L'Etat peut forcer des propriétaires à vendre leur maison familiale : les juges ne peuvent rien y faire
Article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé". En clair, personne ne peut s'accaparer le bien d'autrui ou empêcher un citoyen d'accéder à la propriété s'il remplit toutes les conditions pour acquérir un bien. "Oui enfin, il faut lire l'article jusqu'au bout", précise Jonathan Azogui, avocat associé au cabinet Seinsei-Avocats et spécialiste en droit de l'expropriation. En effet, il est également écrit dans cet article qu'un citoyen peut être privé du droit à la propriété "lorsque la nécessité publique l'exige, et sous la condition d'une juste indemnité". Concrètement, il arrive parfois que l'intérêt général prime sur le droit privé et qu'un propriétaire soit privé de son logement.
"L'Etat ou les collectivités territoriales comme les communes, les départements, les régions, les établissements publics ou les groupements d'intérêts publics peuvent légalement forcer un propriétaire à quitter son logement", indique Jonathan Azogui. "Je dis bien "forcer" car dans de nombreux cas les propriétaires impactés ne sont pas d'accord", précise l'avocat. On parle alors d'expropriation. Une procédure encadrée par le Code de l'expropriation. "Cette situation arrive bien plus souvent qu'on ne le pense", souligne-t-il.
Pour faire valider une expropriation, l'Etat ou la collectivité territoriale doit lancer une enquête publique et invoquer le motif de l'intérêt général. Ce dernier est officialisé par une déclaration d'utilité publique (DUP), qui doit être validée par un juge administratif. L'utilité publique peut être prononcée dans plusieurs cas de figure : "pour la destruction d'un habitat insalubre, la prévention des risques naturels majeurs ou la réalisation de grands travaux d'intérêt collectif", explique Jonathan Azogui. Ainsi des propriétaires ont par exemple été expropriés de leur logement car ils occupaient une maison au bord d'un littoral rongé de plus en plus par la montée des eaux.

Autre exemple d'expropriation, plus massif celui-ci : le projet urbain du Grand Paris. "Pour construire de nouvelles lignes de métro, de bus et de RER, plus de 200 propriétaires franciliens qui ont été contraints de quitter leur logement", se souvient l'avocat. Idem pour le chantier de l'autoroute A69, entre Castres et Toulouse, où 820 propriétaires ont également été expropriés.
La plupart du temps, il est difficile pour les propriétaires de contester une DUP pour éviter l'expropriation, "surtout si le caractère indispensable du projet est avéré", précise Jonathan Azogui. En revanche, une fois que les futurs expropriés ont reçu le courrier les informant de la décision du juge administratif, ils peuvent alors se tourner vers un juge de l'expropriation. Ce dernier va déterminer le montant de l'indemnité que les propriétaires lésés vont toucher. "L'idée c'est alors d'obtenir la somme la plus importante possible", explique l'avocat.
Le prix proposé par le juge ne prend pas seulement en compte la valeur vénale du bien, mais il doit aussi inclure des indemnités liées au préjudice subi par le propriétaire comme des frais de déménagement ou de relogement. "Les propriétaires obtiennent davantage d'argent en étant expropriés plutôt qu'en vendant leur logement de façon classique", conclut le spécialiste en droit de l'expropriation.