Sébastien de Lafond (Meilleurs Agents) "Meilleurs Agents retrouve son rythme de conquête de clients"

Le président du site d'informations immobilières, qui met en relation des vendeurs et des professionnels de l'immobilier, voit la crise actuelle comme une opportunité d'accélérer la digitalisation du métier d'agent immobilier.

Sébastien de Lafond est le président de Meilleurs Agents. © MA

JDN. Quel a été l'impact du confinement sur l'activité de Meilleurs Agents ?

Sébastien de Lafond. Nous étions partis sur les chapeaux de roue cette année. Notre objectif était de réaliser 45% de croissance sur l'année et nous étions en train de le dépasser au premier trimestre. Evidemment, tout ça s'est arrêté. La conquête de nouveaux clients a été réduite de 60%. Il y a eu 10 jours pendant lesquels plus rien ne s'est passé, mais c'est reparti très fort à partir de la fin du mois de mars.

Quelles actions avez-vous mises en œuvre ?

Nous avons reconfiguré notre offre, fait des essais sans engagement, des bundles. Nous avons eu de la chance niveau timing : début mars, nous avions sorti un nouveau produit, baptisé "Connect, qui permet aux agences d'envoyer un mail par notre intermédiaire à des vendeurs identifiés. Les agences leur disent "Pour votre type de biens, nous avons l'équipe qu'il faut, les acheteurs, et nous aimerions estimer votre bien". Meilleurs Agents se positionne en tant qu'intermédiaire de confiance par lequel transite ce message. Nous travaillions sur cette fonctionnalité depuis six mois. On projetait d'avoir 1 000 clients en avril 2020 et nous les avons atteints. Au cours d'un mois normal, Meilleurs Agents gagne 300 nouvelles agences clientes. Nous en avons 12 000 sur les 25 000 agences immobilières en France. Pendant 10 jours, rien ne s'est passé Ensuite nous nous sommes mis à en gagner 15 clients par jour. Nous retrouvons donc notre rythme de conquête de clients, grâce à Connect qui présente Meilleurs Agents comme le prolongement de la vitrine des agences immobilières. Plus encore, aujourd'hui, c'est le moyen de continuer à exister. Cela permet aux agences de faire de la prospection digitale en période de confinement. Nous avons également permis aux agences de repousser le paiement de leurs échéances d'avril et de mai en septembre et octobre. Nous adapterons si besoin cette mesure en fonction de la crise. Nous avons également développé un programme de formations en ligne qui, dans ce contexte de confinement, rencontrent un franc succès.

"Nous avons de la chance que cette crise soit arrivée quand nous étions en pleine forme"

Quel a été l'impact sur votre trafic ?

Nous avons enregistré -30% d'estimations la première semaine du confinement par rapport à celle qui l'a précédée et -40% sur le trafic. Sur un an, nous sommes tout de même à +30% de croissance de l'audience. Nous sommes à 1,7 million de VU et 250 000 estimations par mois, c'est le trend actuel. Nous avons de la chance que cette crise soit arrivée quand nous étions en pleine forme. Lorsque le marché va revenir, les perspectives de développement seront retardées mais pas entamées.

Quel a été l'impact de la crise en termes organisationnels chez Meilleurs Agents ?

Nos 300 salariés ont été basculés en télétravail dès le lundi 16 mars. Nous avons pris des mesures de chômage partiel, qui concernent 20% du personnel. Mais nous avons conservé une capacité opérationnelle, car nos clients ont besoin de nous. Il faut les aider à utiliser leur vitrine. Nous travaillons au lancement de nouvelles offres de services, quitte à ce qu'elles soient gratuites. Le cœur de notre offre réside dans la récupération de mandat, la prospection des vendeurs. Même si ça ne génère pas de chiffre d'affaires, ce qu'on fabrique surtout, ce sont des offres qui permettent à nos clients de ne pas sortir du marché maintenant.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces nouvelles offres de services ?

Nous travaillons au lancement d'une fonctionnalité à destination des particuliers et qui concerne la prise de renseignement sur les prix des biens vendus auprès des agences. Le service existe déjà, mais il faut demander le prix des biens aux agences qui les ont vendus annonce par annonce. Avec cette nouvelle fonctionnalité, le particulier aura accès à l'information qu'il aura demandé à un groupement d'agences pour un pack de transactions en fonction de celles qui l'intéressent. En contrepartie, les agents immobiliers concernés pourront le contacter. C'est un meilleur service des deux côtés : une meilleure information pour le particulier et un gain de temps pour l'agent immobilier puisqu'il sait quel type de biens intéresse le particulier qui le contacte. Ce nouveau service est en train d'être finalisé.

Est-ce que la crise a remis en cause la priorisation de certains projets ?

Tous les feux sont sur Connect. On enregistre une demande très forte de la part des mandataires, très sous-représentés chez Meilleurs Agents jusqu'à aujourd'hui. Peut-être qu'ils se rendent davantage compte de l'importance d'avoir une vitrine digitale. Notre projet international sur l'Allemagne (Meilleurs Agents est désormais la propriété du groupe allemand Axel Springer, ndlr) n'est pas ralenti. Nous travaillons à construire des outils de carte de prix et d'évaluation. Le site de petites annonces Immowelt a moins souffert que ses homologues en France. La dynamique est toujours assez bonne là-bas.

"Nous travaillons au lancement de nouvelles offres de services, quitte à ce qu'elles soient gratuites"

Quel scénario de reprise du marché privilégiez-vous ?

La reprise du marché se fera en U et non pas en V. Il y a un gros trou dans lequel nous allons rester un peu de temps et remonter graduellement, avant une normalisation de l'activité à l'automne. Sur le marché immobilier, les pertes sont estimées entre 200 000 et 300 000 transactions par rapport à ce qu'aurait pu être l'année 2020. La perte nette sera moindre, car une partie de ces transactions seront reportées sur 2020, mais 150 000 ventes ne se feront pas, parce que les gens auront perdu confiance ou perdu en pouvoir d'achat. Nous prévoyons donc une perte de chiffre d'affaires de 6 millions d'euros sur l'exercice et avons donc réduit nos coûts de 6 millions d'euros. Nous avons gelé nos recrutements et diminué, voire annulé nos dépenses publicitaires ainsi que les budgets non essentiels.

Dans quel état d'esprit êtes-vous par rapport à l'avenir ?

Je suis plutôt optimiste. Il ne faut pas qu'on loupe ce rendez-vous qui constitue une opportunité d'avancer dans la digitalisation du métier d'agent immobilier. Utilisons ça comme un moment pour prendre la mesure de l'opportunité digitale.

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