Revolut obtient (enfin) sa licence bancaire au Royaume-Uni, un atout pour sa future croissance

Revolut obtient (enfin) sa licence bancaire au Royaume-Uni, un atout pour sa future croissance La jeune pousse britannique va pouvoir étoffer son offre pour offrir des prestations similaires à celle d'une banque traditionnelle, et préparer son entrée en bourse.

Le champagne a très certainement coulé à flots dans les locaux de la néobanque Revolut, situés dans le quartier de Canary Wharf, quartier d'affaires londonien situé sur les bords de la Tamise, aux gratte-ciels modernes et restaurants branchés. Après trois ans d'âpres négociations avec la Prudential Regulation Authority (PRA), le régulateur britannique, la jeune pousse des fintechs a obtenu en fin de semaine dernière sa licence bancaire au Royaume-Uni.

Ce précieux sésame va permettre à Revolut de muscler son offre au Royaume-Uni pour mieux rivaliser avec les banques traditionnelles, par exemple en acceptant des dépôts, proposant des produits d'épargne et des prêts, dont des crédits immobiliers afin de doper ses revenus sur marge d'intérêt en profitant de la montée des taux. La PRA lui a attribué une autorisation avec restriction, qui donne à la société une durée maximale d'un an pour se préparer à déployer ses services, par exemple en recrutant du personnel, attirant des investissements et renforçant ses équipes IT. Une pratique courante au Royaume-Uni.

Une potentielle valorisation à 45 milliards de dollars

"L'annonce d'aujourd'hui est une étape importante pour Revolut et ses clients. Etre une banque au Royaume-Uni constitue une responsabilité importante et nous allons travailler dur pour offrir des produits et services susceptibles d'améliorer la santé financière de tous les utilisateurs de Revolut", a déclaré Francesca Carlesi, qui dirige la branche britannique de Revolut, dans un communiqué.

La licence décrochée par Revolut ouvre également la porte à une future entrée en bourse. En attendant, la néobanque envisage une vente d'actions afin d'obtenir une valorisation de 45 milliards de dollars (contre 33 milliards en 2021 lors de sa dernière levée de fonds). Dans ce contexte, l'annonce tombe à point nommé et renforce les chances de Revolut d'atteindre cet objectif, qui lui permettrait de devenir l'une des fintechs les mieux valorisées au monde et de rivaliser avec Barclays pour le titre de troisième banque britannique, derrière HSBC et Lloyds Banking Group.

D'autant que la jeune pousse vient également de publier ses résultats pour l'année 2023, qui s'avèrent excellents, entre des revenus multipliés par deux d'une année sur l'autre, à 1,8 milliard de livres sterling, et un bénéfice avant impôts de 438 millions d'euros, là où la banque accusait une perte de 25 millions en 2022.

Pourquoi la demande de Revolut a traîné en longueur

Au Royaume-Uni, une licence bancaire est généralement obtenue douze mois après le dépôt du dossier. Revolut a donc dû batailler beaucoup plus longtemps que la normale. A titre de comparaison, l'Union européenne lui a accordé sa licence il y a déjà cinq ans. Des délais qui ont causé quelques frustrations au sein de la direction de Revolut. En mai 2023, Nikolay Storonsky, créateur et dirigeant de Revolut, avait ainsi dénoncé des procédures administratives interminables et une lourde bureaucratie qui entravaient selon lui la possibilité de faire des affaires au Royaume-Uni. Il avait également affirmé ne voir aucun intérêt à lister à la bourse de New-York et envisager de déplacer son siège social aux Etats-Unis.

Si la licence obtenue il y a cinq ans auprès de la Lituanie permettait à Revolut d'opérer dans l'Union européenne, le fait d'obtenir le précieux sésame dans son pays d'origine est un atout important pour la crédibilité de la néobanque, à l'heure où elle mène une stratégie de croissance agressive et cherche à conquérir de nouveaux pays anglo-saxons, en particulier les Etats-Unis et l'Australie. Revolut compte pour l'heure 42 millions de clients dans le monde.

La procédure à rallonge à laquelle Revolut a dû faire face peut surprendre alors que le Royaume-Uni, dirigé par le Parti conservateur jusqu'aux dernières élections de début juillet, se positionne comme une alternative plus "business friendly" à l'UE et chérit son écosystème fintech, le deuxième au monde en matière de financement des start-ups derrière les Etats-Unis. Parmi les éléments qui ont ralenti la procédure, figure notamment le fait que l'entreprise a demandé sa licence alors qu'elle avait déjà atteint une taille conséquente, là où sa rivale Munzo, qui l'a fait bien plus tôt, l'a obtenue plus rapidement.

Des problèmes de reporting et de comptabilité ont également été soulevés par les auditeurs, retardant l'entreprise dans la publication de ses comptes annuels : ceux de 2021 avaient été publiés en mars 2023, et ceux de 2022 fin 2023. Which?, un groupe de consommateurs britanniques, a également critiqué l'approche de Revolut pour rembourser ses utilisateurs victimes de fraude.

Afin d'accélérer le processus, la jeune pousse a nommé Francesca Carlesi pour diriger sa branche britannique en novembre dernier. Ancienne de la Deutsche Bank et fine connaisseuse de l'industrie bancaire, elle a déployé d'importants efforts pour défendre la crédibilité de Revolut auprès du régulateur britannique. Dans un contexte de campagne électorale, elle s'est également rapprochée des politiques, participant par exemple en juin à un événement organisé par le parti travailliste, durant lequel Keir Starmer et Rachel Reeves, respectivement désormais premier ministre et chancelière de l'échiquier, ont exposé leur stratégie autour de l'économie et des régulations.

"Nous devons nous assurer que le Royaume-Uni ne soit pas seulement un bon endroit pour lancer une start-up, mais aussi pour créer des leaders mondiaux", déclarait Francesca Carlesi lors de l'Innovate Finance Global Summit (IFGS), à Londres, en avril dernier. 

Un écosystème fintech britannique toujours vigoureux

Si le Brexit a un temps suscité la crainte de voir Londres perdre son statut de capitale financière européenne au profit de paris ou Francfort, l'écosystème fintech britannique a fait preuve d'une surprenante résilience. "Le Royaume-Uni détient 10 % de parts de marché mondiales sur les fintechs. En matière de financement, l'écosystème britannique est en deuxième position derrière les Etats-Unis, et devant toute l'Europe combinée. Ce dynamisme profite à toute l'économie : plus de 60 % des petites et moyennes entreprises britanniques ont désormais recours aux fintechs pour se financer", affirmait ainsi Janine Hirt, directrice générale d'Innovate Finance, lors de l'IFGS.

Le gouvernement britannique a notamment fait preuve de pragmatisme en permettant à l'industrie de continuer à facilement faire venir des talents de l'étranger : un dispositif de visas spécifique, les "scale up visas", a notamment été mis en place pour permettre aux travailleurs des entreprises à forte croissance de bénéficier de procédures administratives accélérées. La Financial Conduct Authority (FCA), le gendarme de la bourse britannique, a également lancé des initiatives qui ont bénéficié à l'industrie, comme le projet Sandbox, démarré en 2016 pour permettre aux acteurs des fintechs de tester des solutions innovantes auprès d'une quantité limitée de consommateurs, avec des garanties quant à la protection de leurs données.