Fanny Rodriguez (Afepame) "Les Big Tech qui n'hébergent pas leurs données en Europe doivent être exclues de FiDA"
Présidente de l'Association française des établissements de paiement et de monnaie électronique (Afepame), Fanny Rodriguez revient sur les enjeux des négociations autour du règlement FiDA, destiné à instaurer l'open finance.
JDN. Où en sommes-nous dans le processus législatif du règlement FiDA ?

Fanny Rodriguez. Le texte a été voté par la commission Econ du Parlement européen en avril 2024. Actuellement, il est discuté entre les organes de l'Union européenne, c'est la négociation en trilogue. D'après nos informations, les discussions avancent bien et le texte final devrait être publié en 2026. Ensuite, on devra observer un délai avant son entrée en vigueur.
En février, des rumeurs annonçaient que, sous la pression des assureurs, la Commission européenne avait décidé d'abandonner le règlement FiDA avant de rétropédaler. Le retrait du texte est-il encore envisageable ?
Ce scénario est clairement inenvisageable.
Pouvez-vous donner un exemple concret de cas d'usage que permettra FiDA ?
L'open finance existe déjà mais elle n'est pas régulée et FiDA propose un cadre qui permet de l'encadrer. En somme, le texte permet aux acteurs financiers de proposer des offres sur-mesure, adaptées au profil de chaque client, grâce au partage des données financières. Par exemple, pour assurer sa voiture, un consommateur pourra recourir à un service qui analysera ses données et le guidera vers l'offre d'assurance la plus adaptée.
Dans les négociations, un point revient souvent : l'exclusion ou non des Big Tech du dispositif. Quelle est la position de l'Afepame à ce sujet ?
Nous sommes pour l'exclusion des Big Tech qui n'hébergent pas leurs données en Europe. S'ils veulent accéder aux données européennes, il me semble logique que ces acteurs doivent mettre leurs données en Europe. Nous ne sommes pas anti-américains ni anti Big Tech. Nous voulons juste une concurrence équitable et que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde. En France et en Europe, les fintechs font l'effort de se soumettre aux législations et d'obtenir des agréments qui demandent du temps et de l'argent. Si des acteurs américains peuvent accéder à nos données sans se soumettre aux règles européennes, c'est problématique. Nous aurions préféré que l'open finance s'applique uniquement à des entreprises régulées, quel que soit l'agrément. Naïvement, nous pensions que ce serait le cas.
Mais cela sera bien le cas car seules les entreprises qui auront le statut FISP (prestataires de services d'information financière) seront incluses dans le dispositif…
Le statut FISP est plus simple à obtenir que les agréments habituels qu'on a en France et en Europe. C'est un statut qui a été créé pour que les acteurs américains non régulés puissent rentrer dans le dispositif. N'importe quel Gafam peut obtenir ce statut sans aucun problème. Et ce n'est pas tout. Quand nous avons lu le texte d'origine pour la première fois, nous avons appris que les fintechs françaises et européennes allaient devoir elles aussi obtenir le statut FISP alors qu'elles sont déjà agréées. Pour elles, c'est la double peine.
Une autre question revient également dans les débats : faut-il limiter l'open finance à des cas d'usage déterminés à l'avance ?
Il ne faut surtout pas déterminer à l'avance ces cas d'usage dans le texte. L'innovation ne se décrète pas dans un texte. Ce sont les besoins des clients et l'évolution des technologies qui créent l'innovation. Le texte sera pour au moins dix ans. Il ne faut pas qu'il décrète à l'avance les domaines dans lesquels l'innovation est possible.
Une fois que le texte final sera adopté, quel serait selon vous le délai idéal d'entrée en vigueur ?
Nous militons pour des délais raisonnables. Dans les discussions, j'ai déjà entendu que le délai d'entrée en vigueur pouvait atteindre trois ans, ce qui nous amène à 2029. Un délai aussi long n'a aucun sens ! Le meilleur moyen de tuer l'innovation, c'est de repousser le plus tard possible l'entrée en vigueur de FiDA. Un délai de trois ans donnerait raison à ceux qui ne veulent pas du texte. Il y a des fintechs qui se créent en vue de FiDA. Si elles doivent attendre 2029, elles disparaitront avant même d'être nées. Par contre, les Gafam seront toujours là.