Les entrepreneurs français des mobilités à l'école des start-up internationales

Les entrepreneurs français des mobilités à l'école des start-up internationales Les fondateurs de start-up françaises de mobilités ont fait leurs classes auprès d'Uber, Bolt et autres Ofo. Un tour de chauffe instructif pour monter leur propre boîte.

Quoi de mieux que d'apprendre des plus grands avant de se lancer ? Lorsque l'on s'intéresse au profil des nouveaux entrepreneurs des mobilités, on remarque un parcours commun chez nombre d'entre eux : un passage dans des grandes start-up de mobilités internationales comme Bolt, Bird, Ofo et bien sûr Uber, pour lesquelles ils ont lancé de nouveaux marchés. Une première expérience d'entrepreneuriat accompagnée par une grosse structure qui leur servira par la suite pour se lancer, cette fois-ci sans filet.  

Pour certains, ce parcours était calculé. "J'ai toujours voulu monter une boîte, j'avais une idée de business lorsque je travaillais chez McKinsey", mais finalement je ne l'ai pas lancée car j'ai été contacté au même moment par Taxify (devenu Bolt, ndlr)", se souvient Henri Capoul, premier directeur général de Bolt en France au lancement du VTC estonien en France 2017. "Je me suis dit que ce serait un bon intermédiaire pour apprendre à lancer une boîte dans une structure en forte croissance." Il a ensuite fondé l'appli de livraison de courses Cajoo en 2020.

Même stratégie pour Driss Ibenmansour, fondateur en 2021 de la start-up de vélos électriques par abonnement Bloom. Il a lancé les marchés marocain d'Uber et espagnol d'Ofo, une start-up chinoise de vélos en libre-service dont l'ascension fut aussi fulgurante que sa chute en Europe en 2018-2019.Il a ensuite accompagné la croissance de Bird en France pendant un an et demi entre 2019 et 2020. Du côté d'Henri Moissinac, fondateur de la start-up de trottinettes en libre-service Dott, et ancien directeur européen d'Ofo, après un passage chez Uber, les choses furent plus fortuites. "Je n'avais pas de plan de carrière particulier, je me trouvais juste au bon endroit au bon moment".  

Manuel de lancement

A travers ces expériences, les entrepreneurs ont appris comment lancer un marché en partant de zéro, les techniques marketing pour faire la promotion du service et expliquer son fonctionnement, ou encore les préparations opérationnelles et légales nécessaires au lancement. Les méthodes de recrutement de ces grands noms sont aussi des sources d'inspiration. "Après être passés par ces ces start-up, c'est comme si nous avions un manuel avec tous les processus à mettre en place", résume Henri Moissinac. "Nous savons quel genre de profils recruter, comment structurer les équipes, quelles priorités nous donner au début..."

C'est aussi l'occasion d'apprendre des erreurs de ces grandes sociétés, de l'échec cuisant d'Ofo aux arrivées à la hussarde d'UBer et Bird en France, en passant par les lancements de produits ratés de Bolt. "L'une des erreurs d'Ofo et Bird était de penser que les modèles chinois et américain étaient réplicables partout à l'identique, alors que les marchés de la mobilité sont hyper locaux", analyse Driss Ibenmansour. "J'ai appris chez Bolt à tester des choses et à ne pas hésiter à les arrêter rapidement si ça ne marchait pas", ajoute Henri Capoul.  

Copier le meilleur, évacuer le pire

Pour Henri Moissinac, cet inventaire des échecs a même fait partie du raisonnement pour lancer Dott. "Avec mes cofondateurs (également passés par Ofo, ndlr) sommes partis d'une page blanche avec trois colonnes : ce que nous avions aimé dans ces boîtes et que nous voulions répliquer, ce que nous n'aimions pas et ne voulions pas répéter, et ce que nous pourrions faire que les Américains ou les Chinois ne comprendraient jamais". "Nous nous sommes inspirés des valeurs d'entrepreneuriat, de cet optimisme qui veut que tout soit possible et des méthodes de recrutement. Nous ne voulions en revanche pas répliquer cette manière d'arriver sur les marchés sans consulter les villes, comme l'a fait Uber avant d'être imité par Bird et Lime. Et côté innovation, il y avait le fait de gérer toutes nos opérations en interne, une hérésie pour les Américains à l'époque." 

Dernier avantage pour se lancer après être passé dans ces grandes start-up : le réseau. "Ce sont des entreprises qui attirent des profils de grande qualité", explique Driss Ibenmansour. "Il y a une sorte d'Uber Mafia (en référence à la PayPal Mafia, ndlr). Une fois qu'on quitte l'entreprise, on a accès à ce réseau." Il a d'ailleurs trouvé chez des anciens d'Uber des investisseurs pour l'aider à lancer Bloom. Quant à Dott, ses deux co-fondateurs viennent de chez Ofo, tout comme une bonne partie de l'équipe de lancement. Alors que l'employeur d'hier peut devenir le concurrent de demain, les anciens collègues se muent en partenaires.