La baisse des prix de l’immobilier d’habitation à Paris est-elle durable ?

Depuis septembre 2012, le prix du mètre carré d’habitation à Paris a baissé de 6,5% (source : Indices Notaires - INSEE à base trimestrielle.) Certains voient dans cette baisse le signal que le moment d’acheter est venu, d’autres estiment que le mouvement est durable. Comment l’interpréter ?

Dans quel contexte s’inscrit la baisse actuelle de l’immobilier parisien ?

Le prix au m² d’habitation à Paris a été multiplié par 3,75 entre mars 1998 et septembre 2012, soit une progression de 9,55% par an (source : Indices Notaires - INSEE à base trimestrielle.) Sur la même période, l’inflation a été de 1,6% par an. On constate donc, durant cette période, un fort écart entre valorisation des actifs immobiliers parisiens et l'inflation. L’immobilier d’habitation a pour vocation de loger ses résidents. Il est donc utile de s’interroger sur les effets de la hausse de l’immobilier des années 2000 sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages.

Jacques Friggit, économiste au Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) est spécialiste de la question. Il est à l’origine d’un indice des prix des logements rapporté au revenu par ménage (graphe ci-dessous).

Que nous apprend Jacques Friggit ?

De 1965 à 2000, l’indice a évolué entre 0,9 et 1,1, soit une très grande régularité. Le prix des logements progressait, mais les revenus des ménages aussi et dans les mêmes proportions. Le ratio du prix des logements rapporté au revenu par ménage évoluait dans un tunnel horizontal. Cette régularité est d’autant plus intéressante qu’elle est observée dans des périodes où les conditions de financement (taux d’intérêt, durée des prêts immobiliers, inflation, démographie, prix de l’immobilier...) n’ont pas été constantes. Depuis 1998, la Courbe de Friggit s’est envolée et a crevé le plafond du tunnel. Le prix des logements a augmenté nettement plus vite que le revenu des ménages.

Comment une telle hausse a-t-elle été rendue possible ? En premier lieu les ménages ont accordé une part plus importante de leurs revenus au logement ; les dépenses moyennes de logement ont, en effet, augmenté de 46% entre 1996 et 2006 pour les propriétaires accédants parisiens, selon l'Insee. En second lieu, les conditions des prêts immobiliers se sont fortement assouplies (baisse des taux d’intérêt, augmentation de la durée d’emprunt...). Les prix de  l’immobilier parisien n’ont cependant pas toujours connu une pente haussière.

A quand remonte la dernière baisse de l’immobilier parisien ?

Le graphique ci-dessous montre l’évolution des prix de l’immobilier d’habitation parisien comparée à l’inflation (source : INSEE.).


Entre mars 1991 et mars 1998, le m² d’habitation à Paris a perdu plus de 36%. La baisse a duré sept ans. La baisse en cours dure depuis trois ans. Une baisse significative de l’immobilier parisien sur une durée relativement longue s’est vu dans l’histoire et est donc possible.

Quels seraient les paramètres pour que les prix repartent à la hausse ?

De nombreux facteurs pourraient engendrer une hausse des prix. Citons, par exemple, une baisse des taux d’emprunt, une augmentation de la durée des crédits, une hausse de l’inflation, des loyers, des revenus des ménages … On a vu que la hausse des années 2000 avait été rendue possible par l’assouplissement des conditions d’emprunts. Or, depuis l’année 2012 :

-               Les prix de l’immobilier parisien baissent

-               La baisse des taux d’intérêt s’est accélérée.

Ainsi l’OAT 10 ans est passée de 2,23% au 28 septembre 2012 à 0,8% au 1er juin 2015 (source : Agence France Trésor.) Cette baisse s’est répercutée sur les taux d’emprunts immobiliers. La baisse des prix n’est donc pas à rechercher dans un durcissement des conditions d’emprunt, la solvabilité des investisseurs s’étant améliorée.

A l’étranger, les prix ont beaucoup plus baissé

Le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable publie un indice du prix des logements rapporté au revenu disponible par ménage dans des pays étrangers (graphique ci-dessous). 

Ces indices montrent, depuis 2008, un retour à la moyenne des prix des logements rapporté au revenu disponible par ménage dans les pays où les prix avaient le plus augmenté. Un pays est en retard dans ce mouvement : la France…