Fluctuo, le trublion des données de mobilité

Fluctuo, le trublion des données de mobilité Cette start-up française a développé des techniques d'extraction de datas pour récupérer des informations sur 80 services de vélos, scooters et trottinettes en free-floating dans 20 villes.

Un peu de transparence dans le secteur des mobilités. Alors que les données des entreprises du secteur sont jalousement gardées, nombre d'entre elles se bornant à communiquer des chiffres sans pertinence comme leur nombre d'inscrits, la start-up Fluctuo est venue mettre un coup de pied dans la fourmilière. Créée en mars 2019 à Paris, elle commercialise l'API Data Flow, développée par son président et CTO Pierrick Paul, qui consulte en temps réel les applications de free-floating pour en tirer une foule d'informations via des techniques de scrapping (extraction automatique de données).

"Toutes les 15 minutes, notre API photographie les positions de chaque appareil de chaque opérateur", explique Julien Chamussy, DG et cofondateur de Fluctuo. "Ensuite notre géo-data scientist transforme ces positions et leur évolution en flux de trajets d'un point A à un point B. Nous sommes capables de suivre un véhicule grâce à son identifiant, la distance entre ses deux dernières positions ou encore son niveau de batterie", poursuit-il. La start-up peut ainsi déduire la disponibilité des véhicules, les trajets qu'ils effectuent, mais aussi surveiller l'évolution de la taille de la flotte de chaque opérateur, une donnée cruciale.

Prendre les données sans demander

Fluctuo suit près de 80 opérateurs de vélos, trottinettes et scooters en free floating, dans une vingtaine de villes dans le monde, dont Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux. Elle s'est fait connaître lorsqu'elle a commencé à partager certaines de ces données avec la presse et sur les réseaux sociaux. C'est notamment grâce à elles que le JDN a pu révéler début juillet que la moitié des douze opérateurs de trottinettes parisiens avaient en réalité disparu de la capitale, pour plus ou moins longtemps.

Passés ces coups d'éclat estivaux, Fluctuo doit désormais trouver son modèle économique et ses clients. La start-up a d'abord tenté d'attirer les opérateurs de free-floating, en leur permettant d'avoir accès à des données sur leurs concurrents tout en leur garantissant que leurs propres données ne seraient pas divulguées. Elle a notamment convaincu la start-up franco-néerlandaise Dott (trottinettes), mais a finalement arrêté de publier des données par opérateur. Il est en revanche toujours possible pour les clients de l'API de récupérer ces informations par eux-mêmes, mais au prix d'un complexe travail d'analyse de données nécessitant une équipe de data scientists.

Une première beta test payante réunit des clients comme Dott, Bird et Renault

C'est justement pour faciliter la tâche de ses clients que Fluctuo a créé un second produit, le tableau de bord City Dive. Il interprète les données brutes remontées par l'API pour en tirer des informations, agrégées présentées de manière synthétique. Une première phase de beta test payante, menée du 15 juillet au 15 septembre, réunit une dizaine de clients, dont les opérateurs de trottinettes Dott et Bird, l'alliance Renault-Nissan, ou encore Smoove (maison-mère de l'opérateur des Vélib' à Paris). Le modèle économique envisagé est celui d'un abonnement, avec un prix encore à définir, mais qui devrait être de l'ordre de quelques centaines d'euros par mois par ville, avec des prix dégressifs pour plusieurs villes.

Pour chaque type de service et chaque ville, City Dive donne le nombre de trajets par jour sur les 30 derniers jours, leur répartition dans la journée, la taille des flotte cumulées des opérateurs, la densité de véhicules disponibles par quartier, les trajets les plus populaires, ou encore les zones où les véhicules sont les plus utilisés. Fluctuo devrait rapidement ajouter un système de comparaison entre les villes, très demandé par ses clients qui souhaitent choisir leurs prochains lieux d'implantation.

Se comparer à la concurrence

Autre fonctionnalité en préparation : permettre à chaque opérateur de comparer ses statistiques à la moyenne de ses concurrents présents dans une même ville. Un premier pas vers les données individualisées, car Fluctuo n'a pas abandonné son idée initiale de fournir des informations entreprise par entreprise, mais cette fois-ci avec leur accord. La start-up espère réussir à réunir la majorité des acteurs de chaque ville pour les convaincre qu'ils ont intérêt à cette transparence. D'autant que la loi mobilité (Lom) les forcera à terme à fournir un certain nombre de ces données, rappelle Julien Chamussy. "Ils ont conscience que cette bulle de protection de leurs données ne tient pas techniquement et, à terme, qu'elle ne tiendra pas juridiquement".

Ce qui risque de ne pas tenir non plus, c'est l'intérêt de l'offre de Fluctuo, si la loi permet un accès simple à ces données. "Il est vrai que l'effort sera moindre après la Lom", reconnaît Julien Chamussy. "Nous devons profiter de l'avance que nous avons aujourd'hui pour créer des produits à valeur ajoutée et construire des relations avec les entreprises du secteur". Le temps presse pour capitaliser sur cette avance : l'entrée en application de l'ouverture des données de transports en free-floating est prévue pour décembre 2020, au plus tard.

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