NFTs dans le monde de l'art : un paradoxe fiscal ?

Le NFT artistique "Everyday : the First 5.000 Days" de Beeple, vendu pour 69,3 millions de dollar le 11 mars 2021 à New York, se trouve sur le podium des œuvres d'art d'artistes vivants les plus chères au monde. Hautement volatils en termes de valorisation, les NFTs attirent pourtant un nombre croissant d'investisseurs souhaitant diversifier leur patrimoine.

Quelles sont les particularités fiscales des NFT ? Est-ce vraiment intéressant d'acheter une œuvre d'art via un NFT ?

Les NFTs, assimilés aux cryptomonnaies

Depuis 2019, les NFTs constituent des actifs numériques et leurs cessions par des particuliers sont soumis à la « flat tax » : imposées à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12.8 %, auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux de 17.2 %, soit une imposition globale de 30 %. Par comparaison aux autres actifs financiers, il n’est pas possible d’opter à l’imposition au barème progressif. Par ailleurs, en deçà de 305 euros de vente totale sur une année, la cession de NFT est exonérée. Et à ce jour, aucun abattement pour durée de détention n’est possible. Le régime fiscal des NFTs est donc assimilé à celui des actifs financiers avec quelques aménagements.

Sous l’impulsion du député Pierre Person, un amendement dédié aux jetons non fongibles a été déposé au sein du projet de loi de finance 2022. Il précise que la cession d’un NFT serait désormais imposée selon le régime fiscal applicable à son actif sous-jacent : une œuvre d’art, une chanson, une carte à collectionner, un GIF, etc. Adopté en commission, cet amendement a été retiré en séance publique. Cette ébauche de régime fiscal aurait permis de faire la distinction entre un actif numérique « classique » et un actif numérique non fongible représentant une nouvelle illustration d’un titre de propriété privée. Il est d’ailleurs intéressant d’analyser cet amendement comme le point de départ d’une définition légale d’un NFT ! Cette initiative met néanmoins en lumière toute l’ambiguïté fiscale entre un actif numérique « classique » et un actif numérique non fongible.

Cession d’une œuvre d’art : mode d’emploi

A l’opposé, la cession d’une œuvre d’art, qui n’est pas « encapsulée » par une NFT, a un régime fiscal particulier. En effet, les impôts et taxes portant sur ces montants souvent très importants ne doivent pas faire fuir les acteurs du marché de l’art, mais être en partie incitatifs pour permettre le maintien des œuvres sur le territoire français. La cession recouvre fiscalement deux situations : lorsqu’une personne décide de vendre une œuvre à un tiers ou lorsque l’œuvre est transférée vers un autre État, même en l’absence de changement de propriétaire ! 

Ensuite, le collectionneur a le choix entre deux types d’imposition : la taxation forfaitaire ou le régime des plus-values des biens meubles. Dans le premier cas, le taux d’imposition est de 6 % sur la base du prix de cession. L’impôt est exigible à la date de cession ou d’exportation par le vendeur ou l’exportateur. Dans le second cas, la cession est taxable à un taux de 19 %, auquel il sera ajouté les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %, sur une base imposable correspondante à la plus-value. Ce second choix est intéressant lorsqu‘il est possible de justifier une date d’entrée ancienne dans son patrimoine car un abattement pour durée de détention s’applique. Son taux est fixé à 5 % par année de détention au-delà de la deuxième, il en ressort une exonération totale de la plus-value après vingt-deux ans de détention. Pourtant, l’ambiguïté est aujourd’hui évidente : si un particulier acquiert par l’intermédiaire d’un NFT une œuvre d’art, les plus-values seront taxées selon le régime des actifs numériques avec une flat tax à 30 % !

Œuvre d’art ou NFT artistique ?

Découlent de ce nouveau marché artistique des problématiques nouvelles liées au NFT et notamment sur le droit qui entoure l’œuvre, par exemple : une NFT artistique est-elle une œuvre originale ? En droit fiscal, le NFT artistique n’entre pas dans la définition de l’œuvre d’art. Dans la définition de l’œuvre d’art, deux parties la composent : la partie immatérielle qui sont les droits attachés aux œuvres, droits moraux et droits patrimoniaux, et la partie matérielle, tangible. Lorsqu’un actif numérique est estampillé par la blockchain, qu’il soit une photo, une image ou un gif, il devient rare et unique, le NFT artistique répondrait alors aux critères de l’œuvre sous l’approche immatérielle. Concernant la partie matérielle : à moins de considérer que le support du NFT artistique soit l’œuvre (la clé USB, le serveur), nous pourrions aussi affirmer qu’il ne respecte pas le critère matériel et l’assimiler à un seul certificat d’authenticité. Toutefois, deux définitions juridiques et régimes fiscaux distincts demeurent aujourd’hui.

Ainsi, choisir d’investir dans les NFTs n’est pas si simple ! Le régime fiscal strict traduit sûrement une difficulté du législateur à l’incorporer dans un régime existant, et sa définition est à ses prémices, autant du point de vue fiscal, juridique que sous l’angle de la propriété intellectuelle.