La charte pour les plateformes VTC : un dispositif qui oublie l'essentiel

La loi LOM (Loi d'Orientation des Mobilités) prévoit la possibilité pour les plateformes VTC de mettre en place une charte de responsabilité sociale. Cette mesure va dans le bon sens mais oublie pourtant l'essentiel : le respect de l'indépendance des chauffeurs.

Lorsque l’on regarde les publicités des plateformes VTC pour recruter des chauffeurs, les phrases "devenez votre propre patron" et "soyez indépendants" reviennent souvent. Elles répondent en effet à une aspiration profonde de l’être humain : le besoin de liberté. Qui n’a jamais rêvé d’être son propre patron et d’avoir la capacité de développer de manière autonome son activité ?

Malheureusement le chauffeur qui succombe à cette promesse déchante rapidement. Il se rend compte que la seule liberté qu’il a est celle de choisir ses horaires de travail. Pour le reste, il ne peut pas choisir ses prix, ne peut travailler sous son nom ou encore fidéliser une clientèle. En somme, le chauffeur n’est pas considéré comme un entrepreneur indépendant ou un patron, mais comme un simple exécutant.

Plus encore, le chauffeur a beau travailler dur, il ne pourra pas faire fructifier un fonds de commerce comme le pourrait un indépendant qui se constitue un capital. En effet, il n’a aucun lien durable avec les clients : le jour où sa relation avec la plateforme s’arrête, il perd sa clientèle. Il n’a par ailleurs aucune part de la valeur de la plateforme. Uber a beau valoir 80 milliards de dollars en Bourse, les chauffeurs n’ont rien perçu de cette valeur.

Travailler pour une plateforme c’est donc entrer dans un monde régenté où le chauffeur ne peut ni prétendre à la liberté entrepreneuriale, ni se constituer un capital. On comprend dès lors que ce n’est pas une charte qui va changer cette situation. Il faudrait plutôt que les plateformes VTC agissent à deux niveaux :

En premier lieu, rendre aux chauffeurs leur liberté. Un chauffeur est un indépendant, et cette notion n’a de sens que si sa liberté est respectée. Au-delà du choix des horaires de travail, le chauffeur doit donc retrouver la maîtrise de l’ensemble des leviers pour gérer son activité : fixation des prix, choix d’accepter ou de refuser une course et possibilité de fidéliser une clientèle.

En second lieu, faire en sorte que les chauffeurs puissent se constituer un capital. Pour y parvenir, les plateformes doivent mettre en place des plans d’intéressement permettant aux chauffeurs qui s’investissent le plus dans leur activité de recevoir des parts de la plateforme.

Ces deux conditions sont nécessaires pour que les travailleurs des plateformes VTC ne soient plus considérés comme des exécutants, mais comme de véritables entrepreneurs. A l’heure où les préoccupations sociales et environnementales prennent une importance croissante, où le modèle des plateformes VTC est remis en question par les instances juridiques de plusieurs pays, peut-être est-il venu le temps pour les plateformes de se repenser.