Trois étapes pour tokéniser ses actifs financiers

Trois étapes pour tokéniser ses actifs financiers La représentation d'actifs financiers sur une blockchain a le mérite d'être clairement encadrée, mais avant de se lancer il faut savoir par où commencer.

La tokénisation d'actifs consiste d'une part en la représentation dans un registre numérique d'un actif financier type action, obligation, dette, ou encore part de fonds , et d'autre part en l'émission de jetons ou tokens adossés à chaque titre. La security token offering (STO), donne le droit à n'importe quelle entreprise d'accéder à un nouveau marché secondaire non coté , tout en optimisant ses flux financiers, en sécurisant ses données et en bénéficiant d'un accès augmenté aux liquidités. Il convient de rappeler qu'en aucun cas une société avec un business model défaillant ne peut raisonnablement se sauver par la simple numérisation de son financement et de son fonctionnement. Pour les autres, le JDN vous indique la marche à suivre :

Se conformer à la réglementation

En fonction de la nature de l'entreprise

Toute société souhaitant procéder à une émission de tokens rattachés à des actifs financiers d'un montant supérieur à 8 millions d'euros doit se conformer à la réglementation Prospectus établie par l'Autorité européenne des marchés financiers. Indépendamment de la nature de la société et du montant levé, celle-ci doit transmettre un document d'information synthétique à l'AMF. Cela nécessite notamment une description de l'activité et du projet, du niveau de participation des dirigeants, des risques afférents au projet ou encore des droits adossés à chaque token. Une interdiction s'applique aux titres de créances ou de capital émis par des organismes de placement collectif qui ne sont pas liés à un dépositaire central comme Euroclear.  Concrètement, cela concerne les titres de capital et de créance rattachés à des actions négociées sur une plateforme non référencée par la directive MiFID 2, aux parts et actions d'OPC non admis aux opérations d'un dépositaire central ainsi qu'aux titre de créance négociables.

En fonction de sa taille et de sa dénomination

Là encore, tout est possible. ETI, PME ou grande entreprise… Toutes ont le droit de procéder à une STO. Le Code du commerce fixe néanmoins une limite dans la mesure où il interdit à une SAS de réaliser une offre de titres financiers au public. Cela implique pour la SAS de se diriger vers un intermédiaire de placement privé ou de basculer en société anonyme sous condition d'un capital minimum de 37 000 euros, d'un accord à l'unanimité des associés et d'un rapport des commissaires aux comptes.

En fonction du montant visé

Toujours selon le Code du commerce, il est possible même pour une SAS de procéder à une offre de financement à la seule condition que le montant ne dépasse pas les 8 millions d'euros. En plus de cela, l'offre doit être adressée à plus de 149 personnes ne pouvant investir plus de 100 000 euros par titre. Les SAS sont soumises à une autre obligation, à savoir que les souscriptions doivent atteindre au moins 75% du montant de l'augmentation de capital annoncé avant l'offre. Cela laisse deux options : se lancer avec incertitude ou étudier des alternatives comme la mise en place d'un compte séquestre pour réaliser la levée en plusieurs fois. Les sociétés à capital variable ne sont quant à elles pas soumises à cette règle des 75%.

Inscrire le registre de mouvement de titres sur DEEP

Intégration de l'historique

Dans l'absolue majorité des cas, la société se dirigera vers un intermédiaire technologique tel qu'Equisafe, MonJuridique.Infogreffe, Talium Assets ou encore MtPelerin, qui se chargera de greffer son client à une infrastructure de marché secondaire. Cela a le double avantage de faciliter l'accès aux liquidités et de se passer d'une maintenance coûteuse au profit d'une formule d'abonnement auprès d'un prestataire. Celui-ci se charge, à la place du client, de vérifier l'exactitude de la table de capitalisation (inventaire des détenteurs de titres rattachés au capital d'une société, ndlr) et du registre de mouvements de titres. "Une table de capitalisation sur deux que nous recevons est erronée", déplore Grégoire Cochet, head of operations de la plateforme de gestion et d'investissement Equisafe. A noter qu'une société ayant un lourd historique de cession de titres ou de mouvement de capital sera plus péniblement encodable qu'une start-up ou qu'une structure nativement digitale.

Actualisation des porteurs de titres

Si la souscription numérique (vérification des informations des souscripteurs et signature des bulletins de souscription) répond aux mêmes exigences que la souscription traditionnelle, elle implique cependant une mise à jour des statuts de la société. Il convient donc d'actualiser l'article consacré à la tenue du registre et de préciser qu'il sera désormais tenu sur blockchain. Procédure de KYC, vérification des cessions de titres, encodage des conditions d'achat et de vente sous forme de smart contracts… Autant de missions qui peuvent être assurées par des prestataires technologiques au nom du client, à la seule condition que le gestionnaire de la plateforme dispose d'une personnalité morale.

Emettre les tokens

La directive MIF pour Markets in Financial Instruments entrée en vigueur en novembre 2016 précise qu'un token rattaché à un droit financier (droit à percevoir des dividendes, à détenir des parts de capital, à revendre ses actifs…) et auquel est rattaché un droit de nature non financière comme le droit de vote, conserve sa qualification financière. Dans la plupart des cas, les tokens émis à l'occasion d'une STO adoptent un format hybride qui comprend un droit financier accompagné d'un droit politique. Qu'il s'agisse d'action, d'obligation, de dette ou de titre de propriété, chaque token peut ainsi être complété par un droit :

  • D'accès à l'information permettant de consulter les rapports de gestion ou les comptes annuels de la société
  • De vote, qui permet aux souscripteurs de participer activement aux décisions stratégiques et aux mises à jour éventuelles des statuts de la société et de son fonctionnement
  • D'usage, qui découle des conditions d'acquisition et de cession des titres définies par la société émettrice. Il est pour cela nécessaire que l'entreprise encode via des smart contracts, les conditions de réalisation des transactions de titres.

Les sociétés émettrices ont ensuite l'obligation d'informer leurs souscripteurs (anciens et nouveaux) des modalités de cotation et d'utilisation des tokens distribués.