Les laboratoires de contrôle qualité à l’heure du digital

Les initiatives de transformation Industrie 4.0 sont principalement lancées sur les activités de production ; les départements de contrôle qualité ne sont pas encore dans les priorités. Néanmoins, pour les industries de process, et notamment en biotechnologie ou agroalimentaire, ces activités complexes, nécessitant un niveau de qualification élevé et représentant une part significative du temps de cycle de production, doivent se transformer par l’apport des nouvelles technologies

Depuis plusieurs décennies, les industriels ont investi dans les techniques de contrôle qualité de leurs produits finis et des matières premières, notamment et surtout dans les industries où règne la culture du zéro-défaut.

Pour l’industrie de process, le nombre et la complexité des contrôles représente une part significative des temps et des coûts de production. Très sensibles, ces opérations sont réalisées manuellement par du personnel hautement qualifié. A titre illustratif, ces opérations de contrôle représentent entre 30 et 70% du temps de production total dans les industries de biotechnologies ou du vaccin. Parce que la vie ou la santé des clients/patients et l’impact potentiel sur l’image de la marque sont hors de propos, les industriels ont accru leurs coûts de contrôle pour absorber la croissance de leurs activités sans chercher des sources d’optimisation.

En parallèle, les agences réglementaires ont multiplié les points de contrôle dans le cadre de leurs audits. La FDA (Food and Drug Administration) a d’ailleurs déclaré plus de 4000 alertes dans les 3 dernières années dont plus de 400 de classe 1 (produits causant de graves problèmes de santé voire la mort).

Dans les 2-3 dernières années, des stratégies digitales ont été élaborées et quelques plans de transformation d’Industrie X.0 (généralisation de l’industrie 4.0 sur toute la chaine de valeur par la mise en place de l’internet des objets (IoT), robotisation…) lancés, avec un focus sur les lignes de production et la maintenance des usines. En revanche, les opérations de contrôle qualité n’ont pas encore été vraiment intégrées alors que le renouvellement des portefeuilles de produits oblige à repenser les processus, sous peine de faire de ces laboratoires des goulots d’étranglement.

Les industriels doivent relever trois challenges principaux dans le cadre de leurs opérations Qualité : réduire le délai à disposition aux clients ou aux patients dans un marché de demande, optimiser les coûts, respecter les contraintes réglementaires de plus en plus drastiques.

Les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, la robotisation/cobotisation, l’analytics, l’IoT peuvent augmenter la productivité, réduire les erreurs humaines et optimiser les coûts. Mais les responsables Qualité vont devoir revoir leur manière de penser en autorisant la technologie là où aujourd’hui seul l’humain qualifié intervient.

Soulagé des opérations basiques, les scientifiques pourront se focaliser sur des activités à forte valeur ajoutée comme l’amélioration continue des procédures ou des process industriels. Voici quelques exemples :

- Les contrôles de matières premières peuvent par exemple être automatisés
- L'observation scientifique peut être facilitée par l'IA
- La gestion documentaire et se transmission aux agences réglementaires peut être supportée par des solutions digitales, de l'Iot ou de la blockchain
- La saisie d'information en direct et l'accès aux données électroniques dans les environnements stériles peuvent être possible, sans nécessairement investir dans des équipements coûteux.
- La formation peut être accélérée et améliorée grâce à la réalité virtuelle ou augmentée

- La mise à disposition de millions de données aujourd'hui non utilisées va nécessiter le développement d'analytics avancées

Introduire l’Industrie X.0 dans les laboratoires de Contrôle Qualité va nécessiter un plan de transformation et donc un accompagnement au changement pour permettre de : Créer de nouvelles compétences, développer la culture du digital et de l'analytics, revoir les processus et procédures de bout en bout, la gestion des flux et de l'espace, reconcevoir les interactions entre départements (production, qualité, supply chain, affaires reglementaires, méthodes voire R&D).

Dans une deuxième étape, on pourrait envisager une centralisation des opérations et permettre ainsi l’amélioration continue plus rapide des processus, des méthodes et de la gestion des coûts.

Le concept de "laboratoire du futur" lancé par les industriels depuis quelques années est devenu une réalité. La transformation digitale du Contrôle Qualité est obligatoire pour permettre la réalisation des bénéfices liés aux transformations Industrie X.0.

L’actualité récente en France va pousser les industriels à investir dans la sécurisation et l’optimisation de leurs opérations industrielles via de nouveaux équipements ou des systèmes d’information plus digital.

La transformation doit donc être lancée maintenant pour ne pas créer de goulot d’étranglement dans l’outil industriel !

Olivier Bonneau, Directeur Executif Management Consulting chez Accenture

Sami Hamani, Directeur Executif Technology Consulting chez Accenture