Immobilier de bureau : les start-up vont-elles tuer le bail 3-6-9 ?

La crise sanitaire et les confinements ont créé un manque de visibilité tel que les start-up ne souhaitent plus signer de baux en 3-6-9 pour accéder à des bureaux. A l'heure où tous les secteurs sont bouleversés par la nouvelle donne numérique et l'innovation, la rigidité du système français d'immobilier de bureau ne peut plus durer. L'heure est désormais aux contrats de location et aux services sur-mesure.

Explosion du télétravail, avènement du flex-office, nouvelle organisation des espaces : la place du bureau dans l’économie post-Covid-19 est clairement remise en question. L’hypothèse d’un abandon pur et simple de son utilisation par les entreprises n’a évidemment pas de sens. La dynamique du travail en équipe, comme le besoin de lien social et d’identification des collaborateurs à leur entreprise continueront à justifier l’existence d’un lieu de travail hors le domicile. En revanche, tout le reste va changer sous l’impulsion des start-up qui n’acceptent plus les règles du jeu imposées jusqu’à présent en matière de bureaux.

La crise sanitaire et les confinements à répétition ont créé un tel manque de visibilité qu’il devient difficilement imaginable pour une jeune société en croissance de signer le fameux bail en 3-6-9 qui va l’assigner à un même bureau pendant au moins 3 ans, alors qu’il n’a pas de visibilité sur son activité et son effectif au-delà de 12 mois. Comment imaginer qu’un dirigeant va encore accepter de se porter garant personnel auprès du gestionnaire pour le paiement des loyers de sa jeune pousse sur un horizon aussi long ? A l’heure où tous les secteurs d’activité sont bouleversés par la donne numérique et l’innovation apportée par une nouvelle génération d’entrepreneurs, la rigidité du système français d’immobilier de bureau ne peut plus durer. D’autant qu’il s’accompagne de clauses tels que le versement de commissions et cautions équivalents à 6 ou 9 mois de loyer qui opèrent une ponction insupportable sur la trésorerie des entreprises.

Ces dernières années, les start-up ont ainsi été à l’origine du succès des pépinières d’entreprise puis des espaces de co-working. Elles accompagnent aujourd’hui un phénomène d’une tout autre ampleur : l’avènement de l’immobilier de bureau en prestation de service.

Dans "l’ancien monde", l’entreprise louait des mètres carrés de surfaces vides. Les étoiles de la nouvelle économie veulent désormais du service, des postes de travail "plug & play", disponibles en fonction de leurs besoins.  Elles veulent se concentrer sur le cœur de leur métier et déléguer à des spécialistes la gestion de ces bureaux, du ménage à la fiscalité, en passant par l’IT. Elles veulent aussi adapter avec plus de flexibilité leur "consommation" d’espace, à leur croissance, souvent rapide et rarement linéaire.

Selon une étude de Jones Lang Lasalle, cette "nouvelle vague" va se transformer en tsunami : de 1% du parc en 2019, la part de l’immobilier de bureau en prestation de service devrait atteindre 10% en 2021 et… 40% en 2025 !

L’impact pourrait être énorme pour le Grand Paris qui, avec ses 55 millions de mètres carrés de bureaux, est le 1er marché d’Europe. Et c’est à une véritable révolution copernicienne que devront se livrer les professionnels du secteur. Le bail 3-6-9 va céder sa place à des contrats sur-mesure négociés entre les propriétaires et les entreprises mettant fin à cette particularité du marché français.

Les propriétaires fonciers, eux-mêmes, ne sortiront pas perdants dans cette mutation. Alors que le modèle économique traditionnel offre des rendements en baisse ces dernières années, l’immobilier de bureau en prestation de service est au contraire synonyme de délais de location raccourcis, d’absence de franchises de loyers pour les utilisateurs entrants et, in fine, d’une rentabilité revue à la hausse. Dans une version 2.O – plus flexible dans son fonctionnement et plus transparent dans ses frais et ses couts - l’immobilier de bureau a finalement de beaux jours devant lui.