Bird change de modèle pour amener ses trottinettes dans les petites villes

Bird change de modèle pour amener ses trottinettes dans les petites villes Pour se délester des coûts de la maintenance et de la recharge, Bird signe des accords de partage de revenus avec des entreprises de logistique locales, même dans des grandes villes comme Marseille.

C'était une autre époque. Avant le covid et en pleine frénésie dérégulée des trottinettes en France. De passage dans l'Hexagone en juillet 2019, le PDG de la start-up américaine de trottinettes en libre-service Bird, Travis Vanderzanden, promettait d'embaucher mille personnes en France et de mettre fin à l'emploi d'autoentrepreneurs pour acheminer et recharger ses trottinettes. "Nous emploierons directement les équipes qui s'occupent des réparations et de la recharge de nos trottinettes", promettait-il dans une interview au JDN. Presque deux ans plus tard, le contexte a bien changé. Bird fait partie des perdants du passage à des marchés régulés par appels d'offres en France. Elle a perdu Paris, au profit de son grand rival Lime, ainsi que Dott et Tier. Ces deux dernières start-up lui ont aussi ravi le marché lyonnais. Bird peut tout de même se consoler avec Marseille, même s'il s'agit d'un marché nettement moins important. Pour faire face à la chute de ses revenus pendant la première vague de confinements en 2020, l'entreprise a licencié 30% de ses effectifs.

Pour s'adapter à ces réalités et aller chercher de nouvelles opportunités de croissance alors que les gros marchés français sont presque tous verrouillés, Bird courtise désormais des petites et moyennes villes de l'Hexagone. L'entreprise annonce ainsi avoir remporté des contrats avec deux communes : Orange (Vaucluse, 30 000 habitants) à la suite d'un appel d'offres, et Villemomble (Seine-Saint-Denis, 30 000 habitants) sous la forme d'une expérimentation qui n'a pas nécessité de mise en concurrence.  Une centaine d'appareils seront déployés dans chaque ville. Elles rejoignent d'autres communes de même envergure glanées ces derniers mois, comme Brétigny-sur-Orge (Essone), Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne) ou encore Viry-Châtillon (Essonne). "Nous comptons nous lancer dans 12 villes (en comptant Orange et Villemomble, ndlr) en France et 50 en Europe cette année, dont une partie seront de petites et moyennes villes", explique Renaud Fages, un Français basé aux Etats-Unis et directeur des opérations mondiales de Bird.

Les prestataires deviennent partenaires

Pour réussir à servir des marchés de petite taille, Bird a changé de modèle économique. Comme ses concurrents, l'entreprise a arrêté d'utiliser des autoentrepreneurs. La plupart des autres acteurs du secteur ont internalisé leur logistique ou fait appel à des entreprises prestataires spécialisées avec des employés en CDI. Contrairement à sa promesse de 2019, Bird n'a pas embauché les personnes responsables de ses opérations. A la place, elle a noué des partenariats avec des acteurs de recharge et de logistique locaux, mais pas en tant que prestataires. "C'est un modèle de partage de revenus dans lequel nous apportons notre marque et notre technologie, tandis que nos partenaires s'occupent d'opérer le service", précise Renaud Fages.  

Un certain flou, que Bird refuse de dissiper, entoure toutefois ce modèle. L'entreprise n'a pas souhaité expliquer au JDN si elle touchait une commission minoritaire ou majoritaire, ni si elle fournissait gratuitement, louait ou vendait ses trottinettes à ses partenaires. On peut toutefois supposer que l'entreprise ne touche qu'une commission minoritaire, à la manière d'autres plateformes monétisant technologies et mise en relation. Bird nous apprend en revanche que ce modèle ne concerne pas seulement les petites villes : la start-up fonctionne également ainsi à Marseille et dans d'autres grandes villes dans le monde.

Moins de volumes et moins de concurrence

L'intérêt de ce modèle pour Bird est de se rapprocher davantage d'une pure plateforme, délestée des coûts d'opération de son service, à la manière d'un VTC. A la différence que l'entreprise continue d'investir dans la R&D de ses véhicules et conserve un certain contrôle sur l'organisation du service, qui doit respecter un cahier des charges. "Le fait de ne pas avoir à tout gérer nous-mêmes nous permet de descendre sur des villes avec de plus petites flottes ", confirme Renaud Fages. Bird estime ainsi pouvoir opérer des flottes d'une centaine de trottinettes au minimum, là où le modèle habituel nécessite plutôt 500 appareils pour dégager des revenus suffisants. Autre avantage, le monopole, car ces petites villes ne choisissent en général qu'un opérateur, afin de s'assurer d'atteindre une masse critique d'utilisateurs suffisante.  

Toutefois, puisque les flottes sont bien plus petites, ce modèle nécessite d'aller chercher beaucoup plus de villes clientes pour générer du chiffre d'affaires. Par ailleurs, les villes très denses permettent des taux d'utilisation quotidiens plus important des trottinettes. Un appareil qui peut générer 5 ou 6 trajets par jour est bien plus rentable que celui qui n'en génère qu'un ou deux. En clair, il faudra un sacré nombre d'Orange et de Villemomble pour compenser les pertes de Lyon et Paris.