Le covoiturage attend les vacances et la fin du télétravail pour repartir

Le covoiturage attend les vacances et la fin du télétravail pour repartir L'activité reprend dans le secteur, mais demeure en baisse par rapport à l'année dernière. Le mois de septembre devrait lever de nombreuses inconnues.

Jamais complètement confiné, le covoiturage souffre encore du déconfinement. Si les services comme BlaBlaCar, Klaxit ou Karos ont continué à opérer durant le confinement, l'activité n'en fut pas moins quasiment réduite à néant. Peu étonnant avec des restrictions comme la limite des 100 kilomètres de déplacement, ainsi que l'interdiction de prendre un passager à l'avant et l'obligation de maintenir le siège du milieu vide entre les deux passagers à l'arrière. Des restrictions levées en juin (à l'exception du port du masque obligatoire) mais qui n'ont pas encore permis le retour à une activité normale.

Le niveau de cette reprise d'activité dépend en fait de la longueur des trajets. Sur le covoiturage longue distance, chasse gardée de BlaBlaCar, la reprise est plus rapide que ce qu'avait anticipé l'entreprise. Dans une interview au JDN mi-avril, son cofondateur et directeur général Nicolas Brusson disait s'attendre à "une reprise très lente sur 12 à 18 mois". Il est aujourd'hui moins pessimiste. "Nous sommes quasiment revenus en juin à un nombre de passagers similaire à celui de février". "Mais ce n'est pas une bonne mesure, car un mois de juin fait toujours beaucoup mieux qu'un mois de février, sans compter la croissance d'une année sur l'autre", reconnaît-il. Par rapport à juin 2019, le nombre de trajets réalisés sur BlaBlaCar est encore en baisse de 50%. L'entreprise espère un meilleur été que d'habitude grâce à une part de vacanciers restant en France supérieure à la normale, en raison des restrictions du transport aérien et des incertitudes sur les voyages à l'étranger.

Par rapport à juin 2019, le nombre de trajets réalisés sur BlaBlaCar est encore en baisse de 50%

Dans le covoiturage courte distance, un segment constitué en majeure partie de trajets domicile-travail depuis ou vers des zones périurbaines, la situation est plus compliquée, comme BlaBlaCar l'a constaté sur son appli de covoiturage courte-distance BlaBlaLines. "Il y a une nette différence de reprise sur BlaBlaLines, où nous n'avons retrouvé qu'un tiers de notre activité pré-covid', relève Nicolas Brusson. Même chose chez les deux plateformes spécialisées dans les covoiturages domicile-travail, Karos et Klaxit. La première a récupéré 45% de ses trajets en juin par rapport à avant le confinement. Klaxit a de son côté constaté de fortes évolutions hebdomadaires, explique son PDG Julien Honnart. "Nous étions à seulement 40% de l'activité hebdomadaire pré-confinement durant la troisième semaine de juin, puis 60% durant la quatrième et à présent 75% sur la première semaine de juillet." Selon lui, l'arrêt le 22 juin des régulations sanitaires limitant le nombre de passagers a énormément joué.

Cependant, le retour au travail des utilisateurs demeure timide, bien qu'en augmentation, constate Olivier Binet, fondateur de Karos. "Nous pouvons analyser via notre appli les déplacements domicile-travail de nos utilisateurs même lorsqu'ils utilisent d'autres moyens de transport. Seulement 15% de notre base historique se déplaçait pour aller travailler en mai. En juin, nous sommes à 40%.". L'activité devrait toutefois se calmer en juillet pour le segment courte-distance avec le début des départs en vacances.

Récupérer les usagers des transports publics

Sur toutes les distances, le véritable test sera en septembre. BlaBlaCar devra démontrer que le retour des utilisateurs se poursuit au-delà d'un été exceptionnel. Et les plateformes courte-distance espèrent un retour à la normale, avec une reprise plus massive du travail en présentiel. Mais de nombreuses inconnues subsistent, notamment l'influence du confinement sur une pratique plus courante du télétravail, qui réduirait l'utilisation des plateformes. Il faudra aussi voir si la baisse de la part  modale des transports en commun se confirme à long terme, et à quels autres moyens de transport elle profitera.

Les opérateurs sont persuadés qu'ils tireront parti de ce report éventuel. "Si nous récupérons 75% de notre activité alors que beaucoup d'employés sont encore en télétravail, c'est bien qu'il y a de la croissance", affirme Julien Honnart. De son côté, Olivier Binet remarque qu'avant le confinement, 25 à 30% des utilisateurs de Karos qui effectuaient des déplacements domicile-travail le faisaient régulièrement avec Karos, contre environ 40% aujourd'hui. Ce qui pointerait également vers une utilisation accrue du covoiturage chez certains utilisateurs. Pour Nicolas Brusson, le risque est que cette redistribution des parts de marché du transport profite aussi à la voiture individuelle. "Les mois de septembre et octobre seront probablement très pénibles, avec d'énormes bouchons", anticipe-t-il. "Il y aura du travail à faire sur l'incitation au covoiturage". Du travail, mais aussi des opportunités.