FiDA, un obstacle pour l'accès au crédit ?

FiDA, un obstacle pour l'accès au crédit ? Le texte qui instaure l'open finance permet une meilleure visibilité sur ses données financières. Mais en attendant certaines clarifications, il pourrait cependant constituer un frein pour accéder au crédit.

Une petite révolution silencieuse. Le vote par la commission Econ du Parlement européen de FiDA (financial data access), intervenu le 18 avril, est passé relativement inaperçu. Le texte prévoit pourtant d'instaurer l'open finance via la libéralisation de toutes les données financières, aussi bien celles des entreprises que des particuliers. Peut-être que le flou sur sa date d'adoption définitive, qui devrait intervenir fin 2024 ou courant 2025, est responsable de cette indifférence générale. Toujours est-il que le grand public semble peu renseigné sur le sujet. C'est pourtant lui qui sera le premier concerné par les nombreuses conséquences de ce règlement.

En mettant en place l'open finance, FiDA permet la circulation de toutes les données financières entre toutes les institutions financières, à l'exception des données de santé détenues par les compagnies d'assurance. Sont donc concernées les données d'assurance, d'épargne, de retraite, les crédits, les actions ou encore les obligations. Toutes ces données seront centralisées autour d'un nouveau type d'acteurs : les agrégateurs de données. Ceux-ci devraient prendre la forme d'une interface sur laquelle toutes les données financières d'un individu sont rassemblées. Comme un agrégateur de comptes mais avec un périmètre plus large. FiDA promet ainsi à chacun une meilleure visibilité sur l'ensemble de ses données financières.

"FiDA, c'est une façon déguisée de légaliser les listes noires"

Bien entendu, la circulation de ces données sera possible seulement si l'utilisateur donne son consentement. Une condition suffisante pour protéger ces derniers d'éventuels abus ? Rien n'est moins sûr selon Frédéric Forster, avocat pour le cabinet Lexing : "Si, par exemple, vous avez un crédit en cours auprès de la BNP Paribas et que vous demandez un autre crédit auprès du Crédit Agricole, le Crédit Agricole pourra, si vous avez donné votre consentement, solliciter la BNP Paribas pour avoir des informations sur vos finances et pour évaluer votre solvabilité. Mais si vous n'avez pas donné votre consentement, cela paraitra louche".

Selon l'avocat, FiDA permettra d'accéder plus facilement au crédit en prouvant sans difficulté sa capacité à rembourser un emprunt. Mais seulement pour les clients les plus solvables. Pour les autres, l'histoire serait différente : "On offre des perspectives défensives aux institutions financières", dénonce-t-il. "FiDA, c'est une façon déguisée de légaliser les listes noires et d'empêcher certaines personnes d'accéder au crédit et à d'autres produits financiers". Des listes noires sur lesquelles figureraient les personnes les moins solvables ou celles qui ont refusé de donner leur consentement pour que leurs données financières circulent.  

Des offres sur mesure

Une prédiction peu réjouissante mais pas partagée par tous. "FiDA permet simplement une meilleure visibilité et un meilleur contrôle sur ses données financières. Si demain vous refusez de transmettre vos données à une institution financière, il n'y aura rien de louche. J'imagine qu'une banque qui refuse un crédit car le consentement n'a pas été donné peut avoir des sanctions", suppose de son côté Steve Outmezguine, avocat associé pour le cabinet Avomedias. Tout semble reposer sur cette éventuelle sanction qui empêcherait les banques de discriminer les personnes n'ayant pas donné leur consentement. La version actuelle de FiDA, susceptible d'être modifiée dans les mois à venir, n'est pas encore précise sur ce sujet.  

En prenant le verre à moitié vide, on peut mettre l'accent sur le fait que FiDA pourrait restreindre l'accès au crédit (et encore…). En prenant le verre à moitié plein, il facilite son accès pour les plus solvables et empêche les autres de s'endetter en prenant des risques démesurés. En sortant du seul spectre du crédit, le texte permet également aux institutions financières de proposer des offres plus adaptées à leurs clients grâce à une meilleure connaissance de leur profil.