforcer les acteurs importants, qui sont tous basés hors de l'UE.

Enfin, la quasi-impossibilité d'émettre des stablecoins répliquant l'euro renforce indirectement les acteurs non européens, comme Circle avec son EUROC. Si le régulateur européen voulait se tirer une balle dans le pied, il n'aurait pas pu mieux viser.