La SPAC, une solution pour avoir plus de licornes en France

Les licornes, start-up valorisées à plus d'1 milliard de dollars, ont du mal à voir le jour dans notre pays. A ce jour, il y en aurait 300 licornes dans le monde, répartie entre les Etats-Unis et la Chine. La SPAC, véhicule d'investissement, pourrait être l'une des solutions à ce problème.

Une SPAC (Special Purpose Acquisition Company) est une société, généralement sans activité opérationnelle, dont les titres sont émis sur un marché boursier, dont l’objet social est l’acquisition (ou la fusion) d’une ou plusieurs sociétés dans un secteur spécifique, avant une échéance prédéterminée. L’intérêt principal est d’offrir un accès rapide à une cotation, avec moins de contraintes qu’une introduction en bourse classique.

Il est incantatoire de vouloir développer le nombre de Licornes en France, pour une raison simple : la taille du marché. C’est l’un des points fondamentaux qui permettent aux start-up américaines de se développer et grossir plus que les nôtres.

On pourrait rétorquer en donnant l’Europe comme champ de bataille pour nos start-up. Il est vrai qu’en volume, l’Europe pourrait passer pour une solution permettant la croissance des start-up.

Mais en réalité, il est très difficile pour une petite société de se développer en Europe. Raison numéro 1 : les langues. Il faut donc investir pour avoir des solutions multilingues. De plus, les collaborateurs, en particulier commerciaux auront également ce problème. Deuxième raison les réglementations et usages. Il faut adapter les solutions en tenant compte des spécificités de chaque pays.

Tout bien considéré, en règle générale, il est plus facile à une jeune pousse française d’aller s’installer aux USA pour se développer, qu’en Europe. Il faut ajouter l’accès aux capitaux que ce soit en amorçage ou en développement.

Une autre possibilité s’offre aux PME pour grossir : PACTE PME.

"Pacte PME est une association paritaire réunissant des grandes entreprises et des collectivités autour d’une conviction partagée : pour faire grandir les PME françaises et favoriser l’émergence de nouveaux leaders au sein de l’économie française, les sociétés de toutes tailles doivent mieux coopérer ensemble. "

Là encore, cette déclaration relève de l’incantatoire. Les grands comptes qui font partie de cette association sont prêts à aider les PME en leur prodiguant des conseils et de la formation, des activités d’open Innovation et des accompagnements stratégiques des dirigeants de ces PME. Mais au-delà de cette panoplie de services, les PME ont besoin de voir leurs carnets de commandes se développer de manière très importante et durable, si elles prétendent à l’acquisition du qualificatif de Licornes. Cela, PACTE PME ne peut le garantir.

Face à ce constat, la SPAC permet de contourner ces problèmes en créant une société hybride, entre la holding et le fonds de private equity, qui peut acquérir des sociétés par exemple dans plusieurs pays européens, dans un secteur économique précis, créant ainsi de facto une licorne dans ce secteur qui serait de plus automatiquement cotée en Bourse.

Les SPAC encore rares en Europe, ont vu le jour aux États-Unis il y a une vingtaine d’années. En France, la première SPAC cotée sur Euronext Paris  est Mediawan , société fondée par Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Elle avait levé de 250 millions d’euros et a été introduite en Bourse en 2016 pour opérer dans le secteur des médias.

Autre exemple, une SPAC avait servi en 2012 à l’acquisition et l’introduction en Bourse de la chaîne de restauration rapide Burger King.

Ces sociétés de type "coquilles vides" cotées en Bourse ont levé aux USA près de 40 milliards de dollars cette année. Leur promesse : acquérir une entreprise avec de véritables activités entrant dans le secteur économique défini dans leurs statuts,  dans un futur proche. Quelques exemples : Virgin Galactic, DraftKings ou Nikola. En France, certains les appellent "sociétés de chèques en blanc" ou "sociétés blanc-seing" (aux Etats-Unis "Blank Check IPOs" ; "Société d’Acquisition à Vocation Spécifique" à la bourse de Toronto).

Dans ce genre de société, les investisseurs font confiance à l’animateur du SPAC qui est souvent une personnalité du monde des affaires, dont la réputation n’est plus à faire, qui propose de développer les activités de la SPAC dans un secteur économique précis, dans lequel il a généralement beaucoup d’expérience et de réussite.

La SPAC s'introduit en Bourse, sans passer par la case IPO, avec une documentation succincte, aucune  activité et pas de résultats à présenter. Seule promesse dont les investisseurs doivent se satisfaire : la SPAC doit utiliser les fonds levés pour acquérir une entreprise non cotée. Ensuite, la SPAC prend le nom de la société acquise. Cette dernière peut ainsi profiter des fonds levés par la SPAC.

Pour la société ainsi acquise, c'est un moyen de s'introduire très rapidement en Bourse ("Fast track IPO"), sans avoir à passer par  tout le processus traditionnel. De plus, la valorisation est définie en amont de gré-à-gré. Quelques semaines peuvent suffirent à boucler une telle opération si les investisseurs et le dirigeant s’entendent.

De nombreuses questions juridiques se posent, en particulier pour l’AMF qui va se trouver confrontée à une demande non classique d’introduction en bourse. Il est clair que des adaptations seront nécessaires en droit français.

Aujourd’hui, une norme d’usage dans la structuration des SPAC s’est développée, sachant que la législation diffère selon les places financières.

Dans certains pays, les SPAC suivent un système juridique dit de "Hard Law".  Les avocats conseillant les promoteurs de SPAC peuvent se référer à une règle écrite émise par le législateur ou les autorités boursières nationales. Ces pratiques s’inspirent de la manière de faire nord-américaine pour d’autres pays n’ayant pas de règles spécifiques aux SPAC.

Aujourd’hui, aucun régime légal ou réglementaire propre aux SPAC, n’existe encore dans le système français. La France n’est pas un pays de Hard Law sur ce sujet. Il est donc particulièrement important sur le plan juridique de documenter de manière la plus détaillée possible les statuts de la société et en particulier son objet social.

Les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés européennes paraissent ainsi les mieux adaptées dans notre pays pour offrir les titres au public en tant que SPAC.

De plus, il faudrait demander une dérogation à l’AMF. En effet, une société doit avoir réalisé au moins 3 exercices comptables pour procéder à une offre au public.

Plusieurs difficultés juridiques doivent être surmontées, par exemple le franchissement du seuil de 10%  dans le cas de l’autocontrôle de la société (Par exemple, pour les S.A., article L.225-209 du Code de commerce modifié par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016)

Ceci étant, l’utilisation de SPAC par des dirigeants reconnus pourrait s’avérer être un moyen intéressant pour doter la France de Licornes dans les secteurs stratégiques.