Donnons à tous l'opportunité de réduire l'impact carbone de ses déplacements

Plus de 2 500 décès prématurés par an sont imputés au seul dioxyde d'azote, polluant directement lié au trafic routier. Dire qu'il est temps d'agir est un euphémisme, et nous devons embarquer tout le monde, sans distinction.

Le 14 octobre était la journée de la qualité de l’air en France. Un véritable enjeu de santé publique, puisque la revue scientifique The Lancet place la capitale à la 4e place des villes d’Europe les plus endeuillées par les polluants respirés. Plus de 2 500 décès prématurés par an sont imputés au seul dioxyde d’azote, polluant directement lié au trafic routier. Dire qu’il est temps d’agir est un euphémisme, et nous devons embarquer tout le monde, sans distinction. Deux ans après le mouvement des Gilets jaunes et alors que les prix de l’essence connaissent une flambée sans précédent, rappelons-nous que la baisse des émissions carbone ne pourra se faire sans les automobilistes les plus modestes. Alors qu’il est question de verdir la flotte automobile, et si on pensait à verdir les usages ?

Réduire ses émissions sans changer de voiture, c’est possible

Rappelons une évidence : dans des zones rurales et périurbaines, où les réseaux de transports en commun sont inégaux, la voiture individuelle reste reine. Parce qu’elle représente un gain de temps et d’argent, et faute d’alternative crédible, elle est devenue un mal nécessaire.

Dans ces territoires, pour lesquels les trajets domicile-travail font souvent plus d’une vingtaine de kilomètres, substituer un autre mode de transport à la voiture demeure encore compliqué. Et c’est pourtant un usage de la voiture sur une courte distance qui est souvent pointé du doigt. S’il est impossible de changer de mode de transport du quotidien, alors tâchons de verdir son usage ! Le covoiturage domicile-travail présente l’avantage de diviser par deux les émissions de CO2 pour les ménages dépendants de la voiture : en dehors des villes, c’est une solution de mobilité durable.

Autre avantage dans des zones plus denses, chaque covoitureur participe activement au désengorgement des grands axes aux heures de pointe. Lutter contre la thrombose automobile quotidienne peut avoir un impact considérable sur la pollution de l’air. Chaque jour, des centaines de milliers de français covoiturent déjà. C’est une belle victoire, mais c’est encore trop peu : la part modale du covoiturage est inférieure à 3%[1]. La ville de Paris estime qu’en passant de 1,2 à 1,7 conducteur par voiture, le trafic deviendrait fluide, sans générer de pic de pollution.

Penser des zones inclusives à faibles émissions

La traversée d’un centre de grande ville en voiture est en passe de devenir un chemin semé d’embûches. Depuis 2019, et la Loi d’Orientation des Mobilités, les métropoles de plus de 150 000 habitants vont devoir se doter d’une Zone à Faibles Émissions (ZFE) d’ici fin 2024. C’est déjà le cas dans la métropole du Grand Paris, qui a exclu en juin dernier les vignettes Crit’Air 5 et 4 de la ZFE pour limiter la pollution dans l’enceinte du périphérique. Lyon, Strasbourg et Grenoble sont les prochaines sur la liste.

En limitant l’usage de la voiture personnelle, alors que 7 Français sur 10 se rendent au travail en voiture[2], les ZFE sont un pilier clé de la décarbonation de la mobilité dans les centres urbains. Contraignantes oui, mais nécessaires ! En plus de limiter l’usage de la voiture et la pollution qui en résulte, elles garantissent le sain développement des mobilités douces.

Si à l’échelle du territoire les bénéfices sont évidents, à l’échelle individuelle, la ZFE est très concrète et impacte directement les habitudes de mobilité. Les principaux concernés ? Les ménages les plus modestes, pour qui il est difficile de changer de véhicule, même après les nombreuses aides prévues par l’Etat. Le principe des ZFE étant en effet de miser sur un renouvellement du parc de véhicules, pour accélérer une transition vers le tout électrique. Ce renouvellement prendra des années : devant l’urgence, accélérons la lutte contre la pollution en travaillant sur le taux d'occupation des véhicules.

Des collectivités comme les régions Ile de France, Pays de la Loire, la Réunion, le département de l’Aube ou même des métropoles comme Toulouse ou Cholet font déjà du covoiturage une brique essentielle de leur bouquet de mobilité. Elles rendent possible des trajets intermodaux, vers une gare, depuis la périphérie en rabattement vers la ZFE : y covoiturer devient aussi simple que prendre un bus, avec un pass de transport.

Suffisant pour faire passer la pilule ZFE ? Oui, le couple ZFE et covoiturage, en alignant enjeu écologique et préservation du pouvoir d'achat, peut faire accepter la ZFE chez certains automobilistes. Pour les conducteurs, le covoiturage permet en effet de réduire leurs frais de déplacement (100€ nets par mois en moyenne) et pour les passagers, laisser leur voiture au garage est une vraie économie. C’est une réelle solution alors que la lutte contre la pollution ne peut pas se faire au prix de sacrifices pour les ménages, en particulier pour les millions de citoyens pour qui c’est un mal nécessaire.

Alors, comment réussir à embarquer les citoyens les plus modestes dans la lutte contre la pollution ? Comment maîtriser les conséquences sociales ? En favorisant des mobilités durables qui n’impactent pas directement le pouvoir d’achat, mais qui allient enjeux écologiques généraux et intérêts financiers personnels : laisser sa voiture au garage pour le vélo quand on le peut, prendre des covoitureurs sur son trajet domicile-travail, préférer les transports en communs quand on est seul. Il s’agit de rendre la transition la plus rapide et douce possible, et à cet égard, le covoiturage courte distance est un outil idéal.

Collectivités, et si on rendait les Zones à Faibles Émissions inclusives ?

[1] Source : Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, 2020

[2] Source : INSEE, 2020