Après le sans contact et le paiement mobile, place à l'avènement du paiement en rayon ?

Après le sans contact et le paiement mobile, place à l'avènement du paiement en rayon ? Testé à ce jour dans au moins 1 750 magasins en France, le paiement en rayon présente de solides arguments pour s'imposer durablement, aussi bien côté consommateur que commerçant.

Et si nous pouvions faire nos courses sans passer par la caisse ? Pour cela, des enseignes comme Carrefour, Etam, Celio, Total Energies, Bricoman ou encore Brico Dépôt ont testé dans certains de leurs magasins une nouvelle pratique : le paiement en rayon. A ce jour, on compte au moins 1 750 magasins en France qui ont intégré cette innovation. L'objectif est double : permettre aux vendeurs de se focaliser davantage sur le conseil que sur le paiement et, surtout, mettre fin aux files d'attente. La promesse est alléchante. Est-elle suffisante pour que le paiement en rayon se fasse une place aux côtés des deux usages majeurs de la dernière décennie, à savoir le sans contact et le paiement mobile ?

Pour permettre à leurs clients de payer directement en rayon, les enseignes collaborent avec des fintechs du paiement. Un acteur comme Lyf, soutenue par BNP Paribas et Crédit Mutuel, a développé deux solutions pour éviter aux clients le passage à la caisse. Une centrée sur le consommateur et une sur le vendeur. La première fonctionne de la façon suivante : "Après avoir scanné un QR code à l'entrée du magasin, le client est redirigé vers une page où il peut constituer son panier en scannant les produits qu'il souhaite acheter", explique Christophe Dolique, CEO de Lyf. "Au moment de payer, il est orienté vers un wallet où il peut sélectionner sa carte bancaire, sa carte ticket restaurant ou encore sa carte de fidélité".

Plusieurs parcours de paiement possibles

La deuxième solution, celle centrée sur les vendeurs, repose sur le SoftPos, une technologie qui transforme une tablette ou un smartphone équipé d'une puce NFC en terminal de paiement. "Avec leur tablette (ou leur smartphone, ndlr), les vendeurs peuvent enregistrer le panier du client puis procéder au paiement sans contact. Là aussi, les cartes ticket restaurant et de fidélité sont acceptées". Les solutions de paiement en rayon développées par Lyf sont expérimentées dans près de 1000 magasins Carrefour, Célio ou encore Total Energies (dans les stations essence). "Après le covid, le magasin est revenu en force et les enseignes ont voulu le rendre plus attractif. En supprimant le passage à la caisse, le paiement en rayon libère de la place au sein du magasin, fait gagner du temps aux clients et rend les vendeurs plus polyvalents", assure Christophe Dolique.

Le paiement en rayon version Lyf repose sur la carte bancaire. Mais il est également possible par virement. C'est le cas dans certains magasins Bricoman et Bureau Vallée qui ont adopté la solution développée par la fintech Fintecture : "Via API, on est capable de s'intégrer dans les applicatifs du marchand. Le conseiller en rayon peut ensuite générer un lien de paiement que le client va scanner. Celui-ci peut ensuite choisir le compte qu'il souhaite débiter et la transaction est validée après un système d'authentification classique", détaille Sophie Marot-Remy, responsable marketing et partenariats chez Fintecture. "Au total, cela ne prend que 30 secondes". Comment une transaction par virement peut-elle s'avérer si rapide ? "Les coordonnées bancaires des deux parties sont déjà préremplies et la confirmation du paiement est instantanée".

Le paiement en rayon par virement n'est pas forcément intuitif mais il a pourtant des vertus : "Cela peut intéresser des particuliers qui ne veulent pas bloquer le plafond de leur carte mais aussi des professionnels qui ont des dépenses plus élevées. Le virement permet de garantir un taux d'acceptation élevé, là où celui de la carte baisse pour des achats de hauts montants. C'est donc complémentaire à la carte." Malheureusement, l'absence de chiffre précis sur l'adoption du paiement en rayon par virement ne permet pas de déterminer à quel point cette alternative est sérieuse. Si le paiement en rayon doit s'imposer pour les dépenses du quotidien, l'option carte bancaire semble partir avec une longueur d'avance étant donné sa vitesse d'exécution.

" Pour les commerçants, je vois surtout cette nouvelle solution comme une corde de plus à leur arc"

Qu'il s'effectue par virement ou par carte bancaire, le paiement en rayon repose en partie sur le scan d'un QR code. Une pratique récente en France mais bien ancrée dans d'autres pays, notamment en Chine par l'intermédiaire de solutions comme Alipay ou WeChat. "Je pense que cela a donné des idées aux acteurs français", glisse Emmanuel Papadacci Stephanopoli, vice-président de l'Observatoire de la Fintech et directeur du Village by CA Paris.

Le paiement en rayon demeure pour le moment en phase d'expérimentation. Existe-il des obstacles qui pourraient empêcher sa généralisation ? "Changer de rituel de paiement nécessite du temps. J'imagine davantage une adoption progressive que brutale de la part du grand public". Par ailleurs, le temps nécessaire pour réaliser une transaction sera décisif : "Dans le paiement, la différence entre une innovation qui prend et une autre qui ne prend pas repose souvent sur la longueur de l'expérience client. Cela peut se jouer à une poignée de secondes". Surtout, l'avenir du paiement en rayon "dépendra des commerçants car ce sont eux qui paient cette solution". Mais quoiqu'il en soit, il ne devrait pas être révolutionnaire pour ces derniers : "Pour le moment, je vois surtout cette nouvelle solution comme une corde de plus à leur arc".

Tous les magasins français du groupe Etam concernés

Les commerçants feront sans doute office d'arbitres. Alors autant recueillir les retours d'une enseigne qui a déjà déployé le paiement en rayon. Depuis juin, Etam l'a expérimenté dans un premier temps dans 100 de ses magasins via le Tap to Pay (qui, comme le SoftPos, permet de transformer un portable en terminal de paiement, mais pour les iPhones) et s'appuie sur la fintech néerlandaise Adyen. Si Etam, d'après son directeur e-commerce omnichannel Romain Sabatier, a dû procéder à une "réorganisation ses magasins et son staff", la marque ne regrette pas du tout la mise en place du paiement en rayon : "Les clients sont très enthousiastes. Les temps d'attente sont réduits. Les points d'encaissement sont bien plus nombreux donc on appréhende mieux les périodes de fort trafic. La circulation dans le magasin est plus fluide. En termes d'image de marque, on apparait à la pointe de la technologie dans l'esprit de nos clients ".

Et ce n'est pas tout. En permettant aux vendeurs de se "concentrer sur le conseil et l'accompagnement à la vente", Etam parvient à "mieux fidéliser sa clientèle" et constate "une augmentation de son panier moyen". Résultat, fin 2024, le groupe a étendu le paiement en rayon à l'ensemble de ses magasins français. Près de 750 boutiques sont concernées. Reste à savoir si d'autres enseignes l'imiteront.