Etablissements de santé : comment bien gérer la donnée médicale ?

La mise en place des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) contraint les établissements de santé à ouvrir, échanger et enrichir les données médicales des patients. Et refondre leurs infrastructures informatiques.

Déserts médicaux, moyens financiers et humains insuffisants dans les hôpitaux, dysfonctionnements du parcours de soins… le système de santé français est en souffrance. Aussi, pour enrayer ce phénomène le gouvernement a, dans le cadre de la loi de santé 2016, mis en place un vaste programme de regroupement des établissements publics de santé à l’échelle d’un territoire. Baptisé GHT, ce dispositif de coopération entre les établissements de santé d’une région vise trois objectifs : assurer une égalité et une meilleure prise en charge des patients sur l’ensemble du territoire, mutualiser les fonctions supports des établissements (Départements de l’information médicale, SI, achats,) et développer l’innovation autour de la télémédecine, de la chirurgie ambulatoire et des objets connectés. Un ambitieux projet complexe dont l’un des socles fondateurs est la convergence des systèmes d’information de tous les établissements pour partager et gérer les données médicales quel que soit leur format (PDF, Word, imagerie médicale, vidéo, bases de données). Les établissements ont jusqu’à 2021 pour réaliser cette convergence. 

Dans un environnement où chaque établissement possède son propre SI et ses applicatifs, partager la donnée relève de l’exploit. Là où historiquement le dossier patient était hébergé uniquement sur le data center ou le cloud privé de l’hôpital, le GHT impose aux établissements de santé de mettre en place l’infrastructure technique permettant de consulter et d’enrichir le dossier médical. Mais en ouvrant la donnée patient à tous les hôpitaux et à l’extérieur – médecins de villes, établissements sanitaire et social, centres médicaux... –, le GHT soulève la problématique de la gestion de l’hybrid data, et accroît celles des droits d’accès, de la sécurité, la sauvegarde et du stockage de la donnée.  

Les challenges de l’hybrid data 

Ainsi, le premier challenge de l’hybrid data est donc la gestion de l’interopérabilité des identités des professionnels de santé. Chacun d’eux doit pouvoir accéder à l’ensemble des systèmes et des applicatifs dont il a besoin sans devoir s’identifier à chaque fois. La première étape consiste donc à centraliser les annuaires professionnels de tous les établissements en créant un référentiel d’identité centralisé (Identity and access management) et à déployer une solution d’identifiant unique (SSO - Single sign-on) pour autoriser leur accès aux différents systèmes sur un simple login et mot de passe. 

Le deuxième challenge de l’hybrid data est le partage de la donnée. Aujourd’hui chaque établissement possède son SI et ses propres applicatifs. Or l’incompatibilité de ces systèmes rend difficile, voire impossible, l’échange des données. Face à cette situation deux options se dessinent selon les territoires : certains font le choix de migrer leurs solutions sur une infrastructure commune, d’autres préfèrent préserver leurs SI et applicatifs et déployer un système chapeau permettant de répliquer les informations des établissements. Si l’option de migration est complexe et onéreuse, elle remplit néanmoins les objectifs de partage et de gestion du DMP par l’ensemble des établissements de santé sur le territoire. Moins coûteuse, la seconde solution n’autorise en revanche que la consultation du dossier médical. Une solution qui ne peut être que transitoire puisqu’en 2021 tous les professionnels devront pouvoir intervenir sur les dossiers médicaux. 

Le troisième challenge porte sur la protection et la sécurisation de la donnée. En ouvrant les infrastructures, les risques de piratage sont encore plus importants. Or en 2017 – 2018, plusieurs hôpitaux ont déjà été la cible de cyberattaques via des virus bloquant l’accès à des milliers de fichiers patients (CryptoLocker). La réplication des dossiers stockés sur des infrastructures indépendantes du réseau peut prévenir  ce genre de désagrément.   

Dernier challenge enfin : la sauvegarde et l’archivage des dossiers dans des conditions fiables, c’est à dire sur des supports impossibles à modifier et inaltérables au temps. 

Parcours patient facilité et personnalisé 

Une fois les aspects techniques réglés, le GHT facilitera le parcours patient en permettant une prise en charge commune et partagée des soins par l’ensemble des professionnels. Fini le calvaire de la prise des rendez-vous et des examens réalisés deux, trois voire quatre fois. Grâce au GHT, les agendas de l’ensemble des établissements de santé du territoire sont connectés et accessibles via un portail permettant aux patients de gérer leurs prises de rendez vous et tous les examens sont centralisés dans le dossier disponible en ligne. 

Grâce au GHT, la pratique médicale s’inscrit dans une démarche personnalisée et collaborative. Véritable révolution du système de santé français, cette organisation se structure peu à peu. Aujourd’hui, l’ensemble des territoires déploient les plateformes pour partager et consolider la donnée patient. En 2020, les premiers projets d’intégration d’outils d’analyses de la donnée et d’intelligence artificielle seront lancés. En permettant aux professionnels d’analyser plus finement les données, ces technologies viendront affiner le diagnostic des médecins qui pourront alors mieux identifier les pathologies, préconiser les thérapies les plus efficaces et développer une pratique médicale plus préventive. 

Même si le GHT reste complexe à mettre en œuvre, les technologies et les bonnes pratiques existent et répondent aux challenges et à l’évolution de la pratique médicale. Ne loupons pas le coche !