Airbnb : le droit européen au secours des propriétaires ?

Le 17 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la suspension, pour toutes les affaires en cours, des demandes de condamnation au paiement d'amendes dites "Airbnb". Cette décision intervient suite à la saisine de la CJUE par la Cour de Cassation.

Actuellement, la mise en location d’un bien en meublé de courte durée est limitée à 120 jours par an pour les résidences principales. Par ailleurs, si le bien n’est pas la résidence principale du propriétaire, celui-ci devra faire une déclaration en mairie (article L324-1-1 du code du tourisme) et régulariser un changement d’usage car le bien n’est plus considéré comme étant à usage d’habitation, mais à usage commercial (article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation).

Les modalités du changement d’usage sont fixées par des délibérations des conseils municipaux (et soumises au règlement de copropriété le cas échéant). Dans certaines communes (communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne), le dispositif peut être renforcé par la mise en place d’une autorisation préalable et d’une exigence de compensation (pour 1 bien transformé à usage commercial, il faut transformer un bien à usage d’habitation). Paris, Lille, Lyon, Bordeaux ont notamment mis en place ce dispositif.

A défaut de se conformer à ces formalités, le propriétaire encourt une amende civile d’un montant maximum de 50 000 euros par bien (Article L651-2 du code de la construction et de l’habitation). Ce dispositif, est toutefois en sursis.

En effet, le 15 novembre 2018, la Cour de Cassation (Cass.civ3 n°17-26156) a soumis à l’appréciation de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE) la validité du dispositif au regard de la directive européenne du 12 décembre 2006 (2006/123/CE), qui pose en principe la libre circulation des services et encadre donc les régimes d’autorisation.

Le 17 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par la ville de Paris qui réclamait une amende de 50 000 euros à l’encontre de propriétaires qui n’avaient pas demandé le changement d’usage, a décidé de réserver sa décision dans l’attente de la position de la CJUE. Cette décision est cohérente, puisque si la CJUE invalide la réglementation française, alors les demandes de la ville de Paris devront être purement et simplement rejetées.  

Toutefois, cette suspension ne préjuge pas de l’illégalité du dispositif français. La CJUE doit statuer sur le point de savoir si les services immobiliers entrent dans le champ d’application de la directive. Par ailleurs, la directive n’interdit pas, en tant que telle, la mise en place d’autorisations qui demeurent valables, dès lors qu’elles sont conformes à certains critères. La CJUE est donc amenée à étudier le respect, par la réglementation française, de ces critères.

Pour l’heure les procédures engagées par les communes pour sanctionner une absence de changement d’usage sont vouées au même sort que celle initiée par la ville de Paris : un renvoi sine die à la décision à intervenir de la CJUE. Toutefois, tant qu’il n’est pas officiellement invalidé, le dispositif français demeure applicable et les communes peuvent parfaitement engager ces procédures.

Enfin, en toutes hypothèses, l’obligation de déclaration en mairie demeure pleinement applicable et n’est pas concernée par ce sursis, en ce qu’elle résulte de dispositions du code du tourisme qui, elles, ne sont pas visées par la question préjudicielle posée à la CJUE.