Thomas Clausen (Polytechnique) "Voici ce qu'apprendront concrètement les premiers étudiants IoT de l'X"

Polytechnique lance une formation continue dédiée à l'IoT. Sécurité, traitement des données… Thomas Clausen, enseignant-chercheur et responsable de la chaire Internet of Everything de l'X, dévoile ce nouveau programme.

JDN. Polytechnique lance à l'automne un programme de formation continue pour les professionnels qui veulent apprendre à développer des objets connectés. Quel sont les profils des étudiants de ce cours ?

Thomas Clausen, directeur de la formation continue IoT de l'X. © Jérémy Barande - École polytechnique

Thomas Clausen, directeur de la formation. Les élèves de cette nouvelle formation continue, qui démarrera en novembre, ont en général une dizaine d'années d'expérience dans l'industrie. Ces ingénieurs ont un profil très technique. Nous ne prenons pas de commerciaux sortis d'HEC par exemple. Nous avons également été contactés par des entrepreneurs qui lancent des start-up dans le secteur de l'Internet des objets.

Que viennent chercher ces professionnels habitués au terrain dans votre école ?

Pour mener à bien un projet dans le domaine des objets connectés, il faut avoir des compétences dans de multiples domaines, de la gestion de données à la cryptographie en passant par le développement informatique. Rares sont aujourd'hui les ingénieurs à disposer d'un panel de connaissances aussi complet.

C'est cette multiplicité des enseignements que viennent chercher les élèves de la nouvelle formation de l'X : notre école dispose en interne les ressources nécessaires, car elle est "poly-technique", comme son nom l'indique. L'établissement totalise 22 laboratoires de recherche en mathématiques, physique, chimie, sciences sociales...

Est-ce grâce à cet ADN multiforme que Polytechnique est devenue la première des grandes écoles d'ingénieur tricolore à avoir créé un cours sur l'IoT ?

Probablement. C'est vrai que les Mines ou les Ponts et chaussées sont par nature des écoles plus spécialisées.

Comment cette formation est-elle construite ?

Le programme est organisé autour de huit séances étalées sur deux jours chacune. La première partie permet aux inscrits de revenir sur les bases : comment fonctionne concrètement Internet ? Comment sont construits les protocoles de communication ? Quelle est leur architecture ? L'IoT touche tous les secteurs de l'économie, pas seulement les télécoms. Un ingénieur chimiste travaillant chez Solvay peut se mettre à niveau sur ces données essentielles grâce à ce premier module.

"Nous avons aussi créé un master IoT en deux ans qui démarrera à la rentrée 2017"

Nous présentons ensuite aux étudiants les protocoles de communication classiques, ceux qui sont liés spécifiquement aux objets connectés - comme les fameux Sigfox et LoRa - ainsi que plusieurs OS libres embarqués dédiés aux appareils intelligents. Ils apprennent par exemple à programmer un système d'exploitation sur Riot OS. De retour dans leur entreprise, ils ont les bases requises pour développer un OS IoT.

Une fois ces bases assimilées, les étudiants s'attaquent-ils directement à la conception d'un objet connecté ?

Tout à fait. La seconde partie du programme leur permet de prototyper un appareil intelligent. Concrètement, les premiers étudiants IoT de l'X apprendront par exemple à développer des algorithmes de cryptographie pour sécuriser les objets connectés.

De la banque en passant par la messagerie électronique, la cryptographie est utilisée dans de nombreux secteurs de l'économie. En quoi la formation que vous apportez à vos étudiants est-elle spécifique à l'IoT ?

Les protocoles de cryptographie sont complexes et demandent une importante puissance de calcul qui consomme de la batterie. De nombreux objets connectés - un simulateur de battements cardiaques implanté dans le corps humain par exemple - n'ont pas cette capacité calculatoire et ne peuvent être rechargés. Certains enseignants-chercheurs de l'X qui participent à la formation IoT ont développé un système de cryptologie très compact, qui permet de résoudre ce problème.

Quelles autres connaissances essentielles apporterez-vous aux étudiants de votre formation au cours de cette phase de prototypage ?

"De retour en entreprise, les étudiants ont les bases requises pour développer un OS dédié à un objet connecté"

Nous mettons également l'accent sur les problématiques de sûreté : pour poursuivre avec l'exemple cité plus haut, un simulateur cardiaque ne peut pas bugger. Il ne peut pas être redémarré en cas de problème. Lorsqu'un ingénieur écrit un programme destiné à être embarqué dans un objet connecté, il doit donc être capable de vérifier que le logiciel ne tombera jamais en panne. Les professeurs de Polytechnique qui donnent ce cours aident déjà Airbus et ses sous-traitants à résoudre cette problématique pour l'A380 par exemple, qui est bourré d'électronique et ne peut en aucun cas souffrir d'un dysfonctionnement en plein vol.

Faites-vous également travailler vos élèves sur l'analyse des données collectées par les objets connectés ?

Absolument. La série de cours se conclut avec une introduction aux différentes techniques de stockage et d'analyse de données. Les enseignants du "Data science starter program" (la formation dédiée au big data lancée par l'X en octobre 2014, ndlr) sont chargés de cette partie de l'enseignement. Nous encouragerons d'ailleurs les étudiants qui le souhaitent à suivre dans un deuxième temps cette formation complémentaire à leur programme.

En plus de la chaire Internet of Everything lancée avec Cisco en septembre 2014 et dont vous êtes le directeur, l'école Polytechnique va-t-elle créer de nouveaux programmes dans le domaine des objets connectés ?

Oui, nous avons créé un master en deux ans pour des étudiants ayant une licence de mathématiques, ou sortis d'une école d'ingénieur par exemple. La première édition de cette formation initiale devrait démarrer à la rentrée 2017.