Stéphane Allaire (Objenious) "Nous sommes le principal réseau LoRa de France"

Objenious gérera cette année des centaines de milliers d'appareils intelligents et plusieurs millions dès 2018, assure le patron de l'opérateur IoT, créé en février 2016 par Bouygues Telecom.

JDN. Vous aviez annoncé début 2016 que votre réseau IoT Objenious couvrirait toute la France d'ici la fin de l'année. Avez-vous tenu vos engagements ?

Stéphane Allaire, PDG d'Objenious. © Laurence de Terline

Stéphane Allaire. Absolument. Depuis notre création en février 2016, nous avons posé 4 020 antennes LoRa en France. Elles chapotent aujourd'hui 84% du territoire tricolore et 93% de la population. Notre réseau est disponible dans plus de 30 000 communes. Nous lançons cette semaine sur notre site un petit module qui permet à nos clients de donner leur adresse pour vérifier s'ils sont éligibles. Objenious est le premier réseau LoRa national de l'Hexagone. C'est l'opérateur IoT qui a installé le plus d'antennes dans le pays jusqu'à présent.

Allez-vous muscler davantage votre infrastructure en 2017 ?

Nous effectuerons des installations d'équipement réseau ciblées en fonction des besoins de notre clientèle. Nous venons de lancer une offre de déploiement d'antennes à la demande pour les clients qui veulent être certains que les capteurs fixés au fond de leur usine soient bien connectés.

Combien de clients comptez-vous aujourd'hui ?

"Objenious totalise plus de 40 clients et opère des dizaines de milliers de capteurs"

Objenious totalise plus de 40 clients et opère des dizaines de milliers de capteurs. Nous gérerons dès 2018 des millions d'appareils, car une bonne partie de ces sociétés prévoient cette année de sortir de la phase du proof of concept et de déployer massivement des objets connectés. Carrefour déploie par exemple en ce moment des milliers de boîtiers de localisation sur ses rolls (des conteneurs de produits métalliques montés sur roues, ndlr), le cimentier Colas installe le même type de puces sur ses camions.

Nous nous sommes également lancés dans la vente indirecte. Nos solutions de connectivité sont intégrées à des produits et des solutions commercialisés par des groupes partenaires – une centaine aujourd'hui - sous leur propre marque. Ce sont des catalyseurs business qui nous permettent de vendre plus.

Quel pourcentage de votre clientèle a déjà un contrat avec Bouygues Telecom, maison-mère d'Objenious ?

Une part assez faible, un tiers environ.

Vos clients commencent-ils à installer des capteurs à l'étranger ?

Pour le moment, leurs besoins sont concentrés sur la France, mais nous devrions avoir des demandes plus internationales d'ici 2018. Nous tissons notre toile à l'étranger grâce à des accords de roaming passés avec d'autres opérateurs membres de l'Alliance LoRa. Nous venons de signer en Allemagne avec Digimondo, une filiale du spécialiste de l'énergie EON, qui couvrira le pays avec 10 000 antennes à terme. C'est notre deuxième partenariat après celui conclu en 2016 avec l'américain Senet.

En 2017, nous prévoyons de souscrire à des contrats avec des opérateurs IoT dans une bonne partie de l'Europe, notamment au Royaume-Uni et dans les pays limitrophes de la France, à l'exception de l'Espagne où cela prendra un peu plus de temps. Les choses peuvent aller vite : 33 opérateurs déploient aujourd'hui des réseaux LoRa dans le monde. Nous nous appuyons sur le réseau de Bouygues Telecom pour tisser ces accords.

33 opérateurs déploient en ce moment un réseau LoRa. © Alliance LoRa

Quelles autres compétences du groupe vous sont utiles ?

Bouygues Telecom est notre sous-traitant. Nous lui commandons un nombre donné d'antennes. C'est lui qui les achète, les installe et les exploite depuis un lieu appelé le cockpit, où des agents gèrent 24 heures sur 24 tous les réseaux opérés par le groupe, de la fibre au câble en passant par le cellulaire. Cela nous permet de mutualiser les charges.

Avez-vous développé une proposition de valeur nouvelle au sein de Bouygues Telecom ?

Nous avons créé Spot, une plateforme qui permet de gérer les capteurs à distance, de stocker, de visualiser et de traiter les données IoT. C'est un système facile à utiliser, qui couvre 80% des besoins de notre clientèle. Nous laissons les usages plus complexes aux spécialistes du secteur comme SAP ou ThingWorx ou Blue Mix d'IBM.

Nos clients peuvent aussi gérer ces data avec leurs propres outils informatiques s'ils le souhaitent. Mais pour l'instant, 70 à 80% d'entre eux utilisent cette solution. L'Internet des objets n'en est qu'à ses prémices, rares sont les entreprises qui ont eu le temps de développer leurs propres dispositifs de traitement de données IoT.

Cette plateforme sera-t-elle utilisée par Bouygues Telecom pour ses propres clients IoT ?

Absolument. Lorsque le groupe lancera des offres de connectivité NB IoT ou LTE, les clients qui le souhaitent utiliseront Spot pour accéder à leurs données.

Allez-vous construire des offres communes avec votre maison-mère ?

Pour le moment, nos clients n'expriment pas ce besoin. Mais lorsque l'écosystème sera plus mature, nous leur proposerons en partenariat avec Bouygues Telecom une palette de réseaux complémentaires. Certains membres de l'Alliance LoRa, comme le coréen SK Telecom ou le hollandais KPM, proposent déjà des offres combinant LoRa et LTE.

Quel est le principal enjeu auquel Objenious doit faire face en 2017 ?

"Le réseau Objenious est disponible dans plus de 30 000 communes"

Pour étendre le nombre de cas d'usages que nous pouvons adresser et donc notre chiffre d'affaires, nous devons alimenter notre catalogue de capteurs, qui compte aujourd'hui 50 appareils certifiés. Nous ne fabriquons pas ces objets connectés directement, mais notre équipe de quatre ingénieurs vérifient que les appareils produits par des entreprises comme Foxconn, NKE ou encore Sensing Labs fonctionnent et qu'ils respectent les règles fixées par l'Arcep (ces textes encadrent l'utilisation des fréquences IoT publiques, ndlr). Nous recommandons ensuite ces produits IoT à nos clients.

L'Internet des objets est principalement utilisé pour des questions de géolocalisation. Nous travaillons aujourd'hui avec des fabricants de matériel sur une technologie à bas coût baptisée TDOA, pour time difference of arrival, qui permettra de localiser des capteurs à une centaine de mètres près sans utiliser de GPS. Ces appareils pourront par exemple satisfaire des entreprises qui ne veulent pas dépenser 5 euros pour une puce GPS traditionnelle. Les premiers tests seront lancés au mois d'avril.

La problématique du coût est essentielle pour les entreprises qui veulent se lancer dans l'IoT. Pensez-vous que le prix des puces LoRa va baisser ?

Tout à fait. L'existence de l'Alliance LoRa, qui compte aujourd'hui 400 membres alors qu'elle n'a été créée qu'en 2015, va générer une production massive de capteurs compatibles. Tata Telecom vient d'annoncer qu'il construisait une usine en Inde pour fabriquer des appareils LoRa en grande quantité. C'est un premier pas pour amortir les coûts de production sur de gros volumes.