Antoine Lieutaud (Kapten) "Kapten se lancera à Bordeaux et à Lille d'ici la fin de l'année"

Alors que son appli s'apprête à disparaître au profit de celle de sa maison-mère Free Now, l'ex-Chauffeur Privé, qui snobait le marché français hormis Paris, Lyon et Nice, entame son expansion hexagonale.

JDN. L'ancien PDG et cofondateur de Kapten, Yan Hascoët, estimait qu'il n'était pas assez intéressant de se lancer ailleurs qu'à Paris, Lyon et Nice en France, préférant travailler sur l'international. Vous annoncez votre arrivée à Bordeaux et Lille d'ici la fin de l'année. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?

Antoine Lieutaud est le directeur général de Kapten en France. © Kapten

Antoine Lieutaud. Le constat de Yan était totalement valable il y a deux ans. Mais depuis, la notoriété de Chauffeur Privé puis Kapten a augmenté dans tout l'Hexagone. L'effort nécessaire pour recruter des chauffeurs et des clients est plus faible qu'il y a deux ans. Nous avons tellement avancé en termes de courses et de notoriété qu'une demande naturelle s'est construite dans d'autres villes françaises dans lesquelles nous ne sommes pas encore présents. Nous avons mené des expériences en ce sens dans plusieurs villes. Par exemple à Lille, il nous a suffi d'activer la possibilité de commander des courses pour recevoir des dizaines de demandes par jour de nos utilisateurs arrivant à la gare. De la même manière, nous nous sommes rendus compte pendant le confinement que des chauffeurs VTC lillois s'étaient inscrits chez Kapten pour venir faire des courses en Ile-de-France le weekend.

Ce qui a changé, c'est aussi que vos concurrents comme Uber, Bolt ou Heetch se sont déjà implantés dans ces villes et y ont donc déjà constitué un vivier de chauffeurs que vous pouvez mettre à profit...

Vous avez raison. Il ne faut pas nier que la présence d'Uber dans plusieurs villes en France nous aide, car les chauffeurs et les utilisateurs sont déjà habitués aux VTC. Mais cela est bien en place dans ces villes depuis au moins trois ou quatre ans.

Prévoyez-vous d'autres lancements en France ? 

Nous allons d'abord nous concentrer sur Bordeaux et Lille cette année. Mais nous n'avons pas l'intention de nous arrêter là, d'autres villes comme Marseille ont du potentiel. Nous nous pencherons sur d'autres lancements en 2021, mais je ne peux pas encore vous dire combien.

Vous annoncez également la disparition de l'appli Kapten au profit de celle de votre maison-mère Free Now - une joint-venture entre BMW et Daimler dans les services de mobilités. Comment la transition va-t-elle s'opérer ?

"Après le 22 septembre, il ne sera plus possible de commander des courses sur Kapten"

Lorsque vous ouvrirez l'application Kapten à partir du 22 septembre, elle vous proposera une migration assistée vers Free Now en vous faisant télécharger l'appli puis y déplacer toutes vos données. Mais une fois la migration effectuée, il ne sera plus possible d'utiliser Kapten. Cette phase de transition durera seulement quelques heures. Après cela, plus personne ne pourra commander de courses sur Kapten. L'appli servira seulement à effectuer la migration vers Free Now.

Les utilisateurs pourront y retrouver tout leur historique Kapten et les mêmes fonctionnalités comme le programme de fidélité et la réservation à l'avance. Ainsi que de nouvelles capacités offertes par l'appli Free Now. Par exemple, la possibilité de définir des chauffeurs favoris, auxquels seront proposées en priorité les courses réservées à l'avance ou en temps réel s'ils se trouvent à proximité. Nous allons aussi renforcer la multimodalité de l'application en intégrant des solutions de micromobilité, ce que fait beaucoup Free Now ailleurs en Europe. A commencer par l'opérateur de vélo électriques finlandais Bond Mobility, déjà présent dans Free Now à Hambourg et Berlin, et qui se lancera à Paris mi-octobre.

Ce genre de migrations laisse toujours des utilisateurs sur le carreau. Cela ne vous fait pas peur ?

Oui, il y a un risque de perte d'utilisateurs. Mais nous préparons cette migration depuis huit mois et l'avons déjà effectuée au Portugal et au Royaume-Uni. La France est le dernier pays où Kapten n'était pas encore devenu Free Now. Nous avons analysé tous nos segments d'utilisateurs afin d'identifier puis cibler avec de la publicité ceux qui ne feraient pas la migration afin de les faire revenir.

"Nous espérons faire passer notre part de marché en France de 20 à 30% d'ici fin 2021"

Que reste-il de l'ex-Chauffeur Privé en France après les licenciements, le transfert des postes de décision en Allemagne, et désormais la disparition de l'appli ?

Il reste toute l'équipe locale France telle qu'elle a toujours existé chez Kapten, cela représente 90 personnes. Une partie de l'équipe internationale, soit 40 personnes, est restée dans nos locaux, ainsi que l'ancien PDG de Kapten Sébastien Oebel, devenu directeur opérationnel de Free Now. En revanche, notre hub technique, soit 150 personnes, a été fermé et les salariés licenciés. Les hubs techniques de Free Now se trouvent à Hambourg et Barcelone. Au total, il reste donc 130 postes.

Où en êtes-vous de la reprise d'activité de votre service après la chute de la demande durant le confinement ?

Sur le mois de septembre en cours, nous sommes à environ 80% de l'activité à la même période en 2019. Nous faisons face à un plafond de verre qui pour moi est celui de la vie nocturne. Tant que ces établissements n'auront pas rouvert, nous ne pourrons pas récupérer les mêmes volumes qu'avant. Malgré cela, la période qui s'ouvre sera cruciale pour nous. Avec la migration, nous espérons faire passer notre part de marché VTC en France de 20 à 30% d'ici fin 2021. Kapten n'a aujourd'hui que 3% de sa clientèle originaire de l'étranger. Nous pensons pouvoir la faire monter à 15-20%. Car à présent, les utilisateurs de Free Now, présent dans 10 pays et 100 villes, pourront accéder à notre service sans changer d'appli lors de leur séjour en France. Enfin, nous nous donnons pour objectif de devenir rentables sur toute l'année 2021, après avoir connu quelques mois de rentabilité en 2020.

Antoine Lieutaud est le directeur général de Kapten en France depuis février 2019, après y avoir été directeur opérationnel puis directeur des relations clients et chauffeurs depuis 2015.