Déclin de la France, déclin de l’Europe : quelles responsabilités et quelles perspectives ?
Beaucoup d’économistes, qui conseillent des gouvernements ou des partis politiques, raisonnent dans une logique d’économie fermée. Ces spécialistes ès-macroéconomie ignorent le fonctionnement des marchés financiers, ce qui biaise leur analyse des politiques économiques.
Il est curieux de constater que les « Ténors » de l’économie française expliquaient la crise actuelle uniquement sous l’angle de la dette publique, oubliant la responsabilité des marchés financiers et la nécessité de marier rigueur budgétaire et croissance.L’échec de l’élite française à anticiper les difficultés actuelles tient à la coupure entre le monde du savoir (Universités, centres de recherches, grandes écoles) et les milieux économiques. Certains économistes ont été accusés de conflits d’intérêts en raison de leur sujétion financière à l’égard de groupes financiers ou des établissements bancaires. Certains experts que je croisais dans les coulisses des plateaux de télévision sont chef-économistes ou conseillers d’établissements financiers. Alors que je dénonçais la dictature des marchés financiers, les incohérences de la construction européenne ainsi que les dysfonctionnements structurels, ils se contentaient d’incriminer la rigidité du marché du travail, l’excès des dépenses publiques ou les prélèvements obligatoires.
Il a fallu attendre le commentaire de standard & Poor’s pour que les tenants de la pensée unique se rappelle que dans l’équation du taux d’endettement il y deux variables : la dette globale et le PIB. Et que dans l’absolue les deux peuvent évoluer positivement, avec un objectif de créations de richesses plus importantes. Dans tous mes travaux et déclarations dans les médias internationaux, j’ai exprimé des positions hétérodoxes discordantes mais la réalité m’a toujours donné raison. Pour s’en convaincre, il suffit de lire mes chroniques. Etant un ‘’électron libre’’, j’ai pu échapper au carcan tracé par les financeurs des centres de recherches et des groupes de pression de tout genre. De ces trente années de « vagabondages » dans les milieux universitaires, industriels, institutionnels, nationaux et internationaux, voici brièvement mes conclusions sur les maux français et européens
Je vais sérier les problématiques rencontrées pendant ma double vie de chercheur universitaire et de consultant en entreprises :
I- La désindustrialisation dure depuis qurante ans
La part de l’industrie
dans l’économie est passée, de 26% du PIB en 1970 à 13% en 2012,. Les
activités industrielles sont au cœur d’un tissu économique local ou national.
Elles génèrent des emplois dans les services, le transport, le commerce et
contribue largement aux exportations.
Malgré tous les
efforts (auxquels, j’ai pris une part modeste), déployés pour créer des zones
d’activité dans plusieurs villes de la Seine-Saint-Denis, le tissu industriel
se rétrécissait au fil des années.
Les causes furent multiples :
* La plupart
des chefs d’entreprises sont des bons techniciens qui ont inventé le produit
unique en France ou peut être en Europe, mais sont des piètres gestionnaires et
des commerciaux médiocres. Je me souviens, lors de nos déplacements à
l’étranger, leur difficulté de communiquer avec les prospects était flagrante,
* les
successions intergénérationnelles sont peu satisfaisantes. Le chef
d’entreprise, personnalité forte, concepteur et réalisateur du produit n’a que
rarement des héritiers aptes à pérenniser son œuvre,
* l’examen des
comptes des PME en difficulté révèle un réinvestissement insuffisant des
bénéfices et un manque d’innovation et d’anticipations des évolutions du
secteur concerné,
* les
problèmes de trésorerie dus à des retards de paiements des clients publics ou
privés sont aggravés par la frilosité des banques,
* les
prélèvements fiscaux et sociaux pèsent sur les PME les plus fragiles, mais
celles qui connaissent une progression de leurs chiffres parviennent à les
surmonter,
* la
concurrence étrangère est une certitude mais à elle seule ne peut expliquer les
délocalisations et les faillites,
* les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants sont
fort déséquilibrées, les grands groupes ont pressuré jusqu’à l’extrême leurs
prestataires,
* les seuils en termes d’effectifs qui font basculer
l’entreprise d’un statut d’artisan (moins 9 salariés) à plus 10 salariés sont
un frein au développement de l’emploi. Il en va de même du seuil de 50 salariés
qui impose une autre représentation des salariés et l’obligation de se doter
d’un comité d’entreprise.
A côté de ces causes structurelles et micro-économiques, les politiques économiques menées par les différents gouvernements ont accéléré la déstructuration du tissu industriel.
Le désengagement de l’Etat des activités industrielles, je
l’ai vécu depuis 1982 jusqu’à 2012. Quand nous nous rendions dans les
ministères avec les députés et les maires de la Seine-Saint-Denis pour défendre
telle ou telle société en difficulté, l’accueil est courtois mais l’engagement
est timoré. Des pans entiers de l’industrie française ont été sacrifiés sur
l’autel de la libéralisation de l’économie. Plusieurs gouvernements ont placé
des ultralibéraux à la tête des ministères de l’industrie. C’est comme désigner
un loup pour garder les agneaux. Ajouté à cela la recherche par les grands
groupes de taux de rentabilité dépassant les 12%. J’ai vu mourir des
laboratoires pharmaceutiques, des fabricants de machine-outil à commande
numérique et des usines fabricants des biens d’équipements ou spécialisées
dans la mécanique de précision, la
chimie et la parachimie, car les liquidateurs escomptaient une rentabilité plus rémunératrice du
capital.
Les politiques et leurs conseillers qui sortaient des
grandes écoles ne juraient que par les services et la finance. Certes il en
faut, mais ces derniers travaillent pour l’industrie et tournent autour d’elle.
Dans un article publié dans un journal local, "Le citoyen" en mars 1992, j’ai alerté sur le danger d’un effondrement
progressif mais accéléré de l’industrie
française. Avec mes Amis du ‘’comité mécanique’’, notre combat fut à contre
courant. Les technocrates veulent des activités « propres », l’odeur
des machines qui tournent les insupporte. Ils parlent des canards boiteux,
qu’il faut laisser crever.
Entre temps l’industrie française est passée de 35%
du PIB dans les années 1980 à peine 18%
en 2012, alors qu’en Allemagne elle se
maintient autour de 24%.
Quand
j’accompagnais des sociétés franciliennes à la foire industrielle de Hanovre,
il n’y avait pas photos, le décalage entre les sociétés françaises et
allemandes est énorme, en qualité et en
quantité.
A suivre...