Open banking : scoring et virements sortent du bois

Open banking : scoring et virements sortent du bois Plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la directive sur les services de paiement, la DSP2, de nouveaux services et sociétés émergent en France.

L'open banking a bien grandi. Depuis l'entrée en vigueur de la directive sur les services de paiement (DSP2) en janvier 2018, qui oblige les banques à ouvrir les données de paiement de leurs clients à des acteurs tiers, les services d'agrégation de comptes bancaires fleurissent. Après plus de deux ans de bataille réglementaire entre fintech et banques et de chantiers techniques colossaux, les API sont désormais plus ou moins conformes. Et donc utilisables pour créer de nouveaux services. "Nous ne sommes qu'au début de l'open banking. Les Français commencent seulement à bien vouloir partager leurs données bancaires à d'autres acteurs", observe Julien Maldonato, associé conseil industrie financière chez Deloitte France.

Exemple avec le crédit scoring. D'après une étude de la plateforme d'open banking suédoise Tink portant sur 2020, près de 39% institutions financières françaises investissent dans cette technologie, qui consiste à analyser le risque d'une demande de crédit. "De nombreux clients nous utilisent pour faire du scoring. En Suède, ce modèle est devenu le standard du marché", indique Jérôme Albus, patron de Tink France.

Soit les institutions financières font appel à des sociétés comme Tink, soit elles passent par des prestataires encore plus spécialisés, comme Fintel. Créée en 2019, cette start-up française permet aux institutions financières d'automatiser l'analyse de crédit. Lors du parcours de souscription d'un prêt, la technologie de Fintel permet de se connecter à l'historique des relevés bancaires du consommateur, ce qui permet de réduire la fraude, le risque de crédit et les coûts d'exploitation. A ce jour, elle compte moins de dix clients dans son portefeuille dont des acteurs du courtage en crédit immobilier, des établissements de crédit et des acteurs du leasing automobile.

La start-up Mansa, qui a lancé son activité de prêt aux indépendants début 2020, utilise de son côté les API DSP2 de Bridge, la marque BtoB de Bankin', pour vérifier la solvabilité de ses clients. "L'open banking permet de prendre des décisions plus rapides et d'avoir de la donnée fiable", explique Ali Rami, CEO de Mansa. Mais tout ne peut pas encore passer par les API. "De nombreuses banques ne sont pas encore compliant et d'autres ne proposent que trois semaines d'historique, ce qui ne nous permet pas de prendre une décision. Dans 20 à 30% des cas, on ne peut pas utiliser l'open banking", raconte Ali Rami, qui a développé un outil de reconnaissance des caractères qui extrait les données d'un relevé bancaire. "Pour beaucoup d'organismes de crédit, c'est plutôt un score complémentaire qu'un score de remplacement, car on n'a pas encore de fiabilité absolue", souligne Julien Maldonato.

Fintel propose également une solution de paiement fractionné qui s'intègre aux pages de paiement des sites e-commerce. Grâce aux API, elle vérifie la probabilité de défaut du consommateur en se connectant à son compte bancaire. Pour ses deux produits, Fintel facture une licence en fonction du nombre d'analyses de crédit.

Se passer de Mastercard et Visa

L'autre grande nouveauté dans le monde de l'open banking est l'initiation de virement (ou paiement), qui, comme son nom le suggère, permet d'initier un virement depuis et vers n'importe quel compte bancaire. Bankin' ou encore Lydia proposent déjà ces fonctionnalités depuis quelques temps sous certaines conditions. Désormais, l'initiation de virement s'immisce dans la sphère BtoB et BtoBtoC. Bridge et Linxo viennent tous deux de sortir des solutions pour des usages bien spécifiques. Le premier concerne les e-commerçants. Concrètement, quand un consommateur arrive sur la page de paiement d'un site, il peut choisir de régler par virement. Un avantage pour le marchand qui n'aura pas besoin de payer la commission Mastercard ou Visa. Bridge est en train d'intégrer ce mode de paiement chez "un des leaders du e-commerce" en France mais ne souhaite pas dévoiler son nom. Linxo travaille de son côté sur une solution en magasin, via un système de QR code à scanner en caisse. "Cette solution sera encore plus intéressante avec le virement instantané", estime Bruno Van Haetsdaele, patron de Linxo. Seul hic, toutes les banques françaises ne proposent pas encore l'instant payment, et surtout, font payer entre 80 centimes et 1 euro la transaction. Alors qu'un paiement par carte coûte zéro euro au consommateur.

Les solutions de Bridge et Linxo sont aussi disponibles pour le paiement des salaires ou des factures. Le système est le même que pour un particulier : un lien de paiement par virement apparaît au sein du logiciel de facturation ou de paie utilisé. Tous les champs, dont l'IBAN, sont automatiquement pré-remplis. Les start-up Payfit (paie) et Pennylane (comptabilité) utilisent déjà la solution de Bridge. "Nous facturons au nombre de paiements initiés et nous pouvons aussi prendre un pourcentage sur la valeur du virement. Le risque n'est pas le même quand une entreprise veut payer des salaires que lorsqu'une personne veut acheter des chaussures", détaille Joan Burkovic, CEO de Bankin'.

L'étude de Tink montre que d'autres services sont développés grâce à la DSP2 : gestion des abonnements, identité numérique (lié à l'authentification forte qui entre progressivement en vigueur depuis le 1er octobre), contrôle des transactions, comparaison de produits… Sans compter que la DSP2 pourrait bientôt avoir un successeur. En septembre dernier, la Commission européenne a publié sa stratégie fintech dans laquelle elle évoque la mise en place d'un cadre réglementaire "d'open finance" d'ici 2024. Comprendre : l'ouverture de toutes les données bancaires.