Autonomie dans l'aérospatial et la défense : franchir le mur de la complexité

L'autonomie s'impose comme un pivot stratégique pour l'aérospatial et la défense. Face à la complexité, la simulation devient clé pour concevoir des systèmes plus sûrs et intelligents.

Alors que le Salon du Bourget 2025 s’annonce comme une vitrine des grandes transformations de l’aéronautique, une tendance s’impose : l’autonomie est désormais au cœur des ambitions industrielles du secteur. Qu’il s’agisse de drones d’observation, d’engins de mobilité aérienne urbaine ou de plateformes spatiales, la capacité à opérer sans supervision humaine directe devient une exigence fonctionnelle à part entière.

Cette transition ne relève plus du simple progrès technologique. Elle traduit une volonté croissante d’optimiser la résilience des systèmes, leur capacité d’adaptation à l’environnement, et leur efficacité dans des contextes parfois imprévisibles. Mais à cette promesse d’autonomie s’ajoute un défi de taille : une complexité de conception inédite, qui impose une refonte continue des méthodes d’ingénierie.

Du pilotage assisté à l’autonomie systémique

L’autonomie n’est pas un état binaire, mais un continuum. De nombreux systèmes actuels intègrent déjà des fonctions dites de « niveau 3 » ou « 4 » : perception de l’environnement, prise de décision en temps réel, exécution conditionnelle de tâches. L’objectif ultime – l’autonomie complète – suppose de pouvoir évoluer sans intervention extérieure, même en situation non prévue.

Ce cap n’est pas uniquement technique. Il implique de concevoir des systèmes capables de comprendre, anticiper et interagir avec un environnement en constante mutation. Une telle performance ne peut reposer sur des approches linéaires ou compartimentées du développement.

Une ingénierie multidimensionnelle

La conception d’un système autonome repose sur l’orchestration fine de multiples sous-systèmes : capteurs, traitements embarqués, communications, logiciels décisionnels, interfaces de contrôle. Chaque brique doit être validée, intégrée, sécurisée, sans jamais compromettre la fiabilité globale.

Cette exigence se heurte à plusieurs réalités : allongement des cycles de R&D, augmentation des coûts, complexité de l’intégration matériel/logiciel, pression réglementaire. Les organisations doivent désormais conjuguer performance technologique, conformité et agilité. Une tâche d’autant plus difficile que les normes de certification évoluent rapidement pour s’adapter à ces nouvelles architectures autonomes.

Simulation et validation continue : un nouveau socle

Dans ce contexte, la simulation devient un levier stratégique. Elle permet de concevoir des scénarios réalistes, d’évaluer des comportements extrêmes, de valider des chaînes logicielles critiques avant même la production du premier prototype physique. Cette approche modélisée devient indispensable pour contenir les délais, maîtriser les coûts et sécuriser les performances.

Des acteurs de la simulation apportent à cette transformation des outils capables d’accompagner l’ensemble du cycle de développement, de l’ingénierie de mission à la maintenance prédictive. La virtualisation permet ainsi de tester des hypothèses, de vérifier la conformité réglementaire en continu, et de préparer une montée en échelle plus rapide.

C’est ce qu’a illustré la coopération entre Ansys et Leonardo Labs, qui ont déployé des simulations haute-fidélité, notamment sur les supercalculateurs DaVinci‑1, pour concevoir, tester et optimiser la performance de capteurs et systèmes hélicoptères avec IA et jumeaux numériques, assurant une réduction significative du temps de calcul et un accès plus rapide à l’autonomie

Le marché global des systèmes autonomes dans l’A&D suit cette dynamique. Le seul segment des UAVs (véhicules aérien sans pilote) devrait passer de 30,2 milliards de dollars en 2024 à 48,5 milliards en 2029, selon Markets & Markets.

Souveraineté, acceptabilité et modèles économiques

Mais l’autonomie ne pose pas que des questions techniques. Elle soulève aussi des enjeux de confiance, d’acceptabilité publique et de modèle économique. L’investissement dans ces systèmes (capteurs spécialisés, traitement embarqué, cybersécurité, cloud distribué) reste lourd. Il appelle à une mutualisation plus forte entre applications civiles et usages spécialisés, ainsi qu’à des logiques de standardisation pour permettre la réutilisabilité des briques technologiques.

Certains modèles émergents le démontrent : un même drone à autonomie prolongée peut être utilisé pour la surveillance environnementale, la sécurité civile ou la cartographie de zones isolées, facilitant la rentabilisation des investissements par effet de levier intersectoriel.

En France, le ministère des Armées investit massivement dans la R&D, avec 1,2 milliard d'euros consacrés à l'innovation de défense en 2024, sur un total de 8,3 milliards d'euros alloués à la R&D. Parallèlement, le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros, comprend des volets dédiés à l’automatisation, à la mobilité décarbonée et à la souveraineté technologique, notamment dans l’aérien. Ces investissements publics, couplés aux efforts industriels, soutiennent la structuration d’une filière nationale compétitive, capable d’exporter ses technologies tout en réduisant sa dépendance aux solutions extra européennes.

L’autonomie comme levier d’avenir

L’autonomie aérienne ne doit pas être perçue comme une rupture brutale, mais comme une évolution méthodique vers plus de robustesse, de réactivité et d’intelligence embarquée. Pour réussir cette transition, les industriels doivent intégrer de nouvelles disciplines d’ingénierie, s’outiller en simulation, et construire des écosystèmes de coopération ouverts.

Ceux qui parviendront à maîtriser cette complexité disposeront d’un avantage durable. Le Salon du Bourget en donnera un aperçu : celui d’une industrie en quête d’autonomie, au service de systèmes plus sûrs, plus sobres, et plus intelligents.