Caption.market, la Bourse des start-up françaises

Caption.market, la Bourse des start-up françaises Cette place de marché permettra aux fondateurs et salariés des start-up françaises de revendre leurs parts à n'importe quel moment. Elle ouvrira le 3 mars prochain.

Et si le Next40 devenait vraiment un indice boursier ? Pour l'instant, l'initiative lancée par le gouvernement fin 2019 sert principalement à promouvoir gratuitement les start-up françaises. Avec Caption.market, les pépites tricolores de la tech pourraient rentrer dans la cour des plus grands. Créée en 2020, cette société veut créer l'équivalent d'une bourse de la tech française où seraient échangées des parts de start-up comme BlaBlacar, Lydia, Doctolib ou encore BackMarket. "Une des problématiques dans le private equity est que les actionnaires d'une start-up ne peuvent pas revendre leurs actions librement. Ils doivent chercher une contrepartie acheteuse et doivent faire face aux contraintes du pacte d'actionnaires", raconte Lucas Mesquita, cofondateur de Caption.market. Ce document juridique contient des clauses sur le capital social, notamment sur la vente des titres de la société.

"75% des salariés n'exercent jamais leurs BSPCE"

La majorité des salariés de start-up (celles qui ont au moins fait une première levée de fonds) détiennent des BSPCE, bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, sorte de stock options dans les sociétés non cotées. Très populaires dans les pays anglo-saxons, ils incitent les salariés et dirigeants à participer au développement de l'entreprise. Si la société prospère, le titre prend de la valeur et le bénéficiaire pourra donc empocher une plus-value à la revente.  

Mais ça, tout le monde ne le sait pas. Ou du moins, tout le monde ne perçoit pas l'intérêt. "75% des salariés n'exercent jamais leurs BSPCE soit pour des contraintes de temps soit parce que le boîte ne va pas bien", explique Lucas Mesquita. "C'est aussi très dur à comprendre. Beaucoup de fondateurs nous disent que leurs salariés n'arrivent pas à valoriser les BSPCE, que c'est de moins en moins un outil de rétention dans l'entreprise. Ils cherchent à négocier leurs salaires et ne les intègrent pas du tout au package de rémunération", ajoute-t-il. Certains fondateurs font en revanche tout pour que les salariés ne comprennent pas et qu'ils n'activent pas leurs BSPCE, puisqu'une revente de titre signifie une dilution du capital… et donc moins d'argent dans la poche des fondateurs.

Gratuit pour les start-up 

Caption.market va donc permettre aux salariés de revendre leurs parts sans avoir l'accord de leur patron. La plateforme sera ouverte uniquement aux préinscrits le 3 mars prochain et le 8 mars pour tous. A ce jour, la jeune pousse compte déjà près de 1 300 intéressés (trois quarts d'investisseurs et un quart de salariés et fondateurs). Des start-up comme Feed, Germinal ou Pixpay ont déjà manifesté leur intention d'être listées. C'est bien plus que leur objectif qui s'élevait à… 100. Un engouement qui s'explique par les posts LinkedIn de plusieurs fondateurs de start-up très suivis. A partir du 3 mars, il ne sera en revanche pas possible d'exécuter automatiquement des ordres sur la plateforme, comme sur une Bourse traditionnelle. Pour le moment, les opérations seront réalisées de gré à gré, en dehors de la plateforme, en attendant que Caption.market ait l'agrément de PSI (Prestataire de services d'investissement) qu'elle espère obtenir dans les "semaines, mois à venir", d'après les fondateurs. A ce jour, elle possède le statut de conseiller en investissement financier (CIF) qui lui permet de définir avec les détenteurs de BSPCE leur meilleure stratégie de sortie.

"C'est comme l'iPhone. Vous l'achetez parce que vous savez que derrière vous pourrez le revendre"

Tout le monde ne pourra pas acheter des BSPCE Feed ou Germinal. Caption.market s'adresse à des investisseurs qualifiés, contrairement à la Bourse ouverte à tous. Ce qui n'est pas négligeable pour les start-up car si la plateforme s'adresse à un investisseur lamba, elle serait obligée de rendre public tout un tas d'informations. Ce qui n'est pas monnaie courante dans la French Tech... Caption.market espère attirer des investisseurs qualifiés divers. "Les business angels qui doivent attendre 10 ans pour obtenir une liquidité hypothétique ou encore Les asset managers qui n'arrivent pas à se positionner dans le venture capital", indique Quentin Lechemia, autre cofondateur de Caption.market.

La jeune pousse fera payer uniquement les investisseurs : 5% sur la transaction réalisée. Elle ne peut pas facturer les dirigeants et salariés en raison de son statut qui sous-tend un placement non-garanti. Autrement dit, Caption.market ne garantit pas que l'opération va être exécutée. Quand elle aura obtenu son statut de PSI, elle pourra alors prendre une commission aux détenteurs de BSPCE, qu'elle fixera aussi à 5%. 

Cette Bourse de la tech n'est pas unique en son genre. Aux Etats-Unis, Carta a lancé une place de marché similaire. Créée en 2012, elle a commencé par commercialiser un logiciel de gestion des tables de capitalisation pour les start-up avant de lancer fin 2020 une place de marché sur laquelle elle s'est d'ailleurs listée. Selon The Information, Carta est désormais valorisée 6,9 milliards de dollars, contre 3 milliards de dollars il y a an. Deux autres start-up, SharesPost et Manhattan Venture Partners, ont créé des marketplaces similaires. Ces dernières ont plutôt un choisi un modèle de banque d'affaires qui consiste à nettoyer la table de capitalisation avant une introduction en Bourse. En France, DealCab (prochainement renommée FairShares) a vu le jour récemment. Issue du start-up studio Pareto (de l'agence tech Cosa Vostra), elle met également en relation les start-up avec les investisseurs et revendique déjà comme gros nom Cityscoot.

Mais le marché français de la tech n'est-il pas trop étroit pour ce genre de business, comparé aux Etats-Unis, dont on ne compte plus les licornes ? "C'est un marché à au moins 10 milliards d'euros, si on prend juste les entreprises du Next40 et du FT120 (autre indice créé par le gouvernement, ndlr)", estime Lucas Mesquita, qui compte coter entre 10 et 20% du capital de ces start-up sur Caption.market. "Tant qu'il n'y a pas de marché secondaire, le marché primaire n'est pas optimal. C'est comme l'iPhone. Vous l'achetez parce que vous savez que derrière vous pourrez le revendre", illustre le dirigeant, qui vise 100 start-up sur sa plateforme et espère drainer entre 5 et 10 millions d'euros d'achat-vente effectif cette année. Composée de trois personnes, Caption.market s'est autofinancée jusqu'alors et ne prévoit pas de lever des fonds pour l'instant. "Si nous faisons entrer un VC, cela risque de poser un souci pour lister certaines start-up", justifie Lucas Mesquita.