Plaidoyer pour la confiance, vecteur d'une croissance économique durable

Le chef du gouvernement Manuel Valls présentait le 23 avri 2014l en conseil des ministres son plan d’économies pour parvenir à une baisse des dépenses publiques de 50 milliards d’euros.

S’inscrivant dans une réforme générale et structurelle de l’économie française, ce plan doit servir à redonner confiance aux marchés financiers, premiers créanciers de l’Etat, mais également aux Français, qui font partie des premiers pessimistes au monde.
Depuis quelques années, le monde assiste impuissant à l'émergence d'un comportement social inédit et à plusieurs égards intéressant à étudier – ce n'est pourtant pas l'objet du propos ici : l'individualisation de la société. Autrefois encensés, les groupes d'individus sont aujourd'hui désagrégés et remplacés par des groupes d'individuels. Le marqueur évident de ce déclin n'étant autre que la structure familiale elle-même, qui au fil du temps s'est modifiée pour, au final, perdre l'importance qu'elle avait auparavant dans la société.
L'Homme, ou l'individu d'ailleurs, cet animal social dépendant pourtant directement des interactions avec l'Autre, se transforme petit à petit en un animal asocial, égocentrique... et méfiant. Méfiant à l'égard d'autrui, qu'il soit homme, femme, gouverné ou gouvernant. Méfiant à l'égard de son environnement, des institutions et même du futur.

De la corrélation entre confiance et croissance économique

L'idée que la confiance – dans les autres comme dans la société – est nécessaire au développement et au bon fonctionnement d'une économie est une idée très ancienne. De nombreux auteurs, tels Max Weber – dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme – ou Alain Peyrefitte – dans La Société de confiance – ont souligné l'influence que les mentalités d'une société donnée pouvaient avoir sur le fonctionnement de son économie. Le prix Nobel d'économie Kenneth Arrow affirmait même au début des années 1970 que le retard économique était en partie dû à un manque de confiance global.
En mettant en relation les quelques propos liminaires sur l'érosion du gène confiance de l'être humain avec la susmentionnée soumission de la croissance économique à ce même vecteur confiance, comment, dès lors, avoir confiance dans un futur économique radieux ?
Il convient à présent de reconnaître que la corrélation entre confiance et croissance économique est une assertion qui se vérifie plus aisément a contrario. Comme le souligne Kenneth Arrow, c'est le manque de confiance global qui a une incidence néfaste sur la santé économique d'une société A.
Comment, en effet, vérifier que la croissance potentielle de l'économie d'une société B est bien entraînée par un regain de confiance des citoyens dans les institutions ou la société elle-même ?
Si certaines études ont pu démontrer qu'une augmentation du capital confiance de 10 % conduisait à une hausse du PIB de 0,8 % – voir sur ce point l'étude réalisée en 1997 par Stephen Knack et Philipp Keefer –, le risque de causalité inverse ne doit pas être négligé : peut-être la confiance n'est-elle pas le facteur qui améliore la croissance, mais cette dernière qui, suscitant l'optimisme, contribue à accroître cette confiance.

Du bienfait des réformes économiques structurelles pour la confiance

Toujours est-il qu'avec l'apparition des théories relatives au « capital social », l'idée d'une relation entre confiance et croissance s'est trouvée renforcée. D'après le politologue américain Robert Putnam, le concept de capital social permet d'indiquer le degré de coopération et de réciprocité régnant dans une société donnée. Ainsi les échanges entre deux acteurs lambda resteront inchangés et perdureront, tant que ces derniers agiront en considération et dans l'intérêt de l'autre. La relation qu'entretiennent les marchés financiers et les États en est d'ailleurs le parfait exemple.
Détenteurs de liquidités, les marchés maintiendront leur confiance dans les États souscrivant un emprunt tant que ceux-ci apporteront les garanties certaines d'un remboursement futur. Un pays dont la dette publique ne cesse d'augmenter se verra sanctionné directement par la hausse des taux d'intérêts proposés par les marchés financiers. En revanche, engager des réformes structurelles propres à atténuer l'endettement public devrait suffire à leur redonner confiance, afin qu'ils acceptent à nouveau de consentir des emprunts à taux acceptable.
C'est dire si le plan d'économies annoncé par Manuel Valls le 16 avril 2014 et présenté en conseil des ministres le mercredi 23 avril, consistant en une baisse des dépenses publiques de 50 milliards d'euros, devrait être suivi de près et son déroulement éminemment scruté. Par les Français, en premier lieu, mais également par l'Union européenne (UE), alors que la Commission va devoir se pencher sur les prévisions budgétaires de la France pour les trois prochaines années, tandis que la réduction du déficit public à hauteur de 3 % du PIB devrait être effective en 2015. Scruté, enfin, par les créanciers de l'Hexagone, qui ne sont autres que les marchés financiers pour la plupart.
Assumant clairement sa ligne sociale-démocrate, François Hollande a de plus annoncé lors de ses vœux aux Français pour 2014, un allègement des charges des entreprises, avec en ligne de mire l'inversion de la courbe du chômage, objectif qui conditionnera, on le sait depuis peu, sa candidature en 2017.
A plus long terme, le gouvernement espère une reprise de l'économie française, la réduction des dépenses publiques annoncée étant pour ce faire un point de départ nécessaire. Les économistes estiment en effet que la reprise économique d'un pays est conditionnée par trois piliers – maîtrise de la dette publique, baisse des dépenses publiques et flexibilisation du marché du travail –, la France misant sur le plan d'économies et l'allègement des charges des entreprises pour endiguer la hausse inexorable du taux d'endettement des administrations publiques. Et, ainsi, redonner confiance aux marchés financiers, premiers détenteurs de la dette publique, peu après la perte de son « triple A ».

Faire preuve de courage en politique n'est pas donné à tout le monde

Aussi la bravoure dont fait preuve François Hollande en s'écartant légèrement de la ligne politique de son parti mérite d'être soulignée. Les réformes structurelles annoncées, si elles ne font pas l'unanimité au sein de la majorité, devraient permettre in fine à l'économie française de retrouver le chemin d'une croissance solide et durable qui lui fait défaut depuis quelques années.
A moins long terme, elles suffiront sans doute à rassurer les créanciers de l’État, qui consentiront alors de nouveaux prêts à des taux attractifs. Cycle vertueux, donc, que celui initié par le chef de l’État et poursuivi par son Premier ministre. Mais les marchés, machines financières à la logique bien rodée, ne sont pas les seules entités dont il faut obtenir la confiance. Celle des Français, champions du monde du pessimisme et de la morosité, peuple de révoltes en tout genre, est semble-t-il bien plus difficile à gagner.
Réfutant la thèse de MM. Knack et Keefer, il faut alors espérer que la reprise de la croissance économique aura un impact bénéfique sur le moral des Français, qui seront alors plus enclins à accorder leur confiance dans le futur, les institutions, et même, pourquoi pas, autrui.