Bertrand Gstalder (SeLoger) "SeLoger a sorti en trois semaines un outil vidéo pour faire patienter les acheteurs"

Suite de notre série d'interviews de dirigeants face à la crise du coronavirus. Aujourd'hui, le président du directoire de SeLoger revient sur l'impact du Covid-19 sur les sites d'annonces immobilières du groupe, dont SeLoger.com et Logic-Immo.com.

JDN. Comment le trafic de SeLoger a-t-il été impacté par la crise ?

Bertrand Gstalder, président du directoire du groupe SeLoger. © SeLoger

Bertrand Gstalder. Les huit premiers jours de confinement, nous avons enregistré une baisse de 40% du trafic par rapport à la semaine précédente. C'est un chiffre qui correspond à la tendance générale sur le marché, y compris à l'international. Le confinement a un impact direct sur le trafic : les gens doivent s'organiser, ils ont des urgences à gérer. Mais cette tendance s'améliore depuis début avril : nous sommes repassés à -30% par rapport à la semaine pré-confinement (au 10 avril 2020, ndlr). Le trafic en provenance des moteurs de recherche progresse de nouveau. Ce regain d'intérêt est palpable dans les données d'engagement de nos utilisateurs également : les inscriptions aux alertes emails progressent de 20 à 30% par rapport à la semaine du 30 mars et le nombre d'ajouts en favoris est en progression par rapport à avant le confinement. Ça montre que les gens préparent la suite. Mais on peut aussi analyser tout ça d'une autre manière et se dire que 70% du trafic perdure, ce qui indique, là encore, que les gens sont en veille par rapport à leur projet immobilier. Dans le détail, il y a deux marchés qui réagissent avec une dynamique de reprise plus forte en termes de trafic : le marché du luxe, ce qui peut s'expliquer par le côté "évasion" de la recherche, et celui de la construction de maisons, qui est un marché de plus long terme et qui peut bénéficier du fait qu'on dispose de plus de temps en période de confinement pour travailler sur son projet.

Quel impact sur la génération de leads ?

Le volume de mise en relation avec les agents immobiliers a bien sûr été fortement impacté mais il ne s'est pas complètement tari. Les gens savent que les agents immobiliers sont toujours à leur disposition en télétravail et qu'ils peuvent les contacter par téléphone. Le volume de mise en relation avec les agents immobiliers a baissé dans les mêmes proportions que le trafic. Les taux de transformation, eux, sont équivalents à la période pré-confinement.

Vos clients, notamment les agences immobilières, sont sérieusement impactés. Comment vous préparez-vous aux répercussions que cela suppose sur votre activité ?

"Le trafic remonte et les données d'engagement de nos utilisateurs s'améliorent"

Pour limiter les impacts, nous avons lancé un plan de solidarité vis-à-vis de nos clients, qui leur permet d'une part de reporter le paiement des échéances passées pas encore réglées sur le deuxième semestre 2020 de manière étalée, et d'autre part de bénéficier de la gratuité du mois d'avril. Cela représente un effort financier de 30 millions d'euros pour le groupe SeLoger.

D'autres dispositifs sont-ils dans les tuyaux ?

On pourrait imaginer faire bénéficier nos clients d'offres commerciales attractives pour leur permettre de bien préparer la reprise. Etre présent au moment de la relance, ça demande aussi d'avoir les bons outils, les bons supports. Par exemple, pour les clients qui passent soit par SeLoger soit par Logic-Immo, on pourrait leur proposer de profiter d'offres duo afin d'avoir plus de puissance et de force de frappe dans leur commercialisation. Pour le bénéfice de leurs vendeurs et pour eux, pour leur capacité à vendre.

Nous avons également mis en place un accompagnement plus opérationnel, au travers de formations, avec des webinars gratuits permettant aux clients de se former sur les outils que nous mettons à leur disposition dans le but, là encore, d'être plus efficace à la reprise.

A combien estimez-vous l'impact de la crise sur votre chiffre d'affaires ?

"Nous avons mis en place un plan de solidarité pour nos clients, qui représente un effort financier de 30 millions d'euros pour le groupe"

L'impact sera significatif sur notre chiffre d'affaires de l'année, c'est certain, quel que soit le scénario. Son amplitude dépendra de la durée du confinement et des modalités de reprise du marché. Avec un déconfinement au cours de la première quinzaine de mai, comme annoncé par le président de la République, le marché pourra retrouver de la vigueur assez rapidement. Je fais référence au volume de transactions, que ce soit à la vente ou à la location.

Quel a été l'impact organisationnel sur le groupe SeLoger ?

Nous avons dû arrêter certaines de nos activités, comme le magazine Logic-Immo, qui ne pouvait plus être distribué. L'activité a donc été mise en sommeil depuis la semaine du 15 mars, avec une mise au chômage partiel des équipes concernées, soit une quarantaine de personnes. C'est aussi le cas des forces commerciales, puisque nous avons enregistré une baisse de 95% sur cette activité. Les équipes restent toutefois fortement mobilisées sur la partie accompagnement des clients. Le reste des effectifs est en télétravail depuis le 16 mars. Nous avions anticipé vu la direction que les chose prenaient après la première allocution du président de la République. Les grèves nous avaient déjà préparés à ce mode de travail. En novembre 2019, j'avais validé l'achat de 250 PC portables. Donc l'effort supplémentaire pour passer quasi tout le monde en télétravail était une marche un peu moins haute à monter. Nous disposons également des outils collaboratifs qui nous permettent d'échanger ensemble facilement.

Est-ce que la crise a accéléré certains projets de développement ou au contraire en a freiné d'autres ?

"Nous avons dû arrêter momentanément certaines de nos activités, comme le magazine Logic-Immo"

Nous avons développé en trois semaines un outil spécialement pour ce contexte. Elle est disponible depuis le vendredi 10 avril et permet au propriétaire, à qui on a donné des guidelines, de faire une vidéo à partir de son smartphone et de l'envoyer, par WhatsApp ou autre, à l'agent immobilier, qui peut ensuite l'uploader via son application mobile MySeLoger Pro et la rendre disponible sur l'annonce. Ça permet de faire patienter les acheteurs. Mais c'est aussi un enjeu au-delà de la crise. Là où il y a peu de vidéos aujourd'hui, je pense qu'on en aura davantage à l'avenir. Ces vidéos amateurs représenteront un gain d'efficacité pour les agents immobiliers qui n'auront pas besoin de faire se déplacer un professionnel, ce qui peut évidemment être une bonne chose pour une annonce, mais qui coûte plus cher.

La crise va-t-elle avoir un impact sur vos investissements ?

Cela va dépendre de l'intensité de la baisse d'activité de notre marché. Si elle est forte, cela va avoir un impact direct sur nos investissements, puisque nous devrons geler les recrutements, ce qui aura forcément des retentissements sur notre capacité d'investissement.

Quel sera le niveau de cette baisse d'activité selon vous ? Etes-vous confiant ?

Vu la sortie du confinement annoncée à partir du 11 mai, je suis confiant sur la reprise du marché. La confiance des marchés reviendra vite. La capacité des entreprises sera certes affectée mais pas de manière rédhibitoire. Les gens travailleront certainement plus tard cette année et pousseront jusqu'au 10 août. Par ailleurs, le gouvernement a revu sa copie sur les délais dans les domaines de l'urbanisme, de la construction et de l'immobilier afin de ne pas mettre des freins supplémentaires à la reprise d'activité, ce qui va dans le bon sens. Les deux tiers de notre activité ont été conservés malgré le confinement total et nous sommes dans une dynamique de progression, ce qui me rend plutôt optimiste. Donc dans une perspective de sortie rapide du confinement, la tendance est plutôt encourageante.

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