Philippe Taboret (Cafpi) "Les taux d'intérêt sont historiquement bas, il faut savoir en profiter"

Le directeur général du courtier en crédit conseille aux Français de sortir de leur attentisme : selon lui, les prix ne vont pas chuter, mais seulement s'ajuster.

Le directeur général du courtier spécialisé dans les crédits immobiliers met les ménages en garde : les taux ne seront pas toujours aussi bas. Pour Philippe Taboret, c'est le bon moment pour contracter de nouveaux prêts ou renégocier, voire racheter les anciens. D'autant que selon lui, les acheteurs ne doivent pas s'attendre un effondrement des prix immobiliers mais à un simple ajustement.

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Philippe Taboret, directeur général de Cafpi. © Cafpi

JDN. Aujourd'hui, les taux d'intérêt sont historiquement bas. Vont-ils le rester en 2013 ?

Philippe Taboret. On est actuellement aux alentours des 3% à taux fixe sur l'ensemble des durées. Sur 20 ans, on trouve même des taux inférieurs. Pour l'instant, il n'y a aucune raison de croire qu'ils vont remonter. A court terme, ni les taux courts ni les taux longs de référence pour les banques ne le laissent à penser. Cependant, comme nous sommes sur des seuils très bas, un retournement de situation n'est pas exclu. Peut-être dans trois mois, peut-être dans six mois... Si un évènement européen, comme celui qu'on a connu à Chypre, se reproduit, l'inflation grimperait et les taux pourraient repartir. Il faut donc savoir en profiter.

Est-ce que les ménages en ont conscience ?

Depuis quatre mois, il y a effectivement un engouement pour la renégociation ou le rachat des crédits. Le meilleur moyen, c'est d'aller voir une autre banque ou un courtier pour obtenir une baisse du taux d'origine. Pour que ce soit rentable de revisiter son crédit, il faut remplir deux des trois conditions suivantes : l'écart entre le taux actuel et celui d'origine doit être d'au moins un point, la durée du montant restant dû en crédit doit être d'au moins 10 ans et le capital restant dû d'au moins 100 000 euros. Aujourd'hui, nous sommes à un point d'écart avec les taux d'il y a un an. Si on part sur une base de sur 200 000 euros sur 20 ans, ça représente une économie de 50 euros par mois et de 15 000 euros sur le coût du crédit. Autre possibilité : les ménages peuvent choisir de ne pas alléger leurs mensualités mais de raccourcir d'un an et demi la durée du prêt. Ou encore augmenter le montant de leur crédit pour financer des travaux qu'ils n'avaient pas pu faire auparavant et donner de la plus-value à son bien. Les gens ont bien compris qu'ils pouvaient réaliser de belles opérations en profitant des taux d'intérêt très bas et aussi négocier les prix d'achat, les vendeurs étant parfois pressés. Au 1er trimestre 2013, on observe d'ailleurs un retour des nouveaux candidats à l'accession à la propriété par rapport au 1er trimestre 2012.

"En renégociant aujourd'hui un emprunt de 200 000 euros sur 20 ans, on économise 15 000 euros sur le coût du crédit"

Les taux d'intérêts étant bas, les prix devraient repartir à la hausse. Mais comme le marché des transactions est bloqué, ne va-t-on pas justement vers un effondrement des prix ?

Aucun risque ! Les théoriciens de l'apocalypse se trompent tous. Le marché de l'immobilier est singulier : il apporte toutes les garanties à une famille pour se protéger contre la difficulté de la vie et pour préparer sa retraite. Mais comme tout autre marché, le marché de l'immobilier est avant tout commercial, avec une offre et une demande. Or, en France, contrairement à ce qui s'est passé dans les pays où les prix se sont effondrés, il n'y a pas assez de logements pour tout le monde. On manque d'offre. Il y a donc toujours une attente de logements, un besoin et une demande.

Il y a pourtant une baisse du nombre d'acheteurs...

C'est vrai. Il faut dire que la situation est anxiogène : le chômage a augmenté, des élections ont eu lieu l'an dernier et il n'y a plus d'aides pour les primo-accédants les plus fragiles. Cela explique le retournement de la demande et le rééquilibrage des prix à la baisse. Mais ce n'est pas grand-chose : ils ont diminué de 1,5% en 2012. Cette année, on anticipe une baisse de 3 à 5%. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un effondrement. On est bien loin des 30 à 40% préconisés par certains. Si ça s'est produit dans les années 1990, c'était à la suite d'une période spéculative. Aujourd'hui, 80 à 85% des biens en France sont la propriété de personnes qui habitent. Ils ne vont tout de même pas remettre leurs biens sur le marché sous prétexte que les prix baissent ! Donc il n'y aura pas d'effondrement des prix, sauf si un évènement inquiétant faisait remonter les taux d'intérêt. Dans ce cas, la compensation se ferait par les prix. Le seul moyen de faire baisser les prix en France, c'est de construire. Il manque encore 1 million de logements. Tant qu'on sera dans un déficit d'offre par rapport à la demande, les prix resteront tendus.

"Le seul moyen de faire baisser les prix en France, c'est de construire"

Les mesures annoncées par François Hollande dans son plan d'urgence pour le logement vont-elles réussir à redresser la barre ?

Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles ne suffisent pas. Libérer du foncier, c'est évidemment une bonne chose, surtout dans les zones tendues, pour permettre aux promoteurs de construire. Mais il faut surtout baisser le prix du foncier. Le coût élevé du neuf n'est pas un coût décidé mais un coût subi. Il faut simplifier les règles de l'urbanisme, c'est d'ailleurs tout l'enjeu du choc de simplification, et réduire les recours contre les permis de construire qui freinent considérablement la construction. Mais ça ne suffit pas. On ne peut pas faire du neuf si on ne libère pas l'ancien. Il faut que la chaine du logement tourne. Il faut donc aider l'ancien. C'est pourquoi on essaie de pousser au retour du PTZ pour financer des travaux énergétiques. Il faut permettre aux primo-accédant les plus fragiles de franchir le premier cap dans l'ancien. Quand ils achèteront dans l'ancien, d'autres vendront et se dirigeront plutôt vers le neuf.

"On a beaucoup critiqué le Duflot, mais tous les promoteurs finissent par dire que c'est un bon process"

Pour finir, en matière d'investissement, que pensez-vous du Duflot ?

On a beaucoup critiqué le Duflot, plus social que le Scellier à certains égards. Mais tous les promoteurs finissent par dire que le Duflot est un bon process qui permet à l'investisseur d'avoir la certitude d'acheter au bon endroit, puisque maintenant c'est uniquement dans les zones tendues qu'il y a de la demande. Concernant la déduction fiscale, elle est plus intéressante que celle du Scellier, qui était à 18%. En tant qu'intermédiaire, je me suis aperçu que le Duflot s'adresse à des investisseurs qui sont dans une situation inférieure à celle d'avant : ce sont plus des classes moyennes et ils cherchent moins à réduire leurs impôts qu'à sécuriser leur avenir et préparer leur retraite.