Taxify, un concurrent sérieux pour Uber à Paris ?

Taxify, un concurrent sérieux pour Uber à Paris ? La start-up estonienne, soutenue par le plus gros rival d'Uber, entend attirer les chauffeurs et les clients avec une rémunération plus généreuse et des prix cassés.

Chauffeur Privé, Uber, Heetch, Le Cab, SnapCar, AlloCab, Marcel… et maintenant Taxify. A partir du 5 octobre, les entreprises du marché déjà encombré des VTC en Ile-de-France auront un nouveau concurrent. Avec Paris, cette start-up estonienne fondée en 2013 est désormais présente dans 20 pays et une trentaine de villes. La société a également annoncé son arrivée à Londres dans les semaines à venir. Ce lancement dans de grandes villes européennes marque un tournant pour Taxify qui s'attaque à des marchés bien plus gros, compétitifs et lucratifs qu'à son habitude. Avec l'ambition de piquer à Uber chauffeurs et clients grâce à une rémunération plus généreuse et des prix cassés.

Markus Villig, le PDG et fondateur de Taxify, balaie le problème de la concurrence à Paris. "Il y a beaucoup d'acteurs, mais un seul gros : Uber, qui possède plus de 80% du marché", analyse-t-il. "Réussir ici se résume donc à être meilleur qu'Uber". Pour y arriver Taxify doit commencer par attirer des chauffeurs. Ils sont 5 000 à avoir rempli toutes les formalités pour commencer à conduire sur la plateforme, revendique Taxify. Mais seuls 2 000 seront sur les routes au lancement, afin de s'assurer que l'offre correspond à la demande.

15% de commission

Taxify promet aux chauffeurs une commission de 15%, la moins élevée du marché avec Marcel. Nettement plus avantageux que les 25% prélevés par Uber. "Nous redonnons une partie de la différence aux chauffeurs et une autre partie aux clients", précise Markus Villig. Ces derniers seront également moins facturés au kilomètre : 90 centimes chez Taxify, contre 1,05 euro dans un Uber. De quoi déclencher une guerre des prix ? La start-up estonienne, dont la commission descend jusqu'à 10% dans certaines villes, semble s'y préparer. Markus Villig se dit prêt à diminuer la commission de Taxify si des concurrents baissaient la leur ou s'alignaient.

"Il aurait été beaucoup plus difficile de nous lancer à Paris il y a quelques années, lorsque la plupart des chauffeurs étaient contents de leur situation"

Taxify compte aussi sur le mécontentement des chauffeurs Uber pour les recruter. Certains avaient manifesté entre fin 2016 et début 2017 pour protester contre l'augmentation de la commission, passée de 20 à 25%. Une crise qui a nécessité l'intervention du gouvernement et ne s'est soldée que par de maigres concessions de la part de l'entreprise américaine. "Il aurait été beaucoup plus difficile de nous lancer à Paris il y a quelques années, lorsque la plupart des chauffeurs étaient contents de leur situation", reconnaît Markus Villig.

En attendant, Taxify s'est développé pendant quatre ans dans les pays baltes, en Europe Centrale, en Afrique et au Moyen-Orient. De plus petits marchés mais dans lesquels les parts de marché sont plus faciles à prendre. "Nous n'avions pas le budget pour nous lancer dans de plus grandes villes. Il y avait moins de compétition, c'était donc moins cher," justifie Markus Villig. Il affirme que Taxify est à l'équilibre depuis six mois, avec ses plus gros marchés (Afrique du Sud, République Tchèque, Hongrie, pays baltes) devenus bénéficiaires, tandis que d'autres enregistrent toujours des pertes.

Gare aux effets de réseau

Mais ce n'est pas avec des comptes à l'équilibre que l'on s'attaque à Uber. Taxify a les moyens de se lancer en Europe de l'Ouest grâce à un soutien de poids. Didi Chuxing a investi un montant non communiqué dans la start-up en août. Peu connu en France, Didi est le leader du VTC en Chine et a réussi ce dont peu d'entreprises peuvent se targuer : battre Uber. Après y avoir perdu des milliards de dollars en tentant de s'imposer, l'Américain a accepté de quitter la Chine en échange de la création d'une joint-venture contrôlée par Didi. La start-up chinoise, valorisée plus de 50 milliards de dollars (42 milliards d'euros), est elle-même soutenue par les géants du Web chinois Tencent et Alibaba, ainsi que le conglomérat japonais Softbank. Hors de Chine, Didi a investi dans tous les plus gros concurrents régionaux d'Uber : Lyft aux Etats-Unis, Ola en Inde, Grab en Asie du Sud-Est, 99 au Brésil…

Taxify deviendra-t-il le nouveau champion régional de Didi ? Avec 3 millions de clients ayant utilisé le service au moins une fois par trimestre, l'entreprise n'a pas encore atteint la taille des autres investissements du Chinois. Et c'est peut-être son plus gros défaut, car tout n'est pas qu'une histoire de chauffeurs heureux et de prix bas chez les VTC. Les effets de réseau sont également un puissant levier : plus il y a d'utilisateurs, plus il y a de chauffeurs sur une plateforme. Et plus il y a de chauffeurs, plus le temps d'attente se réduit, ce qui attire de nouveaux utilisateurs. Avec 25 000 chauffeurs dans l'Hexagone, dont une majorité en Ile-de-France, Uber conserve une longueur d'avance.