En 2021, le BTP voit son avenir en digital

Lors de ses vœux à la profession, Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), a érigé le numérique parmi les priorités du secteur pour 2021. On ne peut que se réjouir de cette prise de conscience au plus haut niveau. Car le BTP ne saurait tourner le dos plus longtemps aux outils qui lui seront indispensables pour relever les nombreux défis qui l'attendent.

Le premier de ces défis est sans conteste la productivité, qui a chuté de près de 20% dans la construction en France depuis le début des années 2000. En cause, l’amoncellement de contraintes réglementaires et contractuelles qui compliquent, alourdissent et allongent les chantiers ; la difficulté à standardiser les opérations quand les projets sont de plus en plus complexes et les intervenants chaque fois différents ; et la pénurie grandissante de main d’œuvre dans un secteur qui peine à attirer les jeunes et les talents. Dans le cadre du Plan de relance, les acteurs du BTP se sont d’ailleurs engagés auprès du ministère de l’Economie à réaliser 50 000 embauches et à augmenter de 50% le nombre d’apprentis d’ici 2022. Ce déficit de productivité est d’autant plus préoccupant qu’entre la rénovation énergétique massive des bâtiments anciens et la construction nécessaire de plusieurs centaines de milliers de logements neufs, le travail ne va pas manquer au cours des prochaines années.

Productivité, complexité, attractivité… Dans les entreprises de toutes tailles, ces grands maux ont des conséquences économiques directes et très concrètes : des marges extrêmement faibles et une trésorerie parfois sur le fil, qui les laisse à la merci du moindre coup du sort. Cette année, les  retards et les surcoûts induits par la crise du Covid-19 ont ainsi mis en péril plusieurs dizaines de milliers d’entreprises, et la faillite en 2018 d’un groupe en apparence aussi solide que le Britannique Carillion prouve que personne n’est à l’abri.

Or, où vont bien souvent se nicher les quelques points de marge qui séparent un projet confortable d’un autre tout juste rentable ? Dans des après-midis perdus à courir après une information, à devoir retourner sur le chantier pour une vérification urgente, à participer à des réunions superflues ou à rédiger de laborieux comptes-rendus. Autant d’inefficiences qui, jour après jour, usent, irritent, et surtout rabotent implacablement les profits. Autant de temps et de compétences gaspillées que pourraient épargner une meilleure organisation, un partage simplifié de l’information, une communication plus fluide, une traçabilité accrue des décisions, une automatisation des tâches élémentaires… Bref, tout ce que sait très bien faire le numérique.

Avec le confinement, puis le redémarrage sous contrôle de l’activité, de nombreuses entreprises du BTP ont adopté en urgence des outils de visioconférence ou de partage de documents afin de respecter les règles sanitaires. Souvent salutaire malgré ses imperfections et son caractère contraint, cette expérience aura pour beaucoup été révélatrice, faisant tomber en quelques semaines les préjugés les plus tenaces. Oui, le digital est soluble dans le bâtiment. Et si l’on ne coule pas du béton depuis son salon ou avec un smartphone, la technologie a certainement beaucoup à apporter au BTP.

Dans un secteur aussi tributaire du réel et ancré dans la tradition que le BTP, il n’y aura sans doute pas de Big Bang digital ni de disruption radicale comme semblent le confirmer les difficultés rencontrées par la startup américaine Katerra, surnommée le "Tesla du bâtiment". En revanche, le numérique pourra s’y imposer s’il apporte des réponses pratiques au quotidien, au travers d’outils conçus par des bâtisseurs pour des bâtisseurs. Des outils simples, faciles à prendre en main, qui ne nécessitent pas des compétences ou des investissements inaccessibles, mais qui aideront tous les acteurs à être plus efficaces dans les bureaux comme sur les chantiers. Des outils, aussi, qui en changeant certaines pratiques du secteur transformeront son image et séduiront les jeunes générations. Alors que s’ouvre pour le bâtiment une année des plus périlleuses, sa conversion accélérée au numérique pourrait bien se révéler providentielle.