Banques et fintech, l'impossible accord ?

Au-delà de cultures aussi sensiblement éloignées, le partenariat banque - fintech se heurte au vieillissement des infrastructures, à la complexité des processus commerciaux et au timide développement de l'automatisation.

Le World Fintech Report 2020 paru au premier semestre 2020, conduit concurremment par Capgemini et l'EFMA, illustre avec précision les difficultés que rencontrent les banques dans leurs collaborations avec les fintech. Affichée comme un partenariat gagnant en vue de développer de nouveaux modèles bancaires, cette relation encore toute jeune rencontre plusieurs points de friction. Simples difficultés de parcours ou obstacles insurmontables ?

La digitalisation des clients accélère

Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, le martèle : les entreprises, en particulier les TPE, PME et ETI, vont accélérer leur digitalisation et des moyens seront mis sur la table pour les y aider. Si les délais pour y parvenir peuvent paraître courts (deux ans, c’est ambitieux), les pronostics sont sans appel. Les acteurs de la banque et du paiement au sens large s’attendent à de nouvelles exigences chez leurs clients professionnels qui auront réussi leur transformation.

Or, pour offrir une réelle expérience bancaire multicanale consolidée à leurs clients BtoB, les banques voient majoritairement deux solutions : transformer leurs méthodes et leur organisation pour adapter l’ensemble de leur offre ou bien s’associer à une fintech.

Deux voies perçues comme concurrentes. L’une séduisante, l’autre a priori aux effets plus véloces. Mais il ressort clairement des réponses compilées par le World Fintech Report 2020 que l’une ne va pas sans l’autre, au risque d’accumuler plus de frustration que de résultat. 

Collaboration banques-fintech : des frustrations en toile de fond

Le rapport fait état d’un véritable choc des cultures et de l’incapacité des acteurs à consolider  d’une façon ou d’une autre une stratégie commune. Que les désaccords soient d’ordre culturel ou organisationnel, l’entièreté des processus (évaluation, décision, validation, niveau de prise de risque, niveau d’acceptation d’un taux d’échec) est remise en question au cours d’une collaboration entre une banque et une fintech.

En conséquence, seuls 6% des répondants côté banque ont obtenu le ROI qu’ils s’étaient fixé. Côté fintech, plus de la moitié du panel interrogé regrette le choix de son partenaire bancaire, lui reprochant en particulier la lenteur voire le blocage (récurrent) de ses processus.

Attente du consensus versus prise de risque et itération, ce n’est pas une grande nouveauté. C’est pourtant sur la résolution de ces points d’achoppement que se construira l’industrialisation de l’innovation à long terme. À plus court terme, il s’agit pour ces établissements de concevoir une gamme de services et de commodités répondant à des critères perçus comme relativement ordinaires désormais : des offres peu coûteuses, et des services facilement accessibles, fonctionnels et personnalisés.

Les conditions de la capacité à collaborer

Au-delà de cultures aussi sensiblement éloignées, le partenariat banque - fintech se heurte au vieillissement des infrastructures, à la complexité des processus commerciaux et au timide développement de l’automatisation. Et ce, malgré les importants investissements déjà réalisés. Or, pour introduire des solutions innovantes, encore faut-il avoir préparé le terrain pour le rendre accueillant. Et cela passe par la connaissance précise de ses forces et faiblesses.

Les banques prêtes à entrer en collaboration avec des fintech offrent-elles un terrain  propice à l’épanouissement de la relation ? Pour le savoir, il faut se mesurer. Des outils de benchmarking propres à l’évaluation de sa capacité à collaborer à l’échelle des fintech existent. Ils évaluent la maturité des grands établissements à divers niveaux : l’engagement des collaborateurs pour le changement, les piliers technologiques mis en place, les budgets requis, les temps de réaction, etc…

L’établissement bancaire collaboratif type dispose d’une équipe autonome dédiée aux partenariats et non soumise aux processus de validation traditionnelle. Il sait également s’affranchir de la dépendance à certains systèmes trop peu évolutifs et investit dans des technologies émergentes capables d’intégrer une fintech de manière fluide. En face, les fintech doivent apprendre à mesurer le besoin (et les éventuelles contraintes) de changement des acteurs de la banque. Innover, c’est aussi savoir accompagner ses partenaires dans leurs évolutions.

L’illusion d’une concurrence, la réalité d’une complémentarité

Partenaires justement, et non concurrentes, les banques et les fintech sont trop souvent présentées comme évoluant dans un univers semblable. Or, une fintech est d’abord une entreprise de services numériques, dont l’ADN est technologique avant d’être financier. La banque, de son côté, porte un héritage qui la destine à continuer d’offrir du core banking et à améliorer encore et toujours ce qu’elle sait faire le mieux : crédit, investissement, dépôts, gestion du risque et dans une certaine mesure, valorisation de ses données. 

Les moyens de paiement les plus modernes sont par nature des projets technologiques. Opérer cette distinction forte permettrait d’aplanir les difficultés et d’accorder à la fintech partenaire toute la place qu’elle mérite, sans chercher à lui appliquer des méthodes qui lui sont inadaptées.